Le Web au service de vos fétiches

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Par Audrey Gagnon-Blackburn
mardi 5 avril 2011
Le Web au service de vos fétiches
Un ourson pratique le SMBD (sadomasochisme, bondage et discipline).

Voici quelques petites annonces plus ou moins classables.

Femme qui allaite recherchée

J’aimerais essayer de m’abreuver au sein d’une femme qui allaite. Je suis un homme de 35 ans. Laissez – moi connaître votre condition et répondez à cette publication si vous êtes intéressée.

Pompier dominant/dominé recherche vraie soumise pour abus

Je suis un vrai hétérosexuel (apparemment) dans la vie de tous les jours. Conservateur preppy et mâle alpha athlétique, j’ai 32 ans et je ne suis pas un homme moyen. Bien «membré» avec 7,5 pouces de long et circoncis. Je suis ouvert et aventurier et je peux jouer le dominant et le dominé. Je suis respectueux, mais je n’ai pas envie de perdre mon temps. Je cherche des femmes célibataires ou des couples. Vous devez être ouvert aux éjaculations faciales, aux abus, à l’humiliation et au sadomasochisme. Avant le jeu, je discute toujours des limites et des règles.

V o y e u r i s m e

Vous aimez être regardé? La découverte d’un voyeur vous excite? Je suis en forme, discret, attirant et j’aiiimmmmee regarder. J’aime l’idée de deux personnes qui se font plaisir. Savoir que je suis là, à vous regarder et à me faire plaisir… tellement hot ! Si c’est vraiment bon et que vous souhaitez que je vous joigne, je peux toujours, mais je suis tellement excité lorsque je regarde. (52 ans et 100 % discret).

Je cherche une toilette

L’idée d’être extrêmement humilié et dégradé vous allume ? Je suis ce que vous cherchez. Je veux une toilette tous services compris. Je recherche une femme qui va se déshumaniser et devenir un objet pour mon seul bénéfice. Je suis un mâle blanc de 44 ans. Je suis ouvert à l’idée de vous utiliser sur une base régulière, et même de vous posséder à temps plein. Si vous êtes intéressée, écrivez-moi et envoyez-moi une photo. Les hommes n’auront pas de réponse.

Homme recherche femme portant bas de nylon pour plaisirs sexuels. Jeune femme soumise souhaite trouver mâle dominant. Ce type d’annonce se retrouve un peu partout sur le Web. Cette facilité d’accès ouvrirait la voie aux fétichismes de toutes sortes. Existe-t-il une corrélation entre les sites/forums de discussion et les fétichismes sexuels ? Deux sexologues se prononcent.

«Internet démocratise plusieurs paraphilies*; les gens se retrouvent entre eux et peuvent partager. Dans notre vie, nous n’exploitons pas 10 % de notre potentiel sexuel, le virtuel prend les forceps et étire encore plus cela pour montrer les infinies possibilités qui s’offrent à nous», dit Sylvie Lavallée, sexologue clinicienne et psychothérapeute en cabinet privé.

Un ourson pratique le SMBD (sadomasochisme, bondage et discipline).

Si les fétichismes sexuels ont toujours existé, l’accessibilité que permet le Web peut exacerber ce genre de comportement. En deux ou trois clics, annonces et forums de discussion pour rencontrer d’autres fétichistes s’affichent. Ils offrent une plate-forme de diffusion aux gens pour qui excitation sexuelle est synonyme de ballons qui éclatent ou de verre qui se brise sous le poids d’un talon haut.

Selon Mme Lavallée, la popularité de ces sites, voire la cyberdépendance qu’ils peuvent créer, s’explique par la règle des trois «a»: accessible, abordable et anonyme. «La plupart du temps, ces sites sont gratuits, et il n’y a pas à faire de rencontre. Et comme le fétiche ne tourne pas autour du partenaire, Internet est un outil facile pour vivre un fétichisme », explique la sexologue.

Bien souvent, le fétichiste doit toucher l’objet de son désir afin de pouvoir atteindre la jouissance. Il est toutefois assez fréquent que la simple suggestion de l’objet puisse combler l’appétit du fétichiste. «Prenons l’exemple d’un homme qui serait excité par une femme enfilant des bas de nylon. Internet donne facilement accès à des images, des vidéos qui peuvent parvenir à combler ce besoin, du moins à l’assouvir en partie », précise Andrée Anne Demers Cloutier, étudiante à la maîtrise en sexologie à l’UQAM.

Un besoin réel dans un monde virtuel

Le fétichisme apparaît graduellement. Il peut être causé par des événements qui affectent la personne au cours de sa vie.

Comme l’explique Andrée Anne, « le fétichisme comble plusieurs besoins. Ça peut être une manière pour la personne de combler un vide, de pallier une souffrance, de gérer une situation qui susciterait autrement l’angoisse et l’anxiété. La majorité des personnes auront développé un fétiche en lien avec un événement marquant, voire traumatisant. Par exemple, le fétiche peut naître d’un mauvais rapport avec un parent, d’une réaction à une séparation douloureuse».

L’utilisation des sites et des forums de discussion peut donc, temporairement, remplir une fonction salvatrice. «Internet peut aider les gens qui vivent avec un fétichisme en leur permettant de rencontrer d’autres gens qui vivent la même chose qu’eux et ainsi se sentir moins isolés. Par contre, cela peut alimenter la problématique et hypothétiquement créer une dépendance vu la facilité d’accès », ajoute Mme Demers Cloutier.

Il y a un lien direct à faire entre facilité d’accès et omniprésence du fétichisme sur le Web: plus on offre quelque chose, plus on en veut, et encore plus si cela est à portée de main. Il est cependant difficile de savoir si Internet rend service aux fétichistes en leur offrant une version virtuelle de leurs désirs. Tout ça ressemble un peu à un éternel coït interrompu, où la satisfaction n’est jamais complète.

*Paraphilie : comportement sexuel peu fréquent utilisé par la personne pour récolter un plaisir sexuel ou une gratification sexuelle. C’est aussi un comportement sexuel atypique et extrême mettant dans la sexualité des composantes non sexuelles : enfants, animaux, sous-vêtements, douleur, etc.

 

Pour en savoir plus: sylvielavallée.ca aasexologie.com

Fétichiste :

« Un fétichiste, c’ est d’abord quelqu’un qui est excité par l’accessoire et non par la personne. Le fétiche est normalement représenté par un objet, une scène en particulier ou bien une partie du corps . C’est très dépersonnalisant pour le partenaire, car l’excitation dépend souvent entièrement de la présence de l’objet de fétichisation ».

Sylvie Lavallée Sexologue clinicienne et psychothérapeute en cabinet privé.