Volume 25

Les couleurs de l’identité

«Les personnes adoptées ont parfois besoin de revenir sur leurs origines, leur parcours migratoire, d’interroger leur histoire », explique la cofondatrice de l’association et étudiante à la maîtrise en anthropologie à l’UdeM, Manuelle Alix-Surprenant. Le groupe compte aujourd’hui une cinquantaine de membres à travers le Québec, issus d’une douzaine de pays différents. Les deux tiers des membres sont des personnes adoptées à l’international.

D’après Manuelle, qui est originaire de Corée du Sud, les questions sur l’adoption et l’envie de trouver des réponses peuvent s’avérer délicates à aborder ou risquent de ne pas être comprises par les parents adoptifs et les proches. « Cela peut être perçu comme un signe d’ingratitude. Comme si le questionnement sur ses origines signifiait que l’on ne menait pas une bonne vie ici », poursuit-elle.

La psychologue spécialisée en suivi post-adoption et coaching parental, Diane Quévillon, illustre l’ambivalence identitaire que les personnes adoptées peuvent vivre. « Elles ressemblent à des personnes qui ne leur ressemblent pas et ne ressemblent pas à des personnes qui leur ressemblent, explique-t-elle. Elles ont une identité métissée, hybride. »

Manuelle fait partie des premières générations d’enfants adoptés à l’international au cours des années 1980. En 2007, elle décide de retourner dans son pays d’origine pour la première fois. Elle en revient avec plus de questions que de réponses et sent le besoin de partager son expérience. Devant l’absence d’organismes s’adressant aux personnes adoptées, Manuelle cofonde L’Hybridé en 2010.

  Se rassembler pour se ressembler

Diplômé au certificat en animation culturelle de l’UQAM et membre du comité administratif de l’organisme, Renaud Vinet-Houle a ressenti le besoin de parler, lui aussi. Un besoin qui s’est manifesté après sa première rencontre avec ses parents biologiques au Pérou, son pays d’origine. « C’est en décembre 2008 que j’ai vu mes parents pour la première fois, raconte le jeune homme. J’ai pu serrer ma mère dans mes bras. Pour moi, c’était un moment de révélation. »

Sa première rencontre avec d’autres personnes adoptées a été un déclic. « Les gens autour de moi comprenaient rapidement ce que je pouvais vivre, je n’avais pas besoin de rentrer dans les détails, indique Renaud. Ma connexion avec les autres a été très significative. » Cet événement lui permet de relativiser son histoire et d’élargir sa vision de l’adoption.

Pour la finissante au baccalauréat en génie logiciel à l’Université Laval Magalie Caouette, qui a participé à plusieurs activités de l’organisme sans en être membre, ce genre d’association offre un soutien aux personnes adoptées lorsqu’elles traversent des phases difficiles. « On peut être tenté de croire que les personnes adoptées n’ont pas vraiment de problèmes à surmonter, que l’adoption est un bonbon, un privilège, et qu’on peut passer par-dessus le passé », affirme l’étudiante originaire de Chine.

Depuis sa première rencontre avec sa famille biologique, Renaud a appris l’espagnol et s’est familiarisé avec la culture péruvienne au fil de ses retours au pays. Ses parents adoptifs et biologiques se sont même rencontrés. Aujourd’hui, il a le sentiment que la boucle est bouclée et se considère privilégié d’avoir deux mères, deux pères, deux cultures différentes.

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