L’éducation aux oubliettes?

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Par Administrateur
mercredi 26 mars 2014
L’éducation aux oubliettes?
Le 7 avril prochain, les étudiants aussi devront faire leur choix. (PHOTO: FLICKR.COM / BLU-NEWS.ORG)
Le 7 avril prochain, les étudiants aussi devront faire leur choix. (PHOTO: FLICKR.COM / BLU-NEWS.ORG)

L’enseignement supérieur s’est éclipsé du débat politique pour les prochaines élections provinciales. Alors qu’en 2012 le sujet animait une grande partie du discours politique, certains recteurs ont dénoncé le silence autour de l’enseignement supérieur dans la campagne électorale actuelle. Quartier Libre a rencontré les spécialistes de ces enjeux dans chaque parti pour connaître leur vision avant le scrutin du 7 avril prochain.

Cradit photo : Charles-Antoine Gosselin

Cradit photo : Charles-Antoine Gosselin

Hélène David – Parti libéral du Québec (PLQ)

Quartier Libre : Quelle est votre plateforme pour l’enseignement supérieur ?

Hélène David: Sans une économie forte, on ne peut pas faire tout ce que l’on veut, notamment pour l’enseignement supérieur. On priorise l’accessibilité aux études. Pour avoir voyagé pendant deux ans et demi un peu partout sur la planète, je peux affirmer que les étudiants à l’étranger envient la situation des étudiants québécois.

Avec une indexation de niveau raisonnable, on a un réseau extraordinaire, bilingue, partout sur le territoire. L’accessibilité, ce n’est pas seulement les frais de scolarité, c’est aussi les autres campus et une approche pédagogique moderne. Il faut se donner les meilleures conditions de persévérance et de réussite en créant de la richesse qui permettra éventuellement de réinvestir dans les universités.

QL : Quelle est la priorité de la plateforme pour l’enseignement supérieur ?

H.D. : Accessibilité, persévérance, réussite et qualité sont les maîtres mots de notre plateforme. Ça veut dire que les étudiants doivent avoir des chargés de cours aussi bons que leurs professeurs. Il faut favoriser les approches par compétences, en ayant des cours multiprofessionnels et multisectoriels. L’étudiant doit avoir accès à des infrastructures de bonne qualité.

QL : De quelle manière devraient être financées les universités ?

H.D. : Les universités sont financées de plusieurs façons, par les étudiants et par les investissements gouvernementaux entre autres, mais il faut voir plus loin. Il faut développer la culture de la philanthropie chez les francophones. Trouver des incitatifs pour que les étudiants commencent à redonner à leur institution d’enseignement supérieur dès leur entrée sur le marché du travail.

QL : Êtes-vous en faveur de la rémunération des stages obligatoires ?

H.D. : Dans un monde idéal, tout le monde est pour la rémunération des stages obligatoires. On peut prendre en exemple l’Université de Sherbrooke, qui a profité de ce modèle alors qu’il n’était pas très populaire, en l’appliquant aux programmes de maîtrise professionnelle, au diplôme d’études supérieures spécialisées (DESS) ou au baccalauréat à profil professionnel par exemple. La question reste l’accueil sur le marché du travail et le nombre croissant de stages à effectuer. Souvent, les étudiants trouvent leur premier emploi à partir de leur stage. L’UdeM a avancé sur ce plan.

QL : Êtes-vous pour la réouverture de la Charte de l’UdeM pour le processus de nomination du recteur Guy Breton?

H.D.: On n’ouvre pas la Charte comme on veut, ça prend le ministre. Ceux qui veulent la réouverture doivent utiliser tous les canaux nécessaires pour réfléchir à cette Charte. Je n’ai pas à me prononcer sur cette question, car elle relève des universités elles-mêmes, et c’est à tout le monde de faire un effort de transparence.

QL : Êtes-vous pour une plus grande collaboration entre les cégeps et les universités, comme le veut Guy Breton?

H.D. : J’étais en charge du projet de partenariat avec les collèges et l’enseignement supérieur à l’UdeM. On m’appelait «Madame collège». On doit penser à la reconnaissance des acquis des programmes préuniversitaires DEC-Bac. De plus, il faut s’attaquer à l’enjeu de la relation avec la clientèle internationale et avec divers troubles d’apprentissage.

Charles-Antoine Gosselin


Pierre Duchesne lors d'une conférence à l'UdeM le 3 octobre dernier. (Crédit photo : Pascal Dumont)

(crédit photo : Pascal Dumont)

Pierre Duchesne – Parti québécois (PQ)

Quartier Libre : Quelle est votre plateforme pour l’enseignement supérieur ?

Pierre Duchesne : La plateforme est dans la suite de ce que nous avons fait depuis 18 mois : assurer l’accessibilité aux études collégiales et aux études universitaires. L’accessibilité, c’est aussi être capable de maintenir un accès sur l’ensemble du territoire du Québec. Nous voulons aussi encourager les diplômés de première génération. Je compte poursuivre le réinvestissement dans nos universités parce qu’on sait qu’une économie prospère et qu’une société solide se fait avec toujours plus de diplômés universitaires.

QL: Quelle est la priorité de la plateforme pour l’enseignement supérieur ?

P.D. : Une de mes priorités est d’assurer la pérennité de nos cégeps en région, parce qu’ils vivent des défis démographiques importants. Dans certains cas, nous pourrons reconnaître leur expertise pour des programmes particuliers. Ces programmes pourraient bénéficier d’une forme d’exclusivité pour éviter le cannibalisme entre certains cégeps. Nous irons dans cette direction, mais j’attends le rapport Demers [NDLR: rapport issu du chantier sur l’offre de formation au collégial instauré à la suite du Sommet sur l’enseignement supérieur] pour avoir une analyse plus approfondie.

QL : De quelle manière devraient être financées les universités ?

P.D. : Nous avons demandé une forme de participation aux étudiants en adoptant une politique d’indexation. Notre position est claire et a été acceptée par l’ensemble des intervenants, dont les associations étudiantes. C’est équitable et c’est une approche intergénérationnelle respectueuse.

QL : Êtes-vous en faveur de la rémunération des stages obligatoires ?

P.D. : Il faut que je voie exactement quels sont les enjeux afin de m’assurer de respecter certains principes, c’est-à-dire la préservation de l’indépendance de l’université, du professeur et de l’étudiant à l’égard de l’entreprise pour laquelle il travaille. Mais il faut respecter le fait que l’étudiant donne des heures de travail à une entreprise et qu’il devrait y avoir une contrepartie. C’est une question qui mérite d’être évaluée.

QL : Êtes-vous pour la réouverture de la Charte de l’UdeM afin de revoir le processus de nomination du recteur ?

P.D. : Un des cinq chantiers issus du Sommet sur l’enseignement supérieur porte sur une future loi-cadre sur les universités et la gouvernance. Dans la mesure où nous restons au pouvoir et avons un mandat majoritaire, il y aura une réforme de la gouvernance des universités pour s’assurer qu’elles incarnent encore plus l’intégrité. Nous allons consulter à la fois la direction des universités, mais aussi la communauté universitaire.

QL : Êtes-vous pour une plus grande collaboration entre cégeps et universités comme le veut Guy Breton?

P.D. : J’ai mentionné très clairement que les cégeps et les universités doivent collaborer plus étroitement lors du Sommet sur l’enseignement supérieur. Par exemple, j’ai triplé l’enveloppe budgétaire qui est liée aux projets de recherche et de collaborations entre les cégeps et les universités.

Katy Larouche


courtoisie photo: caq © jimmy hamelin

courtoisie photo: caq © jimmy hamelin

Claire Isabelle Coalition avenir Québec (CAQ)

Quartier Libre : Quelle est votre plateforme pour l’enseignement supérieur ?

Claire Isabelle : Nous ne sommes pas les seuls à dire qu’il y a un sous-financement des universités. La Conférence des recteurs et des principaux des universités québécoises (CRÉPUQ) [NDLR : maintenant Bureau de coopération interuniversitaire (BCI)] en a fait un rapport. On sait que le réseau universitaire est en manque de 800 professeurs et que les universités sont de moins en moins financées par le fédéral. On veut développer toutes les ressources dont les étudiants ont besoin pour être formés correctement. Nous voulons aussi un mariage plus fin entre le ministère, les facultés d’éducation et le terrain. J’ai entendu à maintes reprises des professeurs dire qu’on ne les écoute pas. On veut vraiment travailler en collaboration.

QL: Quelle est la priorité de la plateforme pour l’enseignement supérieur ?

C.I. : Nous proposons que les universités soient plus autonomes et qu’elles puissent faire la modulation des frais de scolarité. Les universités pourraient, par exemple, avoir plus de latitude pour déterminer les frais qu’ils demandent aux étudiants. Évidemment, on offrirait des balises, parce qu’on ne veut pas non plus faire des universités à deux niveaux.

QL : De quelle manière devraient être financées les universités ?

C.I. : La modulation des frais est un des moyens que nous préconisons. On sait qu’un étudiant en lettres paie en moyenne 4000 $ en frais de scolarité, ce qui équivaut environ à 42 % de ce qu’il en coûte pour lui permettre d’étudier. Le reste des frais est assumé par le gouvernement. Si on prend la médecine dentaire, par exemple, le coût total de la formation est de 24000 $, ce que paie l’étudiant équivaut à peine à 7 % de ce montant. Ce serait donc beaucoup plus équitable pour tous les étudiants de moduler les frais en fonction des coûts du programme.

QL : Êtes-vous en faveur de la rémunération des stages obligatoires ?

C.I. : On ne peut pas être fermés à ça, mais si ça fait monter les frais de scolarité de tout le monde, ce n’est pas nécessairement mieux. Prenons l’exemple des enseignants qui font leur stage dans le secteur public : les coûts seraient transférés aux contribuables en bout de ligne. Nous visons, par contre, de plus en plus les partenariats entre les entreprises privées et les universités. Si l’entreprise privée voulait s’impliquer dans ce domaine, cela pourrait être une solution.

QL : Êtes-vous pour la réouverture de la Charte de l’UdeM afin de revoir le processus de nomination du recteur ?

C.I. : M. Legault a annoncé sa loi-cadre qui établira les règles de sélection et de nomination des décideurs administratifs. Cela devrait s’appliquer aux recteurs des universités pour éviter, par exemple, qu’ils aient des primes de départ injustifiées.

QL : Êtes-vous pour une plus grande collaboration entre cégeps et universités comme le veut Guy Breton?

 C.I. : La collaboration, c’est ce qui est essentiel dans tout. Je ne sais pas dans quel contexte M. Breton a fait cette intervention, mais si c’est pour le bien des étudiants, nous ne pouvons qu’être favorables. 

Katy Larouche


Photo : Charles-Antoine Gosselin

Photo : Charles-Antoine Gosselin

Jean Trudelle Québec solidaire (QS)

Quartier Libre : Quelle est votre plateforme pour l’enseignement supérieur ?

Jean Trudelle : Les points majeurs sont la gratuité scolaire, la transformation graduelle des prêts en bourses et le remplacement de ces bourses par un revenu minimum garanti. Ainsi, l’État compenserait les revenus de tous les étudiants de 18 ans et plus en situation précaire. Cette mesure, qui vise à éradiquer la pauvreté, est une chose que j’ai essayé de marteler en 2012. Ensuite, nous souhaitons l’embauche de mille professeurs dans les universités et la reconnaissance du travail des chargés de cours au Québec. On préconise aussi l’autonomie des universités.

QL : Quelle est la priorité de la plateforme pour l’enseignement supérieur ?

J.T. : Premièrement, régler la question du financement. Dans certains domaines, est-ce que les frais devraient être plus modulés ? Je donne en exemple les médecins spécialistes. Ensuite, instaurer des mesures d’indexation, et soutenir la responsabilité parentale. Je préconiserais un vrai forum de consultation. C’est important d’avoir cette discussion-là. De plus, il faut réfléchir au fait que les établissements d’enseignement supérieur sont de plus en plus fréquentés.

QL : De quelle manière devraient être financées les universités ?

J.T. : On souhaite revoir le rôle du financement par université. Dans notre cadre financier, on explique qu’il faut aller jouer sur les revenus de l’État. Quelle est la juste part que les entreprises doivent payer ? Il faut contrer le chantage fiscal qui empêche les gouvernements de taxer les entreprises, notamment financières, car mieux rééquilibrer le fardeau entre ces agents et les particuliers semble faire partie de la solution; revenir à un système fiscal plus progressif ; taxer davantage les produits de luxe. Bref, établir une fiscalité plus équitable.

QL : Êtes-vous en faveur de la rémunération des stages obligatoires ?

J.T. : C’est une question délicate. Le soutien financier doit venir d’ailleurs que par la rémunération des stages, et si cette question-là se pose, c’est que les étudiants sont mal rémunérés.

QL : Êtes-vous pour la réouverture de la Charte de l’UdeM afin de revoir le processus de nomination du recteur ?

J.T. : Je ne suis pas vraiment au courant de la situation avec Guy Breton à l’UdeM, et quand on est pour l’autonomie des universités, on ne se mêle pas de ça. Nous pensons que la gouvernance doit être collégiale et doit faire place aux opinions des personnes concernées. À QS, on considère qu’il y a certains processus qui doivent être revus. C’est dans ce cadre-là qu’on préconise plus la collégialité de l’institution.

QL : Êtes-vous pour une plus grande collaboration entre cégeps et universités, comme le veut Guy Breton?

J.T. : On ne peut pas être contre un accroissement des échanges.

Charles-Antoine Gosselin