«On est dans l’ère des tueries dans les écoles en Amérique du Nord, il y a donc une adhésion naturelle des étudiants contre l’accès facile aux armes à feu », suggère la coordonatrice de PolySeSouvient, Heidi Rathjen. L’association dont elle fait partie s’est formée en 2009, en mémoire de la tuerie de Polytechnique de 1989.
« Le principal groupe actif au sein du débat, c’est-à-dire la Coalition pour le contrôle des armes à feu, a été formé à partir du mouvement étudiant et d’un groupe citoyen indépendant », révèle Heidi. La Coalition a d’ailleurs elle aussi émergé en réaction aux évènements survenus sur le campus de la montagne.
Des échos ailleurs au Québec
À l’échelle provinciale, l’association Pas Ici fédère les étudiants souhaitant militer pour un contrôle plus étroit des armes à feu. « L’objectif dans les prochains mois pour Pas Ici est de sensibiliser de plus en plus d’étudiants et de chercher le soutien de leurs associations en étendant le mouvement à l’extérieur du Québec » avance le président de l’Association étudiante de Polytechnique (AEP), Manuel Klaassen. L’AEP, comme PolySeSouvient, fait partie du mouvement.
L’Union étudiante du Québec (UEQ) y apporte également son soutien. « Dans l’imaginaire collectif de la population étudiante, le poids de la mémoire de la tuerie de Polytechnique et la violence due à un mauvais contrôle des armes à feu sont très présent, ajoute le président de l’UEQ, Guillaume Lecorps. Les étudiants prennent aussi part au débat en tant que citoyens à part entière. »
Selon lui, la jeunesse constitue une grande partie de l’électorat du gouvernement fédéral. Or, il explique que celui-ci avait dans son programme un projet de loi visant à changer la législation des armes à feu. « Avec la mobilisation des étudiants, ce sont des explications à leur prise de parole dans le débat public vis-à-vis de la loi », conclut-il.
Un encadrement jugé insuffisant
Pour le professeur titulaire au Département de criminologie, Étienne Blais, le projet de loi C-71 n’a pas beaucoup à offrir. « Sa portée est assez limitée, estime-t-il. À mon avis, il y a derrière cela un certain opportunisme politique, puisque les motifs de catégorisation sont assez vagues. »
Un avis partagé par Heidi. « On pense que le projet de loi est trop faible, mais on le soutient puisqu’il va dans la bonne direction, affirme-t-elle. C’est un compromis. » Pour son association, deux revendications principales sont à l’ordre du jour : l’interdiction de la possession privée d’armes d’assaut et la limitation de la capacité des chargeurs.
C-71 : Vente, permis, suivi
Sur le site du gouvernement, on peut lire que le projet de loi, qui a été déposé en mars dernier, a pour objectif d’encadrer plus strictement la vente, les permis et le suivi des armes à feu. « La loi vise principalement à revoir les normes en matière de transport des armes à feu et de changer le statut de certaines armes », précise M. Blais.
Heidi nuance que seules une fraction des trajets pour les armes de catégorie « autorisation restreinte » nécessiteront un permis spécifique pour le transport, alors que pour le reste des armes, soit la grande majorité appartiennent à la catégorie « non restreinte », il n’y a aucun permis requis pour le transport. Elle soulève également le problème du changement de catégorie d’armes à feu par la loi, d’« autorisation restreinte » à « prohibée », qui ne touche que deux familles spécifiques, et permet toujours l’accès légal à des armes d’assaut. « Le C-71 va aussi remettre la vérification obligatoire du permis, afin de s’assurer que toutes les transactions soient effectuées entre détenteurs de permis valide », ajoute la coordonnatrice de PolySeSouvient.
Mis à jour : jeudi 17 janvier 2019 à 11h:42.