Le vrai ferrovipathe

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Par Eric Deguire
mercredi 29 septembre 2010
Le vrai ferrovipathe
Crédit: Éric Deguire
Crédit: Éric Deguire

Bien avant le célèbre film du même nom, le terme trainspotting désignait l’observation des trains par ceux qu’on appelle les ferrovipathes. Rencontre avec Alex Tipaldos, un passionné qui peut attendre des heures pour voir passer son train préféré.

La passion d’Alex Tipaldos pour les trains a commencé tout naturellement dans un train de banlieue. Ce résidant de l’arrondissement de Saint- Laurent rentrait du centre-ville après une journée de boulot au centre de soutien de Sympatico, quand il a décidé de s’aventurer vers le prochain arrêt. «Je n’avais rien à faire ce soir-là, je voulais simplement vivre une aventure », dit-il. Dans les semaines subséquentes, il a aussi parcouru la ligne Deux-Montagnes jusqu’à Laval. Il a ensuite exploré la ligne Vaudreuil- Hudson de bout en bout. Depuis, il ne rate pas une occasion de sauter dans un train pour aller explorer les quatre coins du Québec, de l’Ontario ou du Nord-Est des États- Unis. Ou alors, il se poste en bordure des chemins de fer pour voir passer ces monstres de métal. Alex Tipaldos pratique ce que les Anglais appellent le trainspotting, ou le railfanning pour les Américains. Les adeptes se réunissent pour observer les passages des trains, notent les détails comme l’année de fabrication ou les types de modèles, collectionnent les horaires et diffusent les photos en ligne.

Crédit: Éric Deguire

Par exemple, Alex Tipaldos est prêt à parcourir plusieurs kilomètres pour observer son train préféré. «Je suis même allé à Saint-Basile-le-Grand un matin brumeux d’automne pour voir un train à deux étages lors de sa première journée en service. J’aime beaucoup ce type de trains, ils sont beaucoup plus confortables que les autres. » En juin dernier, il était aussi sur le dernier convoi vers Rigaud, alors que la ligne en existence depuis le XIXe siècle allait être fermée par l’Agence métropolitaine de transport. Sa passion pour les trains l’a d’ailleurs amené à voir du pays. Alex Tipaldos s’est déjà rendu à Boston et à Toronto pour y observer les trains locaux. «À Boston, il y avait des wagons à un étage et à deux étages sur le même train, ce qui m’a impressionné», dit-il. Il a aussi fait des voyages à Ottawa, Québec, Joliette et Saint-Hyacinthe avec Via Rail. Il documente ses voyages sur Flickr sous le pseudonyme kellergraham.

Pour expliquer son intérêt, Alex Tipaldos évoque son enfance. Dès sa jeunesse, il est devenu intrigué par ces imposantes machines. « J’ai grandi à Valleyfield, sur la Rive- Sud, dit-il, deux trains passaient près de chez moi tous les jours.» Depuis, il a même converti sa copine, Andrea Kalweit, qui l’accompagne occasionnellement dans ses activités de railfanning. « Lorsqu’un train passe chez la mère d’Alex, je suis la première à me diriger vers la fenêtre», dit-elle. Alex et sa copine ne sont pas les seuls à courir après les trains. En effet, le phénomène du railfanning est répandu partout au monde, aux États-Unis, en Europe et même à l’extérieur de l’Occident, en Inde. Aux quatre coins du monde, l’activité se pratique de façon assez similaire. C’est lorsqu’il a voulu se rendre sur la Rive-Sud de Montréal, pour découvrir les lignes locales, qu’Alex Tipaldos s’est découvert une nouvelle passion. En effet, aucun train ne lui permettait de revenir à la maison à l’heure désirée. « À ce moment-là, j’ai commencé à m’intéresser aux autobus», dit-il. Depuis, il photographie les divers modèles d’autobus avant qu’ils ne soient mis au rancart.

Fanatique mais critique Mais son amour des trains ne l’empêche pas de critiquer la gestion du réseau ferroviaire au Québec. «À cause de leurs intérêts conflictuels, l’AMT, le CN, le CP et Transport Québec retiennent le développement de nouveaux projets », soutient Alex Tipaldos. Il affirme que les trains de l’AMT sont beaucoup trop achalandés aux heures de pointe et que l’organisme devrait augmenter le nombre de passages. Il ajoute : « Si tu veux revenir en banlieue à partir du centre-ville après 21 heures, il n’y plus de trains. » Quant à des projets encore plus ambitieux, comme un TGV qui relierait les grands points du nord-est du continent (dont Montréal, Québec, Toronto, Boston et New York), il affirme : « J’y croirai quand j’achèterai mon billet. » S’il se permet de critiquer la gestion du réseau ferroviaire, Alex Tipaldos n’est pas un activiste ni un écologiste en croisade contre la pollution atmosphérique. Il est tout simplement passionné par les trains. « Certaines personnes aiment lire, d’autres aiment la musique, moi j’aime regarder passer les trains. »