Le neuromarketing : mythe ou réalité?

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Par Landry Desmoulins
lundi 21 mars 2016
Le neuromarketing : mythe ou réalité?
Illustration de réseaux de neurones interconnectés. Photo: Pixabay.
Illustration de réseaux de neurones interconnectés. Photo: Pixabay.
Pense, et je te dirai ce que tu veux acheter! Voilà l’idée derrière ce qu’on appelle aujourd’hui le neuromarketing. Une cruelle application des méthodes d’imagerie du cerveau destinée à la commercialisation de produits.

Des méthodes d’imagerie médicale pour décoder la pensée

Dans la revue Nature, un article tente de répondre à la question : l’engouement autour du neuro-marketing est-il fondé ou est-ce une farce médiatique? Dans leurs travaux, les chercheurs passent en revue les différentes méthodes d’imagerie cérébrale et discutent des applications existantes et potentielles afin d’étudier les besoins et les envies des consommateurs. On y apprend que des méthodes d’imagerie par résonance magnétique (IRM), initialement destinées à la médecine et à la recherche, permettent de mesurer l’activité de petites zones du cerveau lorsque des consommateurs doivent formuler leurs préférences dans des situations d’achats. Ces petites zones sont normalement actives lorsque nous anticipons un goût plaisant, écoutons de la musique que nous aimons, recevons de l’argent ou une récompense sociale.

L’imagerie cérébrale pourrait ainsi éclairer les chercheurs non seulement à propos de ce que les gens aiment, mais aussi de ce qu’ils vont acheter, simplement parce qu’ils y ont pensé. Elle donnerait une indication plus précise des préférences réelles des individus sans même qu’ils aient besoin de les formuler. D’autant plus que les gens n’expriment jamais pleinement leurs préférences quand on leur demande de les expliciter?; on constate toujours une sorte de retenue. Le cerveau des consommateurs contiendrait donc des informations cachées sur leurs véritables préférences. Et ces informations pourraient, en théorie, être utilisées pour influencer le comportement d’achat des consommateurs.

Je pense donc… j’achète!

Une autre raison pour laquelle la planète marketing est mise en émoi par l’imagerie cérébrale est qu’elle espère que l’imagerie fournira une méthode de recherche marketing précise qui peut être mise en œuvre avant même qu’un produit existe. Dans la conception de produits alimentaires, par exemple, des fabricants commerciaux pourraient facilement étudier toutes les dimensions de l’expérience gustative (le goût, l’odeur, la texture, l’apparence et le son).

Par exemple, une façon de faire la meilleure saucisse hot-dog du monde serait de maximiser les réponses du cerveau aux variations de chacune des dimensions gustatives. Les dérives d’une telle procédure sont la possibilité de créer des saucisses hot-dog tellement à l’écoute des réponses neuronales que les individus seront pris d’une sorte de frénésie ou de graves troubles alimentaires. Est-il possible que les méthodes d’IRM puissent créer une « super héroïne de la nourriture », un produit si délicieux que tous les individus, même les plus sceptiques le trouveraient irrésistible? C’est une possibilité, certes extrême, mais bien réelle.

Les limites du neuromarketing

Les auteurs de l’article publié il y a tout juste six ans montrent que le neuromarketing est encore une utopie , mais qu’il est encore trop tôt pour réellement répondre à cette question. Ils ciblent deux possibilités dans lesquelles les méthodes d’imagerie cérébrale représentent un véritable espoir pour le monde des affaires. Il faudrait d’abord que la neuro-imagerie devienne plus populaire, que ces méthodes soient moins chères et plus rapides que d’autres études de marché. Et deuxièmement, il faudrait que la neuro-imagerie puisse fournir au marketing de façon fiable des informations qui ne peuvent être obtenues grâce à des méthodes de marketing classiques, ce qui n’est aujourd’hui pas encore complètement vérifié.

Attention à qui lirait cette chronique, elle peut avoir des effets secondaires, comme des démangeaisons, voire une légère euphorie suivie d’un bouillonnement intérieur potentiellement à l’origine d’une réflexion profonde motivée d’un sentiment de rébellion, de colère, ou de dépression dans le pire des cas… À moins que cela soit dû au contenu de votre lunch.