«Il y a une demande croissante dans le domaine du tutorat, car il y a de plus en plus de besoins », affirme le diplômé d’une maîtrise en administration des affaires et gestion d’entreprise à l’Université Laval et cofondateur de la plateforme LaCote.ca, Pierre-Yves Mathieu. Que ce soit pour réussir un cours ou entrer dans un programme contingenté, de plus en plus d’étudiants ont recours aux services de tutorat. « Les cotes R augmentent tout le temps pour les programmes contingentés, ajoute-t-il. Une grande part de nos clients veulent étudier la médecine ou la pharmacie. »
Pour le diplômé d’un baccalauréat en mathématiques orientation actuariat à l’UdeM ainsi que vice-président et directeur des ressources humaines de Blitz Tutorat 4.0, Mehdi Fichtali, les programmes universitaires sont aussi de plus en plus exigeants. « Le niveau de difficulté d’un baccalauréat en mathématiques n’était pas le même il y a trois ans », remarque-t-il. Les révisions permettent donc d’apporter un complément aux cours magistraux, et ce, de manière plus ciblée selon les attentes des étudiants. « Pendant un cours, le professeur n’a pas nécessairement le temps d’expliquer comment étudier la matière, estime-t-il. Ces révisions sont là pour apporter de nouveaux outils de méthodologie à l’étudiant. »
Un marché en expansion
« Il y a beaucoup de compétiteurs, mais, en vérité, tous servent des missions différentes sur le marché, affirme le diplômé en génie électrique de l’Université Concordia et directeur général de l’application mobile Helpr, Michael Hasenfratz. Certains proposent du tutorat privé, d’autres des révisions intensives, nous on propose une application et certains proposent même des services en ligne. »
Répondre à la forte demande donc, mais aussi prendre sa place dans le marché, et surtout au sein des universités francophones, d’après le finissant au baccalauréat en finance à Concordia et vice-président de Blitz Tutorat 4.0, Nicolas Angers. « Sur le marché anglophone, les services de tutorat sont très présents, note-t-il. On s’est rendu compte qu’il n’y avait pas le même genre de service sur le marché francophone. Ce manque à combler nous a poussés à démarrer notre entreprise. » Le magazine Forbes évaluait déjà en 2012 que cette industrie dépasserait les 102 milliards de dollars en 2018 aux États-Unis.
Quelle efficacité ?
Pour le professeur au Département d’éducation et formation spécialisées à l’UQAM Éric Dion, le tutorat bien pratiqué peut porter ses fruits, car il permet à l’élève de s’exercer. Le tutorat par les pairs peut aussi être un outil pertinent quand le tuteur est bon pédagogue. « La pédagogie, ce n’est pas quelque chose qui nous vient nécessairement naturellement, explique-t-il. Je pense qu’il y a un travail à accomplir pour transformer des personnes en bons tuteurs ».
En plus d’aider les étudiants, cette forme d’apprentissage peut aussi profiter à l’étudiant-tuteur. M. Dion se souvient d’un programme de tutorat en particulier. « La première leçon consistait à se demander pourquoi ça vaut la peine d’aider quelqu’un qui est un peu moins bon que nous, raconte-t-il. Et là, les enseignants ont donné l’exemple d’un élève qui est bon au baseball, qui est bon pour frapper la balle. Si tu es bon et que tu aides quelqu’un d’autre, tu vas penser aux bons gestes à poser. Tu vas rendre la personne meilleure et tu vas t’améliorer en même temps. C’est une espèce de relation gagnant-gagnant. »
Chaque entreprise a instauré ses propres exigences pour recruter ses tuteurs. Pour travailler chez Helpr, le tuteur doit avoir réussi le cours enseigné avec un minimum de A-. Chez Blitz Tutorat 4.0, on exige plutôt un minimum de A. Avant d’être sélectionné, le tuteur doit se prêter à une mise en situation filmée. « C’est là qu’on évalue si oui ou non le candidat a la même philosophie de l’éducation que nous », déclare Mehdi.
Une aventure ambitieuse
Même si le salaire est alléchant pour les tuteurs, il est encore loin de l’être pour les fondateurs qui se lancent dans l’aventure. Depuis la création de Blitz Tutorat 4.0 il y a deux ans, les entrepreneurs ne se sont encore jamais versé de salaire. « C’est plus l’intérêt envers les étudiants qui nous pousse à continuer, avoue Mehdi. Si c’était seulement l’aspect financier qui nous intéressait, on aurait peut-être tenu deux mois. »
Bien qu’il reste difficile de quantifier l’offre de services en tutorat universitaire, la pratique devient peu à peu plus formelle, avec son lot d’exigences et ses tarifs concurrentiels. S’il ne s’agit pas encore d’un marché lucratif pour les jeunes entrepreneurs, la demande augmente chaque session, selon Nicolas Angers.