Le projet DOMe détecte sa première chute de météorite 

Le 2 mars dernier, une petite météorite a traversé le ciel du sud-est du Québec. Un réseau de caméras qui surveille la vallée du Saint-Laurent a permis sa détection. Quartier Libre a rencontré le responsable du dispositif, l’astrophysicien Olivier Hernandez, également directeur du Planétarium de Montréal.

Quartier Libre (Q. L.) : Dans la nuit du 1er au 2 mars dernier, une petite météorite est passée dans le ciel du sud-est de la province. Que sait-on d’elle ? 

Olivier Hernandez (O. H.) : Déjà, il faut savoir que c’est un évènement très rare, ça nous a empêchés de dormir pendant plusieurs jours ! Au Québec, environ 25 météorites passent chaque année, mais ça n’arrive que tous les 30 ans qu’il y en ait une ou deux qui tombent et puissent être récupérées. La dernière remonte à 1994. Même si nous n’avons pas encore trouvé celle du 2 mars, nous en savons déjà beaucoup. Elle provenait de la ceinture d’astéroïdes située entre Mars et Jupiter, et nous estimons qu’au moins deux fragments de 30 à 90 grammes ont atterri près de Drummondville. Pour le moment, nous avons fouillé à peu près 15 % de la surface de territoire où les fragments sont susceptibles d’avoir atterri pour essayer de les récupérer. 

Q. L. : Le projet Détection et observation des météores du Planétarium de Montréal, lancé en 2018 en partenariat avec le réseau FRIPON*, en France, vise à mieux comprendre la trajectoire et la chute des météorites. Concrètement, comment fonctionne-t-il ?

O. H. : Il s’agit d’un réseau de caméras pointées vers le ciel, déployé à travers la vallée du Saint-Laurent. Il compte 15 stations au total, dont 11 sont actuellement opérationnelles. Ce système permet de suivre la trajectoire des bolides qui traversent le ciel québécois afin d’estimer leur point de chute.

Lorsqu’une météorite entre dans l’atmosphère, elle voyage généralement à une vitesse comprise entre 10 000 et 90 000 km/h, ce qui crée une traînée lumineuse visible pendant plusieurs secondes. Une fois qu’elle a suffisamment ralenti, elle cesse d’émettre de la lumière et entre en phase de « vol sombre ». À partir de ce moment, elle disparaît aux yeux des caméras. C’est là qu’interviennent les modèles de calcul, qui prennent en compte les vents et la météo pour estimer la dernière portion de sa chute. C’est très compliqué, car sur les dernières centaines de mètres, la météorite tombe à la manière d’une feuille d’automne, baladée au gré des vents. 

Au Planétarium, c’est notre conseillère scientifique, Auriane Egal, qui travaille avec ces modèles pour affiner la localisation du point d’impact [ndlr : l’endroit où la météorite touche le sol].

Chaque station du réseau DOMe comporte une caméra de type « fish-eye », qui permet de voir le ciel sur 360 degrés. Source : Espace pour la vie

Q. L. : Des dizaines de citoyens et de membres du club des astronomes amateurs de Sherbrooke se sont activés dans les dernières semaines pour fouiller la région. Qu’est-ce qu’ils cherchent exactement ? 

O. H. : Une météorite se reconnaît principalement à sa couleur très sombre, très noire. Lors de son passage dans l’atmosphère, elle peut chauffer jusqu’à 1500 °C, ce qui crée une fine croûte de fusion** en surface. Elle est aussi plus dense et plus lourde que les roches terrestres et peut être magnétique si elle contient du fer et du nickel. Pour la repérer, nous pouvons utiliser un détecteur de métaux ou simplement un aimant.

À savoir qu’une météorite appartient non pas à celui qui la découvre, mais au propriétaire du terrain où elle est tombée. Le Canada est d’ailleurs le seul pays à avoir des lois spécifiques qui encadrent les météorites, elles sont considérées comme des biens culturels canadiens ! 

Q. L. : Qu’est-ce que les météorites nous apprennent ? 

O. H. : Si nous parvenons à récupérer la météorite rapidement, nous pouvons analyser sa composition, ce qui nous renseigne sur la proportion des éléments présents dans le système solaire. Un autre aspect intéressant est que cela nous permet de savoir d’où elle vient. C’est une information fondamentale pour mieux comprendre la formation et l’évolution du système solaire. 

* Le réseau international Fireball Recovery and InterPlanetary Observation Network (FRIPON), qui signifie Réseau de récupération de boules de feu (bolides) et d’observation interplanétaire, regroupe des caméras de détection des météorites qui entrent dans l’atmosphère.

** Une croûte de fusion est une fine pellicule noire observable à la surface d’une météorite. Elle apparaît lorsque l’objet céleste pénètre l’atmosphère. Sa surface fond à cause de la chaleur puis se solidifie à nouveau pour former une croûte sombre et vitreuse.

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