L’engagement étudiant est-il insuffisant ?

Des pizzas pour attirer les étudiant·e·s, une assemblée générale reportée… Les regroupements étudiants peinent souvent à atteindre le quorum dans leurs assemblées générales, alors qu’ils jouent un rôle crucial dans la vie universitaire et la défense des droits étudiants.

«Une fois que tu perds un droit, c’est fini, alerte le responsable du Centre de l’engagement étudiant de l’UdeM, Jean-François Dufresne. Donc, c’est important de faire vivre nos associations. »

L’engagement étudiant constitue un pilier fondamental de la vie universitaire. L’UdeM compte des associations facultaires et départementales, que regroupe la Fédération des associations étudiantes du campus de l’Université de Montréal (FAÉCUM), ainsi que des regroupements étudiants variés, qui rassemblent des étudiant·e·s partageant des centres d’intérêt et des valeurs communes. Ils sont indépendants des programmes d’études et peuvent prendre la forme de clubs, de regroupements politiques, sportifs ou culturels, d’associations étudiantes ethnoculturelles et confessionnelles ou de médias étudiants.

Tous ces regroupements permettent non seulement de défendre les intérêts des étudiant·e·s, mais aussi de favoriser le développement personnel et social de leurs membres. M. Dufresne, dont le travail consiste à « donner la flamme pour que, par la suite, les étudiants soient des citoyens qui auront le goût de s’engager », y voit «une belle occasion de rencontrer du monde, de se faire un groupe d’amis et d’avoir un sentiment d’appartenance». L’ancien militant étudiant, aujourd’hui député pour le Bloc Québécois dans LaSalle-Émard-Verdun Louis-Philippe Sauvé rappelle que «le fait qu’on ait des associations étudiantes qui ont une reconnaissance implicite du droit de grève sur les campus au Québec est un fait assez unique en Amérique du Nord».

Dès son admission à l’UdeM, un.e étudiant.e devient automatiquement membre de son association étudiante, celle qui correspond à son programme d’études. / crédit photo Pexels – z.besteyalc

Un désengagement marqué

Malgré leur importance, ces associations et ces regroupements semblent rencontrer des difficultés croissantes liées au manque d’implication des étudiant·e·s. Toutefois, « ce n’est pas nouveau que ce soit difficile de mobiliser les jeunes, les gens en général», précise M. Sauvé, qui ajoute que plusieurs étudiant·e·s fréquentent l’Université dans un esprit strictement scolaire et en ont une vision pragmatique, renforcée par les réalités matérielles comme les responsabilités familiales ou encore le travail. 

De son côté, M. Dufresne se montre beaucoup plus optimiste et n’est pas prêt à parler de désengagement accru. Il remarque toutefois que les étudiant·e·s qui habitent de plus en plus loin du campus, notamment en raison du coût de la vie en constante augmentation, doivent travailler, ont une vie sociale et des cours leur laissant moins de temps pour s’engager dans les affaires étudiantes. Si, selon lui, les cours à distance mis en place pendant la pandémie de la COVID-19 ont eu de grosses conséquences sur les activités étudiantes, la situation a été bien meilleure en 2023 et en 2024. «C’est comme si ça n’avait jamais existé», estime M. Dufresne, qui laisse entendre une amélioration de la participation post-pandémique. Ce constat paraît pourtant mis à mal sur le terrain, notamment en raison de difficultés récurrentes pour atteindre le quorum dans les assemblées générales (A.G.).

Au sein de l’Association des étudiants et étudiantes en science politique et études internationales de l’Université de Montréal (AÉSPÉIUM), une A.G. extraordinaire, convoquée en décembre 2024 à la demande des étudiant·e·s pour débattre du génocide à Gaza, témoigne des difficultés à mobiliser les membres. Si l’A.G. a atteint le quorum en début de réunion, elle l’a perdu après deux heures de débats. «Après une pause, les gens sont partis, possiblement parce qu’il était vraiment tard», déplore l’étudiant de deuxième année au baccalauréat en science politique et responsable des affaires académiques de l’association, Gérardo Daniel. « Représenter 1 400 étudiants avec seulement 50 personnes dans une salle, ça n’a pas de sens », renchérit l’étudiante de troisième année au baccalauréat en science politique et présidente de l’association, Sonia Bachelier, qui soulève donc un autre problème.

Cet enjeu récurrent met en lumière l’urgence de mettre au point de nouvelles stratégies de mobilisation. Lors de son assemblée générale annuelle, le journal étudiant Quartier Libre est même allé jusqu’à offrir des pizzas pour attirer les participant·e·s et atteindre le quorum nécessaire à sa tenue.

S’initier à l’engagement étudiant avec DélibérUM

Le Secrétariat général de l’UdeM a lancé un nouvel outil pour aider les étudiant·e·s à mieux comprendre le fonctionnement des instances universitaires : le jeu vidéo DélibérUM, accessible sur l’environnement numérique d’apprentissage StudiUM. Conçu par le professeur au Département d’histoire de l’art, de cinéma et des médias audiovisuels Dominic Arsenault, en collaboration avec trois étudiant·e·s, ce jeu permet de se plonger dans les assemblées délibérantes par l’entremise de scénarios interactifs et humoristiques.

Une mobilisation encore possible

Pour redonner du souffle à la mobilisation étudiante, Sonia propose d’intégrer des explications sur le rôle et l’importance des associations étudiantes aux cours donnés à l’Université. Gérardo, lui, plaide pour «rendre la présence aux assemblées générales obligatoire» et intensifier la publicité directe en allant chercher les étudiant·e·s directement dans les salles de classe.

Cette approche plus humaine miserait sur le contact direct plutôt que sur des campagnes de communication en ligne est également celle que préconise M. Sauvé. L’étudiante de première année au baccalauréat en psychoéducation Coralie Paul abonde dans ce sens. «Je me sentirais davantage interpellée si on me présentait les arguments en personne, plutôt que de recevoir un courriel perdu parmi tant d’autres», confie-t-elle.

L’étudiante ajoute toutefois que, bien que la cause lui tienne à cœur, la durée des A.G. et le nombre de sujets abordés peuvent être un frein à son éventuelle participation. «Parfois, ça ne me tente pas d’y aller et d’écouter pendant deux heures des trucs qui ne sont pas en lien avec ce qui m’interpelle», avoue-t-elle. Elle souhaiterait que certaines assemblées se concentrent uniquement sur un thème précis, plutôt qu’elles comprennent à la fois des élections ainsi que des votes de budgets et de règlements.

Malgré les obstacles que rencontrent les associations et regroupements étudiants, raviver l’engagement de la communauté étudiante reste toutefois possible. «Quelle que soit sa forme, la défense de la cause étudiante est l’une des plus belles choses qui soient, insiste Sonia. Il ne faut pas hésiter, il suffit de se lancer. »

Le Centre de l’engagement étudiant

Pavillon Jean-Brillant, local B-2375, niveau mezzanine

Le Centre de l’engagement étudiant a pour mission de favoriser la participation à la vie de campus, en offrant un accompagnement professionnel ainsi qu’un espace de travail adapté aux initiatives étudiantes, y compris celles des regroupements étudiants. Il diffuse diverses informations et met à la disposition de la communauté étudiante des ressources de soutien afin de favoriser le développement de l’implication étudiante au sein d’un « milieu de vie inclusif ».

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