Le paradoxe Marc-Aurèle Fortin

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Par Justin Doucet
mardi 2 octobre 2012
Le paradoxe Marc-Aurèle Fortin
« Fortin s'inscrit dans un mythe, celui du courant régionaliste qui, dans l'art québécois, représente nos valeurs de sédentarité. » - Louise Vigneault, professeure au Département d'histoire de l'art de l'UdeM (Crédit photo : Pascal Dumont)
« Fortin s'inscrit dans un mythe, celui du courant régionaliste qui, dans l'art québécois, représente nos valeurs de sédentarité. » - Louise Vigneault, professeure au Département d'histoire de l'art de l'UdeM (Crédit photo : Pascal Dumont)

Pionnier et rebelle, Marc-Aurèle Fortin est un des paysagistes les plus importants dans l’histoire de l’art du Canada. Les grandes oeuvres du peintre sont exposées à l’UdeM jusqu’au 9 décembre. Professeure au Département d’histoire de l’art, Louise Vigneault voit, dans les oeuvres de Fortin, le reflet de l’identité québécoise.

L’exposition Paysages modernes du Québec traditionnel présente une trentaine de scènes rurales et marines, peintes par Fortin entre 1910 et 1950. C’est le seul arrêt à Montréal que fera cette rétrospective lors de sa tournée provinciale, organisée par le Musée national des beaux-arts du Québec (MNBAQ).

Les arbres grandioses peints à l’huile ou à l’aquarelle et les maisons québécoises réalisées au fusain témoignent de l’attachement de Marc- Aurèle Fortin pour la nature et le territoire. « Il s’inscrit dans un mythe, celui du courant régionaliste qui, dans l’art québécois, représente nos valeurs de sédentarité », explique la spécialiste en art canadien et nord-américain, Louise Vigneault.

Le paysage québécois est le thème favori de Fortin, et chaque tableau exprime, à sa manière, les relations uniques qu’entretiennent les Québécois avec leur espace. «Il y a cette idée qu’en Amérique, c’est le territoire qui détermine la culture, beaucoup plus qu’en Europe, ajoute Mme Vigneault. Fortin était un fervent de l’américanité et refusait de se conformer à ses pairs. Alors que les autres artistes québécoi s suivaient le s tyle de l’Académie qui était à la mode en Europe et en France, il privilégiait un style proprement québécois.» Selon lui, l’innovation et l’ouverture à l’expérimentation confirmaient les Québécois comme Américains plutôt qu’Européens.

Crédit photo : Pascal Dumont

Entre tradition et modernité

Ce style moderne est paradoxal: alors que les thèmes de ses oeuvres demeurent traditionnels – nature, village – les techniques de l’artiste sont parmi les plus novatrices de l’époque. Il combinait l’aquarelle et le fusain dans certains tableaux, tandis que d’autres étaient réalisés sur des morceaux de bois ou de carton, à l’aide de pastels. Il expérimentait avec des gravures sur zinc et sur cuivre pour obtenir des finitions mates et, très souvent, il fabriquait ses propres couleurs.

Grâce à cette expérimentation, ses tableaux frappent par leurs contrastes et donnent parfois une impression de trompe-l’oeil. Ces effets saisissants de perspective et de profondeur illustrent la modernité des techniques et du style de Fortin.

Cette première halte de l’exposition a une valeur ajoutée, selon l’adjointe administrative du Centre d’exposition, Sophie Banville. «Pour cet évènement exclusivement, l’université a ajouté trois aquarelles et deux huiles peintes par Fortin, explique Mme Vigneault. Elles sont tirées de la collection patrimoniale d’oeuvres d’art de l’UdeM. C’est une belle occasion pour nous de mettre en valeur notre collection auprès des étudiants et du grand public.» Une de ces oeuvres traversera le Québec avec l’exposition itinérante pendant deux ans.

Paysages modernes du Québec traditionnel

Centre d’exposition de l’UdeM

 2940, ch. de la Côte-Sainte-Catherine

Niveau 0, local 0056

Jusqu’au 9 décembre

 

Fortin, à contre-courant

Né en 1888 à Sainte-Rose à Laval, dans une famille bourgeoise, Marc- Aurèle Fortin renie ses origines quand son père s’oppose à son rêve d’une carrière d’artiste. Ne démordant pas, il fit des études dans les milieux artistiques de Montréal, à l’École du Plateau, où il côtoie les grands peintres québécois Ludger Larose et Edmond Dyonnet. Il développe aussi son talent à l’Art Institute of Chicago, sous la supervision du paysagiste Edward J. Timmons. Fortin est atteint de diabète et, à la fin de sa carrière, sa santé se détériore. Le peintre meurt aveugle et amputé de ses deux jambes en 1970.