L’énergie des spectacles

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Par Marine Gachet
mardi 19 novembre 2019
L'énergie des spectacles
Le Directeur des affaires institutionnelles de la TOHU, Pablo Maneyrol, devant un escalier et une passerelle faits de panneaux récupérés de l'arène d'auto-tamponneuses de l'Expo 67. Photo : Jacob Côté
Le Directeur des affaires institutionnelles de la TOHU, Pablo Maneyrol, devant un escalier et une passerelle faits de panneaux récupérés de l'arène d'auto-tamponneuses de l'Expo 67. Photo : Jacob Côté
Les spectacles et les tournées demandent une quantité considérable d’énergie : éclairage, sonorisation, chauffage ou climatisation. Devant cet enjeu, plusieurs acteurs du milieu artistique explorent de nouvelles façons de travailler afin de réduire la consommation énergétique et l’empreinte écologique de leurs opérations.

À l’heure des préoccupations climatiques, de plus en plus d’organisateurs d’évènements passent sous la loupe leurs besoins en énergie. Si ces derniers présentent certes un coût, les mesures permettant d’en réduire l’intensité nécessitent aussi un certain investissement – et représentent souvent un coût écologique. « On peut évoquer le fait de remplacer l’éclairage traditionnel incandescent par l’éclairage DEL, ce qui engendre des frais importants, explique la conseillère en développement durable du Conseil québécois des évènements écoresponsables (CQEER), Sara Courcelles. Même si on passe à la technologie DEL, il y a aussi l’enjeu de savoir ce qu’on fait du matériel remplacé. »

Les salles de spectacles peuvent néanmoins prendre certaines autres mesures afin d’obtenir l’accréditation « scène écoresponsable » du CQEER : rénover le lieu de diffusion dans le but de réduire sa consommation d’eau et d’énergie ; mettre en place d’autres mesures d’économie d’énergie ou encore valoriser les transports actifs ou collectifs auprès des spectateurs, par exemple.

La compagnie de cirque la TOHU a reçu une telle accréditation, selon son directeur des affaires institutionnelles, Pablo Maneyrol. « La certification porte sur le lieu d’accueil dans sa globalité, pas uniquement sur sa consommation d’énergie, contextualise-t-il. Néanmoins, nous avons un système de chauffage géothermique et nous récupérons du biogaz d’une usine en face de notre salle. »

Le directeur de production de la TOHU, Éric Gingras, explique que certaines salles doivent remplacer leur système d’éclairage, car les ampoules qu’elles utilisaient jusqu’à présent n’existent plus sur le marché. « Par contre, un projecteur DEL coûte cinq fois plus cher qu’un projecteur traditionnel, indique- t-il. Il ne serait pas surprenant que des subventions soient accordées prochainement pour remplacer le matériel. » On peut donc s’attendre, selon lui, à voir de plus en plus de salles de spectacles surveiller et réduire leur consommation énergétique en remplaçant leur ancien matériel.

La salle de spectacle de la TOHU, rue Jarry. L'édifice, qui est situé à deux pas d'un parc aménagé sur ce qui était anciennement le plus grand dépotoir de Montréal, récupère le biogaz d'une usine adjacente pour combler une partie de ses besoins en énergie. Photo : Jacob Côté

La salle de spectacle de la TOHU, rue Jarry. L’édifice, qui est situé à deux pas d’un parc aménagé sur ce qui était anciennement le plus grand dépotoir de Montréal, récupère le biogaz d’une usine adjacente pour combler une partie de ses besoins en énergie. Photo : Jacob Côté

 

Des évènements énergivores

Un spectacle a généralement recours à de nombreuses installations lumineuses et sonores, qui consomment chacune une quantité considérable d’énergie. « On parle de 100 kilowatts (kW) par heure en moyenne », explique M. Gingras. À titre de comparaison, ce nombre correspond à la consommation énergétique d’environ 1 000 ordinateurs ou de 65 bouilloires électriques.

M. Gingras précise que la consommation d’énergie et le coût qui s’y rattache ne font pas partie des grandes préoccupations des salles, en général, car l’énergie issue de l’hydroélectricité est relativement peu coûteuse. « Ce n’est pas tant une question de coût, mais plutôt de capacité à fournir le courant nécessaire », ajoute-t-il.

Cette consommation d’énergie est toutefois plus importante — et coûteuse — lorsqu’il s’agit de tournées, selon les résultats d’une recherche universitaire portant sur la consommation énergétique du Cirque du Soleil1. « En observant la consommation actuelle d’énergie du cirque sur les différents sites […], il y a jusqu’à cinq génératrices qui peuvent être utilisées pour fournir de l’électricité aux différentes installations », décrit le diplômé de l’École de technologie supérieure de Montréal Hugo Bernard dans son mémoire de maîtrise. « Ces génératrices, pouvant fournir chacune une puissance de 500 kW, font monter la consommation d’énergie jusqu’à une puissance potentielle de 2,5 mégawatts (MW) en conditions réelles de spectacles, pendant plus de quatre heures », précise-t-il. Une puissance de 2,5 MW correspond à la puissance d’une éolienne de dernière génération2.

La consommation est également plus importante lorsqu’une salle utilise certaines installations. « Quand on utilise d’immenses écrans DEL ou des projecteurs motorisés, on analyse la consommation pour ne pas dépasser le montant mensuel alloué par Hydro-Québec, développe M. Gingras. Les tournages consomment énormément d’énergie également, car pour recréer la lumière du jour, on utilise des projecteurs ayant une puissance se situant entre 5 000 et 10 000 Watts. »

Ces enjeux énergétiques ne touchent pas que les installations de mise en scène, selon M. Bernard. « Il y a plusieurs facteurs importants à prendre en compte, explique-t-il. Il y a la température à laquelle doivent performer les artistes, ainsi que l’humidité dans la salle, tout en prenant en compte les apports externes : fumées, dégagements de chaleur des équipements et des spectateurs, apports solaires et autres facteurs. »

M. Bernard en arrive à la conclusion que les enjeux énergétiques principaux sont la climatisation et le chauffage, qui doivent être suffisants pour assurer le confort des artistes et des spectateurs, quelle que soit la saison. Il précise également qu’au Cirque du Soleil, une génératrice fonctionne entre 20 % et 40 % de sa puissance maximale, seulement pour éclairer les allées ou pour faire sécher les costumes de scène. Enfin, le transport du matériel et de la troupe représente un tout autre enjeu énergétique.à

Le Directeur des affaires institutionnelles de la TOHU, Pablo Maneyrol, fait la démonstration d'une "machine à glace" installée au sous-sol de l'édifice. L'engin aide à réduire la note de climatisation de la salle de spectacle située aux étages supérieurs, selon lui. Photo : Jacob Côté

Le Directeur des affaires institutionnelles de la TOHU, Pablo Maneyrol, fait la démonstration d’une « machine à glace » installée au sous-sol de l’édifice. L’engin aide à réduire la note de climatisation de la salle de spectacle située aux étages supérieurs, selon lui. Photo : Jacob Côté

L’électricité dans la rue

Pour les spectacles en extérieur, l’alimentation en électricité est parfois assurée par la Ville de Montréal, comme l’explique la chanteuse lyrique et pianiste Geraldina Mendez. « J’apporte mon propre matériel, que je branche au réseau de la Ville, qui paye pour l’électricité », détaille celle qui se produit sur un emplacement réservé de la place Jacques-Cartier, dans le Vieux-Montréal. Les artistes voulant se produire dans la rue doivent cependant se procurer un permis auprès de la Ville pour un coût annuel de 170 $.

En hiver, Geraldina Mendez déplace ses opérations dans les stations de métro. « Là, on doit être autonome en énergie, avec des batteries rechargeables par exemple, précise-t- elle. On n’a pas accès au réseau de la Ville. »

Certains évènements organisés par des associations universitaires doivent également trouver leur propre source d’énergie, selon l’étudiant de Polytechnique Gabriel Berestovoy, qui dirige une organisation de techniciens de spectacles. « Lorsqu’il y a des évènements extérieurs, nous devons trouver une source d’électricité, souligne-t-il. Soit on en trouve une fixe, soit on doit louer une génératrice.» Si l’étudiant affirme que ce dernier scénario ne se produit qu’une fois par année, en moyenne, d’aucuns diront qu’il y a encore place à amélioration.

1. Analyses préliminaires de la réduction de l’énergie consommée par les spectacles itinérants du Cirque du Soleil. Hugo Bernard (2017)
2. MREN. Projets éoliens au Québec (2018)

 

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