Le réveil de la bête

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Par Andreanne.Milette
mardi 31 août 2010
Le réveil de la bête

Le réveille-matin. Une bête noire hurlant le retour à la réalité. Il nous extirpe du monde onirique et éveille des sentiments hostiles. Son cri électrique nous rappelle nos obligations. Le choc passé, le jour se pointe avec sa dose d’émerveillement et d’apprentissage. C’est le réveil qui permet d’être au bon endroit au bon moment. Cela ne le rend pas plus sympathique. Est-ce que cela justifie son existence?

Le design industriel. Son omnipotence alimente mon obsession. Je n’en sais pas tout, pourtant j’y pense tout le temps : quand je regarde mon cadran, ton lit, sa brosse à dent, l’autobus, ce paquet de gomme. Les choses qui meublent notre univers humain, issues de notre imaginaire, sont générées par des stimuli sociaux, politiques, économiques et artistiques. Plus nous en apprenons sur notre monde, plus nous le questionnons. Plus nous découvrons, plus nous inventons. Plus nous l’alimentons, plus il est complexe. L’aspect des objets n’a rien à voir avec l’ingénierie, ni avec la création divine: bien des designers sont aussi des artistes.

L’ère des technologies. C’est elle qui permet l’ajout de tant de fonctions aux choses qui, auparavant, étaient si simples. Le réveille-matin, pour moi, évoque la complexité. Avant, il donnait l’heure et il sonnait. Désormais, il est lecteur de MP3, il est grille-pain, il est cafetière. Avec l’avancée des technologies, le cellulaire, entre autres nouvelles technologies, récupère les fonctions du réveille-matin. Un objet de moins ramassant la poussière : Le cadran est en voie d’extinction.

La terre est saturée. Constat: Il faut diminuer la production de matériel. La saine multifonctionnalité répond à cet impératif: plus de fonctions, moins d’objets. Le designer industriel a pour rôle de concevoir des objets fonctionnels et adaptés à l’utilisateur et à son contexte. Pourtant, l’impact de son travail créatif va plus loin. En multipliant les utilisations d’un objet, chaque designer travaille à réduire la quantité de plastique utilisé, à diminuer l’empreinte écologique. Il n’y a qu’à penser au iPhone, qui a rendu obsolètes cadrans, carnets d’adresses, agendas, ordinateurs et autres effets encombrants. Pour transformer l’environnement de façon positive, les designers industriels peuvent – et doivent – mettre en oeuvre des approches écologiquement et socialement plus durables. Il ne s’agit que de convaincre les entreprises de la rentabilité de ce genre d’approches.

L’objet domine. Les designers industriels ont une implication dans cette prise de pouvoir physique. Ils façonnent le monde, facilitent le quotidien, enjolivent la vision : la responsabilité est immense. Le consommateur n’en a pas conscience, mais l’objet qu’il choisit sur l’étalage porte en lui une réflexion, et il a des conséquences pour la planète. Le défi du designer, le mien, est d’offrir au consommateur et à l’univers une sélection de qualité optimale.

Ce matin comme les autres, le réveille-matin hurle. Je le considère d’un oeil indulgent. Sa tyrannie ne m’atteint plus. Le réveil n’a plus la cote. Qui de mieux placée que moi pour lui indiquer la sortie ?