Les abeilles, roman métapolicier

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Par Kevin Gravier
mardi 26 février 2013
Les abeilles, roman métapolicier
Le professeur en logique au Département de philosophie de l'UdeM François Lepage signe son deuxième roman, Les abeilles. (Photo: Pascal Dumont)
Le professeur en logique au Département de philosophie de l'UdeM François Lepage signe son deuxième roman, Les abeilles. (Photo: Pascal Dumont)

Les héros du livre Les abeilles sont deux enquêteurs qui se lancent sur la piste d’organisations tentaculaires à la suite d’un attentat à Montréal. L’œuvre est qualifiée de roman policier, mais son auteur, François Lepage, n’est pas convaincu qu’il s’agit de la bonne étiquette.

« Les abeilles n’est certainement pas un roman policier ; le coupable est connu dès le premier chapitre », s’amuse François Lepage. Si ce n’est pas un roman policier, qu’a bien pu écrire ce professeur de logique au département de philosophie de l’UdeM ?

Le roman débute par l’explosion d’une bombe au cœur du Plateau-Mont-Royal. Elle est aussi le point de départ de l’écriture de M. Lepage, qui s’est demandé ce qui pourrait être à l’origine d’un tel attentat dans la métropole. Il a opté pour le mouvement Al-Qaïda, qu’il a lié au Québec par le triste parcours d’un réfugié marocain. De là, l’histoire a mené l’auteur à envisager des liens avec des organisations locales, comme les Hells Angels et l’Opus Dei du Canada. Peu à peu s’est tissée « une trame presque policière » qui n’est qu’un prétexte, selon les dires de l’auteur.

 

Une histoire de paradoxes

Passionné de la matière qu’il enseigne, François Lepage a souhaité élargir son public au-delà des bancs de l’université. « J’ai entamé une trilogie sur les paradoxes de rationalité, ces décalages entre la rationalité telle qu’on la décrit et la façon dont on la vit », annonce-t-il.

Sous ses airs de roman policier, Les abeilles, second volume de la saga, s’inspire en partie du théorème de Robert Aumann, lauréat du prix Nobel d’économie en 2005. Selon cet économiste américano-israélien, toutes les connaissances du monde convergeant les unes vers les autres, il serait irrationnel que deux agents (personnes, organisations, etc.) s’accordent sur leur désaccord.

Le théorème d’Aumann aurait même pu être le titre du roman si François Lepage n’avait pas écouté les conseils de mise en marché de son éditeur. Son titre fait finalement référence à un autre paradoxe présent dans l’oeuvre. La Fable des abeilles, écrite par le néerlandais Bernard de Mandeville, illustre comment la prospérité commune naît de la confrontation des égoïsmes.

 

L’écrivain pédagogue

« J’ai un côté pédagogique, j’aime enseigner », avoue le professeur dont la vocation imprègne le style littéraire. Le récit des Abeilles est porté par un travail de documentation soigné. Des références historiques sont harmonieusement insérées dans le roman, par exemple, celle aux années de plomb du Maroc de Hassan II.

Plus explicites, les « petits apartés pédagogiques », qui cassent légèrement le rythme narratif, permettent à l’enseignant de préciser les propos de l’écrivain. Le lecteur y apprend entre autres ce qu’est une bombe sale : un mélange de TNT et de produits radioactifs. L’intrigue sert également à mettre en pratique ces apartés. L’auteur consacre un chapitre crucial à l’illustration de la théorie de Robert Aumann, soit au moment où les enquêteurs partagent leurs hypothèses sur les tenants et aboutissants de l’attentat.

 

Réfléchir en se divertissant

Par ses romans, l’écrivain souhaite en particulier offrir un « divertissement intelligent » à ses lecteurs. « Je pense qu’un bon livre est un livre qui fait réfléchir à toutes sortes de choses, estime-t-il, mais je sais aussi apprécier la liberté que procure le genre romanesque. »

M. Lepage aime aller chercher les émotions, et il y parvient, malgré un regard cru et expéditif sur des parcours humains chargés de souffrances et de vices. Son plus grand plaisir est de mêler le vrai au faux, en mélangeant ses recherches documentaires et ses inventions d’auteur. « Ce n’est pas un livre moral ni une thèse, se justifie-t-il. C’est un roman au style chirurgical, où j’essaie de décrire l’itinéraire d’êtres humains qui ne sont que la personnification de concepts moraux. »

Original et ambitieux, Les abeilles peut déstabiliser l’amateur de roman policier. Ce défaut découle sans doute d’un déséquilibre entre la légèreté de l’écrivain et le sérieux de l’enseignant. Le récit et les personnages caricaturaux contrastent trop avec la richesse de leur décor conceptuel. Les abeilles n’en reste pas moins un agréable, quoique trop bref, moment de lecture pour qui sait le prendre sans a priori.

 

Les abeilles en quelques mots

Xavier Normandeau, capitaine-détective du SPVM, fait face à un cas difficile. Doctorant en économie appliquée, il hésite entre deux textes pour son travail de fin de session : le théorème d’Aumann ou la fable de Mandeville ? Le choix est crucial pour sa carrière, presque autant que cet attentat à Montréal sur lequel il conduit une enquête avec Allison Pelletier, une charmante officière de la GRC. Les héros mèneront le lecteur à découvrir quelles peuvent être les sombres origines du terrorisme, du grand banditisme et du fanatisme.