Les cafés étudiants : bas prix, communauté et convivialité

Les cafés étudiants de l’UdeM constituent des lieux de rassemblement et d’implication étudiante depuis des décennies. Parfois empreints d’histoire, parfois entièrement rénovés, ils ont évolué au fil du temps. Qu’ils soient dynamiques ou moribonds, ils suscitent l’intérêt de Quartier Libre, qui a tenté de dresser leur portrait.

Les cafés étudiants représentent les vestiges d’une époque où l’engagement étudiant était bien présent sur le campus. Aujourd’hui, l’enthousiasme à les faire fonctionner varie de l’un à l’autre.

« Plusieurs facteurs expliquent les disparités entre les cafés, comme celui de trouver des personnes motivées, explique la secrétaire générale de la Fédération des associations étudiantes du campus de l’Université de Montréal (FAÉCUM), Méganne Joyal. L’emplacement aussi est un facteur important. »

L’UdeM compte 20 cafés étudiants, dont 17 sont actifs et 3 le sont par intermittence, à l’image de l’engagement étudiant, qui fluctue d’année en année et de session en session.

La gestion de ces cafés revient aux associations étudiantes, qui ont pour rôle de représenter les étudiant·e·s d’un même programme d’études ou d’une même Faculté à l’Université. Par exemple, l’Association étudiante de géographie de l’Université de Montréal (AÉGUM) représente les étudiant·e·s des programmes de premier cycle en géographie et gère le café Holocène.

« Ce sont les associations étudiantes qui choisissent le modèle d’affaires de leur café », précise Mme Joyal. Ainsi, 17 cafés étudiants sont des organismes à but non lucratif (OBNL). Parmi eux, certains sont gérés directement par une association étudiante et d’autres indépendamment de celles-ci. Selon les revenus générés et le degré d’implication des étudiant·e·s, ces cafés peuvent décider de rémunérer leurs employé·e·s. Les trois autres cafés sous-traitent leur gestion à deux coopératives étudiantes de l’UdeM : la Coopérative des étudiants de la Faculté de droit (Coop Droit) et la Coopérative étudiante de la Faculté de l’aménagement (Coop Aménagement).

Le rôle de la FAÉCUM

La Coalition des cafés étudiants de l’UdeM (COALICAF) regroupe l’ensemble des cafés étudiants. La FAÉCUM gère cette alliance et soutient logistiquement ses membres. Elle facilite notamment les commandes groupées, organise les formations d’hygiène et de salubrité qu’exige le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ) et propose des outils pour les tâches administratives.

La FAÉCUM planifie également quatre rencontres par année universitaire pour les membres de la COALICAF, au cours desquelles les responsables des cafés étudiants se réunissent afin de discuter de leurs enjeux respectifs et de s’entraider.

Au campus MIL, des cafés tissés serrés

La situation des cafés étudiants du campus MIL sort de l’ordinaire. Logés dans des conteneurs industriels aménagés, La Planck, Le Vivarium, Holocène et Café-In sont collés les uns aux autres dans l’agora du Complexe des sciences.

Selon les coordonnatrices du Vivarium, le café des étudiant·e·s en biologie de l’UdeM, la capacité à trouver des personnes pour s’impliquer dans un café étudiant est ce qui influe le plus sur son succès.

« C’est facile de trouver des bénévoles en biologie, estime la coordonnatrice aux finances du café, Mariève Hébert. Dans d’autres programmes, c’est plus difficile. Les gens en bio sont juste plus impliqués. » Le degré d’engagement dans les cafés étudiants serait donc proportionnel à celui investi dans les associations étudiantes en général.

Les cafés étudiants constituent des lieux de rassemblement pour les étudiant·e·s qui peuvent venir y manger leur propre lunch et socialiser. Étudiant·e·s au café Le Vivarium. / crédit photo : Odile Joron

En ce qui concerne la concurrence, les cafés du campus MIL tentent d’égaliser leur prix et de différencier leur offre. « On ajuste nos prix pour s’aider, explique la coordonnatrice aux commandes du Vivarium, Laurianne Fallu. Un responsable d’un autre café m’a déjà texté pour me demander d’augmenter de 0,25 $ le prix de ma galette à l’avoine pour qu’on la vende au même prix. On essaye aussi de ne pas vendre les mêmes produits. Par exemple, vu qu’on a le même fournisseur que l’Holocène, qui est un café végane, pour certains articles, je vais acheter la version non végane du même produit pour éviter la compétition. »

Qu’en est-il de Local Local ?

Au pavillon Marie-Victorin, sur le campus de la montagne, la situation est tout autre. Seuls le café des étudiant·e·s en psychologie et neuroscience cognitive, Le Psychic, et un comptoir des services alimentaires Local Local cohabitent1.

« On peut dire que les cafés étudiants et les services alimentaires de l’UdeM coexistent, constate Mme Joyal. Il n’y a pas nécessairement de compétition, car les deux services ne vendent pas les mêmes produits. » Local Local propose des repas chauds et complets grâce à un service de traiteur, tandis que les cafés étudiants offrent généralement des boissons et des collations.

Surtout, les deux services n’offrent pas du tout la même ambiance. L’étudiant au D.E.S.S. en journalisme Alexis Thériault2 aime par exemple acheter son café au Psychic pour son bas prix, mais aussi la convivialité de l’expérience. En échange d’une carte d’identité, il peut boire son café dans une tasse prêtée au comptoir. « Tu te sens à la maison, avec ta tasse en céramique », souligne-t-il. Au-delà de cet aspect, le prix du café est avantageux : 0,75 $ pour une tasse de café filtre, contre 2,45 $ pour une au comptoir de Local Local.

Plusieurs étudiant·e·s de premier cycle en psychologie souhaitent faire du bénévolat, car ce type d’engagement paraît bien sur un CV pour postuler au doctorat en psychologie. Étudiant·e·s au café Le Psychic / crédit photo : Odile Joron

De plus, bien que les services alimentaires de l’UdeM proposent une formule « repas du jour », l’offre de collations et de boissons reste la même, tandis que les cafés peuvent varier leur menu en fonction de la demande des professeur·e·s et des étudiant·e·s, selon les coordonnatrices du café Le Psychic, Anouk Dubois et Daphnée Pelletier. Le café propose par exemple une « boisson du mois ». Celle de janvier était d’ailleurs le London Fog à la poire.

Entretenir le sentiment d’appartenance

Quel que soit le modèle d’affaires choisi, la présence d’un café étudiant au sein de la communauté qu’elle dessert nourrit le sentiment d’appartenance des étudiant·e·s.

« J’arrive à Montréal au beau milieu de l’année scolaire, témoigne l’étudiante à la maîtrise en anthropologie Eve Méquignon, qui a commencé ses études à l’UdeM au début du mois de janvier. M’impliquer au café Anthropo est une bonne façon de rencontrer des gens de mon programme. »

Pour elle, le café Anthropologie, que gèrent les étudiant·e·s du Département d’anthropologie, constitue « un milieu de vie, un endroit pour prendre des nouvelles, et où l’on croise des visages familiers ».

Les cafés étudiants peuvent demander les bourses de Subventions du Fonds d’amélioration de la vie étudiante (FAVE) pour financer des projets spéciaux, tel un projet de décoration ou de rénovation. Étudiant·e·s au café Anthropologie / crédit photo : Odile Joron

La coordonnatrice aux bénévoles du Vivarium, Ariane Desgagnés, abonde dans le même sens. « On n’est pas là juste pour vendre, on prête des assiettes, il y a un micro-ondes, soutient-elle. Notre café est un lieu de rassemblement, un endroit à la disposition des étudiants. »

Lors de sa visite au campus MIL, Quartier Libre a ainsi observé que bien que seul le comptoir du Vivarium était ouvert, des étudiant·e·s occupaient joyeusement les tables des trois autres cafés et mangeaient leur propre lunch, discutaient et réalisaient des travaux d’équipe à côté des comptoirs fermés.

Le modèle coopératif

Certaines associations étudiantes font appel aux coopératives étudiantes de l’UdeM, la Coop Aménagement et la Coop Droit, pour sous-traiter la gestion de leur café. Les profits que les coopératives génèrent servent à payer les frais d’exploitation, qui incluent le salaire des étudiant·e·s qui y travaillent, et à verser des ristournes3 aux associations étudiantes qui les mandatent.

Mohamed Majdi, Thibault Desvernes, et Benoît Archambault travaillent pour ces deux coopératives. Ils dirigent conjointement les cafés l’Établi au pavillon de la Faculté de l’aménagement, Le Triton au pavillon de la Faculté de musique et l’Acquis de droit au pavillon de la Faculté de droit.

Pourquoi certaines associations étudiantes confient-elles la gestion de leur café à une coopérative ? « Ça devient vite complexe à gérer, surtout quand les revenus sont importants, explique le chargé de projets des coopératives d’aménagement et de droit à l’UdeM, Thibault Desvernes. Le roulement des étudiants et la nécessité d’assurer le suivi des dossiers administratifs et financiers sont des facteurs qui peuvent faire que les associations étudiantes voudront déléguer à une coopérative. »

De plus, bien que les trois hommes d’affaires soient responsables de trois cafés sur le même campus, ils sont bien conscients de diriger des établissements bien différents. Ils les gèrent donc séparément, afin de répondre aux attentes spécifiques de la clientèle. « Les besoins de chaque Faculté sont différents, expose M. Desvernes. Les étudiants en musique ou en droit n’ont pas les mêmes goûts, et pas le même portefeuille non plus. Il y a des produits qui marchent à un endroit, et pas à un autre ».

Bien que les coopératives aident les associations étudiantes sur le plan logistique et financier, privent-elles les étudiant·e·s de la chance d’apprendre à gérer un café ? « Si les étudiants veulent cultiver leur esprit entrepreneurial, ils peuvent s’impliquer sur le conseil d’administration de la coopérative de leur Faculté, suggère le directeur général des coopératives d’aménagement et de droit à l’UdeM, Mohamed Majdi. C’est parfois difficile de recruter parmi les étudiants. »

1. Le CafCom et le café La Retenue sont inactifs depuis deux ans, selon les coordonnatrices du café Le Psychic. Le CafCom prévoyait sa réouverture pour le 3 février 2025 au moment de l’écriture de l’article.

2. Alexis Thériault est pigiste pour Quartier Libre. Son rôle au sein de journal étudiant n’a toutefois pas influencé sa contribution à cet article.

3. Part des bénéfices qu’une coopérative verse annuellement à ses membres.

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