« Le statu quo est préjudiciable »

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Par Patrick MacIntyre
mercredi 28 octobre 2015
« Le statu quo est préjudiciable »
L’assemblée extraordinaire, suivie de l’assemblée universitaire auront lieux le lundi 9 novembre à partir de 12h30 au Pavillon Roger-Gaudry. Crédit Photo: Guillaume Villeneuve
L’assemblée extraordinaire, suivie de l’assemblée universitaire auront lieux le lundi 9 novembre à partir de 12h30 au Pavillon Roger-Gaudry. Crédit Photo: Guillaume Villeneuve
Le recteur de l’UdeM, Guy Breton, l’affirme : pour la première fois depuis qu’il est en poste, le montant d’argent disponible par étudiant à l’Université est moindre que celui de l’année précédente. M. Breton cherche les moyens de protéger la qualité de l’enseignement et de la recherche, et du milieu de travail sur le campus. Quartier Libre s’est entretenu avec lui sur ce qui constitue à ses yeux un « défi collectif ».
« Il n’y aura pas de fusions. Ce qui n’est pas synonyme de ne pas avoir de regroupements. »
Guy Breton - Recteur de l’UdeM

ENSEIGNEMENT ET RECHERCHE

Faire mieux avec moins : la voie des regroupements

Aucune décision n’a été prise pour le moment, affirme le recteur, qui indique avoir simplement fait le constat qu’il n’y aura pas de ressources additionnelles et que le statu quo est préjudiciable. M. Breton compte annoncer lors de l’assemblée universitaire du 9 novembre prochain le démarrage de « travaux de mise en commun de bonnes idées ».

« J’ai des soucis que l’expérience étudiante se dégrade, s’effrite, de façon insidieuse », assure le recteur. Il rappelle que les étudiants attendent de l’Université qu’elle leur apporte un diplôme de grande qualité. « Jusqu’ici, ça va. Ce que je dis, c’est que ça ne peut pas encore continuer comme c’est là, et que je puisse encore signer des diplômes qui vont être de grande qualité. Aidez-moi à faire en sorte que cesse cette érosion de notre base budgétaire, aidez-moi à faire en sorte que l’on puisse maintenir, voire rehausser, la qualité de nos diplômes. »

Pour veiller à maintenir cette expérience à un bon niveau, et même à l’améliorer, M. Breton estime qu’il y a deux types d’actions. Tout d’abord, à l’externe : les lettres d’opinion et les représentations. « Je joue le jeu périlleux d’être poli, mais demandant […] dans un environnement où nous avons un quasi fournisseur unique qui est l’État, assure-t-il. Je pense que je dois continuer à faire ça, poliment, prudemment, mais fermement. »

Sur le plan interne, le recteur estime qu’il faut asseoir toutes les composantes de l’Université, incluant les étudiants, les enseignants et le personnel de soutien. « On a un devoir collectif entre nous de regarder : est-ce qu’on peut faire mieux les choses ? […] Est-ce qu’il y a des duplications, est-ce qu’il y a des pertes de temps ? Tout cela passe par un large dialogue. »

Cela passera-t-il également par des fusions de Facultés ? « Il n’y aura pas de fusions, répond le recteur. Ce qui n’est pas synonyme de ne pas avoir de regroupements. » La mutualisation impliquerait notamment la diminution du «middle-management». « Si la pharmacie partage son adjoint administratif avec une autre Faculté, ce n’est pas une fusion, c’est une mutualisation », dit M. Breton.

Ces transformations pourraient coûter plus cher dans certains secteurs, souligne-t-il : « Cela voudra dire faire des économies ailleurs, car on demeure à enveloppe fermée ».

Selon M. Breton, les regroupements peuvent avoir des vertus administratives, mais doivent être avant tout un exercice académique à valeur ajoutée. « Si on trouve que c’est une bonne idée d’asseoir ensemble des gens de littérature et de musique, de mettre les paroles sur le son, pourquoi on n’irait pas plus loin ? Il faut le faire à l’échelle de l’ensemble de l’Université. »

À titre d’exemple pour revoir les processus de l’UdeM, le recteur souligne l’importance de pousser plus loin l’interdisciplinarité, ce qu’il appelle la « personnalité transversale » des étudiants. Il estime aussi que l’UdeM devrait aller plus loin en termes de reconnaissances de crédits. « Les grandes universités ont l’habitude de prendre les professeurs de très grande renommée et de les faire enseigner au premier cycle, ajoute-t-il. Il faudrait réviser ça, et faire en sorte que l’étudiant, dès sa première année, puisse voir le grand chercheur ou le professeur de grande réputation. »

Pour rappel, le 1er juin 2015, les Départements de littérature comparée, d’études anglaises et de littératures et de langues modernes fusionnaient pour donner naissance à un nouveau Département de littératures et de langues du monde, et permettre des économies de 260 000 $, selon la Faculté des arts et des sciences.

MILIEU DE TRAVAIL

Troubles psychologiques : « Il faut éliminer les tabous »

Le rapport du coroner Jean Brochu relatif au suicide d’une résidente en médecine de l’UdeM en novembre 2014 conclut que l’Université doit continuer de s’interroger sur des changements pour éviter que des étudiants « glissent lentement et solitairement dans un cul-de-sac plein de désespoir ». Dans son rapport annuel, l’ombudsman de l’Université, Pascale Descary, souligne plus largement l’importance d’améliorer à l’UdeM les mesures de soutien en place.

Les demandes auprès des services psychologiques à l’UdeM sont en hausse, affirme M. Breton. « Je peux vous dire qu’il y en a plus : mais est-ce que c’est 10%, 1% en plus, je ne le sais pas »*, assure-t-il. Le recteur rappelle que le nombre d’étudiants est aussi plus élevé qu’il y a 10 ans. À savoir si ce seul facteur justifie cette hausse, ou s’il y a réellement davantage d’étudiants à l’UdeM souffrant de troubles psychologiques, le recteur s’interroge. « Je ne suis pas capable – je vais utiliser un terme économique – de désinflationner et de voir si proportionnellement il y en a plus, je ne le sais pas. […] Je ne serais pas surpris qu’il y en ait plus. »

D’après M. Breton, le sujet mérite en tout cas d’être abordé de front. « Je pense qu’il faut éliminer les tabous là-dessus, et en parler, assure-t-il. Je salue la démarche faite par la Faculté de médecine, de mettre en place ces mentors, et de faire de la sensibilisation.»

Pour le recteur, le travail à faire au sujet des troubles psychologiques chez les étudiants, concerne l’ensemble de la communauté universitaire. «  Je pense qu’il ne faut pas mettre cette charge-là uniquement sur les enseignants, avance-t-il. Je pense que les pairs, les pairs voulant dire les autres étudiants, les autres personnels, devraient aussi contribuer à abattre les tabous. »

Les étudiants sont-ils aujourd’hui assez informés des ressources qui leur sont offertes sur le campus ? « Non, répond le recteur. Je pense qu’on a un travail collectif à faire […] La détresse humaine existe, il faut essayer collectivement de pouvoir la dépister et de pouvoir offrir l’aide le plus tôt possible. »

Une campagne aura-t-elle lieu sur le campus pour rappeler l’existence de ces services ? « À ma connaissance, pas pour le moment. Les étudiants sont hyper bombardés d’informations de toute nature, comment leur faire rendre au niveau conscient l’existence des services ? […] Au déjeuner d’accueil du recteur, un des messages que je leur fais c’est de dire ‘’voyez les services, visitez le campus, informez-vous de tout ce qu’il y a de disponible’’, mais on ne peut pas le faire à leur place. »

« Nous allons faire tout ce qu’on peut, mais je ne vous cacherai pas que c’est difficile, poursuit le recteur. Par contre, et par formation et par conviction, la santé et la sécurité sont une priorité qui n’est pas négociable. »

Le harcèlement sexuel à l’Université fait quant à lui l’objet d’une campagne** intitulée Sans oui, c’est non depuis le mois de décembre 2014, rappelle M. Breton. « C’est une bonne démarche, je sais qu’il y a des tentatives pour l’exporter au niveau provincial et je salue ça », dit-il. 

 

* Mathieu Filion, n’a pas été en mesure de communiquer les chiffres de cette hausse à Quartier Libre.

** La campagne est une initiative conjointe de l’UdeM, de son Bureau d’intervention en matière de harcèlement (BIMH) et de la FAÉCUM

(Lire notre article « Statistiquement méconnu »).