Les chambres rouges, sorti en août 2023, raconte l’histoire de Kelly-Ann, jouée par la talentueuse Juliette Gariépy, et de Clémence, incarnée par l’émouvante Laurie Babin. Les deux jeunes femmes se rendent chaque jour au Palais de justice de Montréal, où se déroule le procès très médiatisé d’un homme accusé d’avoir agressé et tué trois adolescentes. Ces agressions auraient eu lieu dans des red rooms (chambres rouges), à savoir des espaces de diffusion sur Internet mettant en scène en direct la torture, le meurtre ou le viol de personnes. Celles-ci se trouveraient sur le dark web, un réseau superposé qui héberge plusieurs sites impossibles à trouver sur le réseau Internet public.
Le réalisateur du film, Pascal Plante, avoue avoir regardé une grande quantité de contenus sur les tueurs en série pendant la pandémie. « Je trouvais que les documentaires [et les séries] que j’ai pu voir sur les tueurs étaient complètement irresponsables, précise-t-il. C’était beaucoup dans le sensationnel, et ça devenait très lourd à regarder. » C’est de ce constat que l’idée lui est venue de réaliser Les chambres rouges.
« Ça m’a fait réfléchir à notre hygiène de consommation de ce type de contenu et [j’ai voulu] essayer de sonder où notre empathie se situe en 2021 et après », ajoute M. Plante.
Des personnages très travaillés
Le personnage de Kelly-Ann est solitaire et présente de multiples facettes. Elle est mannequin, joueuse de poker en ligne et assez habile avec la technologie pour atteindre les zones du dark web les plus difficiles d’accès. Cette dernière compétence lui permet ainsi de retrouver les vidéos des meurtres des jeunes filles. Plus le film avance, plus le public comprend qu’elle est une personne malsaine. « Je ne voulais pas qu’on explique son côté problématique par des traumas potentiels du passé […], confie le réalisateur. Il y a beaucoup de gens qui ont eu des enfances malheureuses, mais elles ne tuent pas pour autant. »
Il décrit Kelly-Ann comme « métaphorique », une sorte de « vampire », qui donne l’impression de « se réveiller d’un sommeil dominant ». En la « mythologifiant », M. Plante a exprimé la volonté de la sortir du temps présent.
Le personnage de Clémentine s’inspire quant à elle d’une « groupie » du tueur Luka Magnotta, qui tenait un blogue dans lequel elle exprimait son admiration pour le criminel. À l’image de celle-ci, Clémentine finit par remettre en question sa fascination pour l’accusé ainsi que l’innocence de celui-ci. Elle fait même son mea culpa.
Sur le plan de l’écriture des personnages, le réalisateur explique ne pas avoir voulu tomber dans une vision trop simpliste. « C’est beaucoup trop réducteur de croire qu’elles sont folles », souligne-t-il.
Un vrai travail de recherche
La crédibilité du scénario et les émotions que procurent les différentes scènes du film témoignent d’un grand travail de recherche. M. Plante révèle d’ailleurs pour chaque aspect du film. « Je voulais scénariser la technologie pour qu’elle soit “relatable” », poursuit-il. Il mentionne également sa volonté que le film ait « une certaine valeur sociologique », malgré son genre fictionnel.
« Ce n’est pas parce qu’on fait un film de fiction qu’on doit être irresponsable envers les lieux qu’on dépeint, estime-t-il. Plus c’est loin de toi, plus tu as une responsabilité envers ce que tu dépeins. »
Les chambres rouges a remporté le prix du meilleur film au Festival international de films Fantasia, et a été finaliste dans la catégorie meilleur film au Gala Québec Cinéma.
