Montréal – New York en vélo
Cet été, pour les vacances, on voulait aller à New York. Mais cassés comme on l’est (hausse des frais, quand tu nous tiens), le séjour s’annonçait plutôt court. Puis, après deux longues sessions scotchés à un ordinateur, on avait envie de se dégourdir les jambes. On s’est dit : « tiens, enfourchons donc nos bécanes pour avaler les 700 kilomètres qui nous séparent de la Grosse Pomme. »
Après 450 milles d’asphalte et de garnotte, 3000 pieds de dénivelé, 200 000 quasi-collisions avec des taxis jaunes et quatre ou cinq traversées du pont de Brooklyn, on en revient avec deux certitudes. La première, c’est qu’on récidive dès que l’occasion se présente. Et la deuxième, c’est que si le XXe siècle a été celui de la naissance et de l’apogée de la voiture, le XXIe sera cycliste. Trois bonnes raisons d’emboîter la roue et de plonger dans l’avenir
Raison no 1:
Un progrès vers l’essentiel
Dans un monde souffrant d’abondance, le cyclotourisme permet de revenir à l’essentiel. Ce mode de transport est essentiellement minimaliste. Il suffit de peu de chose pour savourer l’authenticité des regards complices échangés avec les compagnons de route enfin arrivés au sommet de la côte.
Forçant à se concentrer sur les cliquetis du pédalier plutôt que sur les angoisses postmodernes, le cyclotourisme permet de se libérer des mille et une stimulations du quotidien qui nous font tourner la tête. C’est apaisant – réellement –, et pas comparable à un cours de yoga Pilates dans une tour de bureaux à l’heure du lunch.
Raison no 2:
Saisir le rythme du paysage
En voiture, en bus, en train, on traverse rapidement des paysages qu’on appréhende derrière une vitre, paresseusement. En vélo, les odeurs, les sons et les distances deviennent plus réels. Entre le festival des travaux de Montréal et le brouhaha incessant de New York, on a eu le temps de voir défiler les villes, les banlieues, les fermes, les montagnes… Sans trop s’en rendre compte, on a retrouvé l’humilité du rythme à échelle humaine : 100 kilomètres, c’est une bonne journée.
Notre trio apprivoisait avec fierté les impondérables (pluie, vent, relief, température) d’une vie dehors et ressentait la satisfaction d’appartenir à ce paysage qui nous enveloppait. En voiture, on le fend, le paysage. En vélo, on est dedans. C’est fabuleux. Et ça donne envie de remonter sur son vélo, encore et toujours.
Raison no 3: Les rencontres Dans les villages, les fermes, les campings qu’on traversait, les gens nous interpellaient systématiquement : « Where are you going? Where are you from? And here’s my story…» Pas sûr qu’ils auraient été aussi avenants si on avait traversé les mêmes villages derrière une armure de tôle et de vitre.
Même à New York, qui n’a pas la réputation d’être un petit village, notre attirail vélo-sacoches a été le prétexte à plusieurs conversations : «Montreal ? ! That’s soooo rad! », à des regards complices, à des sourires. Comme si d’emblée les gens nous sentaient disponibles, ouverts, et donc propices à la connexion, à l’altérité. Le vélo nous ouvrait une porte, comme si certains New Yorkais nous considéraient comme faisant partie d’une grande communauté. Dans une certaine mesure, ça permet d’appartenir aux lieux plutôt que de seulement les visiter.
Et puis, on l’avoue, on était pas mal fiers quand des « touristes » (peuh!) s’arrêtaient en voiture pour nous demander des indications. « Yeah…just two blocks down» qu’on répondait nonchalamment, comme si on était de vrais natives blasés. Faire du cyclotourisme, c’est provoquer une rencontre avec l’autre, avec le monde, et donc forcément avec soi-même. La côte, tout le monde est capable d’arriver enhaut. Faut juste décider de la gravir.
STÉPHANIE DUFRESNE
Avec la collaboration de
JUSTINE LÉVÊQUESAMOISETTE
ET FRANÇOIS-XAVIER
CHARLEBOIS