Le mème : un outil politique

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Par Edouard Ampuy
jeudi 26 novembre 2020
Le mème : un outil politique
Les mèmes sont également une façon de faire passer un message politique à un public plus jeune ou déconnecté des actualités politiques. Crédit : Canada Proud
Les mèmes sont également une façon de faire passer un message politique à un public plus jeune ou déconnecté des actualités politiques. Crédit : Canada Proud

Si les campagnes électorales sont des périodes riches en création de mèmes, ce n’est pas un hasard. Ces vignettes humoristiques, fruit de la culture Internet, sont maintenant générées et utilisées par les différents mouvements politiques pour délégitimer le camp adverse et atteindre de nouveaux segments de la population.

Selon l’étudiant en lettres et communication sociale à l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR) Simon Fitzbay, les mèmes politiques se sont popularisés au cours de la campagne électorale américaine de 2016. « C’est là que les études ont commencé à sortir sur ce sujet, ça a intéressé la population en général, mais aussi la communauté scientifique, explique Simon. L’équipe de Donald Trump a utilisé des mèmes dans le cadre de sa campagne contre Hillary Clinton. Les démocrates l’ont également fait, mais c’était plus marqué du côté républicain. »

« Enfin assez vieux pour voter, seulement, les choix sont Hillary Clinton et Donald Trump. »

« Je n’ai pas effacé de courriels. Ils étaient… Eh bien… C’est compliqué. Croyez-moi. »

 

 

 

 

 

 

 

 

Dans quel but ?

D’une façon générale, les mèmes servent à délégitimer un candidat, observe Simon, dont le mémoire de maîtrise s’intitule Les mèmes Internet politiques en tant qu’outils de légitimation et de délégitimation des chefs politiques : le cas de la campagne fédérale de 2019.

« Lors de la campagne fédérale de 2019, les mèmes mettant en scène Justin Trudeau ou Andrew Sheer n’étaient pas positifs », affirme l’étudiant. D’après son estimation, 98 % des mèmes sur Justin Trudeau le délégitimaient. Simon relève tout de même une exception dans le paysage politique canadien. « Jagmeet Singh, lui, se retrouve légitimé par les mèmes », souligne-t-il.

 

 

Les mèmes sont également une façon de faire passer un message politique à un public plus jeune ou déconnecté des actualités politiques. « Ils véhiculent un message simple et critique envers leurs adversaires politiques, d’une façon rapide et ludique », précise Simon.

 

 

Qui se cache derrière les mèmes ?

Si les mèmes se politisent, ils ne sont pas endossés par les partis directement. Au Canada comme aux États-Unis, des organisations qui évoluent en parallèle des partis se chargent de leur création et de leur diffusion. « Aux États-Unis, il y a le Projet Lincoln, une organisation républicaine anti-Trumpqui a repris les codes du mème pour faire des campagnes publicitaires sur les réseaux sociaux lors de cette élection de 2020 », poursuit Simon. Le candidat à l’investiture démocrate Michael Bloomberg a également tenté de recruter des créateurs de mèmes lors de sa campagne.

Au Canada, le groupe Canada Proud et son pendant québécois Québec fier utilisent le langage des mèmes contre Justin Trudeau. « C’est un moyen de faire passer leur agenda plus à droite et de décrier une politique contraire à leurs objectifs », détaille Simon.

 

 

Une utilisation légiférée ?

Actuellement, rien ne légifère contre l’utilisation des mèmes comme outil politique au Canada ou aux États-Unis, d’après l’étudiant. « Des journalistes ont posé la question lors de la campagne fédérale de 2019, mais pour l’instant, il n’y a pas vraiment de standard par rapport à ça », explique-t-il.

Pour le moment, l’influence de ces vignettes humoristiques n’a pas été prouvée. Les résultats du travail de Simon sur la campagne fédérale de 2019 ne relèvent pas de répercussions directes sur le résultat de l’élection. Sur 304 mèmes, 298 étaient négatifs envers Justin Trudeau, qui a pourtant remporté l’élection. « C’est donc difficile de trouver si ça influence directement le vote, mais il faut considérer le poids que ça peut jouer », prévient l’étudiant.