Culture

Le tour du chapeau

Certains servent à garder la tête froide. Ou à la tenir au chaud. D’autres sont portés comme un paon déployant fièrement ses plumes chatoyantes. Pointu, melon ou chinois, il se décline en plus de styles que d’époques qu’il a traversées. Preuve de distinction sociale, symbole de culte religieux ou objet d’art fantaisiste et d’avant-garde, son histoire est semée de légendes et de rêves, de rituels et d’emblèmes. Et de mystère. Une énigme intemporelle cultive le doute et la méfiance. Les têtes à chapeaux, mythe ou réalité ?

«Si tu as une tête sur tes deux épaules, tu peux porter le chapeau», affirme Paul Fougère, gérant adjoint de la boutique Henri Henri spécialisée dans la vente de chapeaux de tous genres depuis 1932. M. Fougère et son équipe – les Henri – ont clairement choisi leur camp. «L’essentiel, c’est que tu veuilles le porter», renchérit celui qui se donne comme mission quotidienne de dénicher l’objet des désirs de chaque client qui franchit la porte.

En 23 ans de métier, la règle n’a connu aucune exception. La fonction première du chapeau est toujours la même : répondre aux besoins essentiels, pragmatiques ou esthétiques d’accorder le chapeau à son mode de vie. «C’est comme une paire de jeans. Ça sert à te protéger contre les quatre éléments tout en complétant ton style personnel », explique le chapelier Fougère dont l’étonnante collection de chapeaux – 160 en tout – a l’avantage de mettre en valeur les multiples facettes de sa personnalité. Patricia Lee, styliste pour la compagnie Les Effrontés, ajoute une dimension symbolique. « Le chapeau fait rêver, il donne du cran à celui qui ose le porter. Il révèle et affirme l’attitude de la personne », dit-elle.

Le choix du chapeau ne relève pas du hasard. Règle primordiale : harmoniser la forme et la taille du modèle en fonction des proportions corporelles. Il faut aussi prendre en compte la taille physique et la largeur des épaules, de sorte que le chapeau contribue à équilibrer les lignes du corps, sans engloutir ni grossir le visage. «Un petit chapeau rond me donne l’air d’avoir pris 50 livres», s’esclaffe M. Fougère. Patricia Lee nuance les propos du maître chapelier : «C’est sûr qu’il y a des gens avec des visages en forme de coeur, qui peuvent presque tout se permettre, mais le résultat dépend surtout d’une harmonie entre les palettes de couleurs, les proportions et les traits du visage – attention aux fronts généreux et aux nez proéminents.»

Des silhouettes à chapeaux plutôt que des têtes à chapeaux ? Sans aucun doute. «Quand on est grand et plutôt mince, on peut se permettre plus de libertés», explique M. Fougère. De plus larges contours évoquant le Far West, une hauteur empruntant aux chapeaux de magiciens, des matières insoupçonnées et des couleurs effervescentes. «Cependant, les femmes ont encore plus de possibilités. Prends la reine Élisabeth, elle a beau être toute petite, ses gros chapeaux en forme de bouquets de fleurs ne l’écrasent pas. On dirait des auréoles» rajoute-t-il. Coquetterie naturelle et féminité s’allient pour adoucir l’impact du chapeau sur la silhouette féminine. Une chevelure plus longue et fournie, quelques bijoux et un peu de maquillage confèrent au chapeau un caractère fantasque, s’agençant  avantage aux humeurs qu’aux aléas terre à terre du quotidien.

Encore faut-il l’aimer, son chapeau. Et avec le temps, espérer développer le «sens» du chapeau, comme démontré par M. Fougère. Un bref coup d’oeil de sa part suffit à vous faire ravaler votre chapeau. Pour mieux le porter.

 

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