Le français, ça compte ?

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Par Lindsay-Anne Prévost
mercredi 12 novembre 2014
Le français, ça compte ?
« C’est une grosse lacune de mon programme [de ne pas évaluer la qualité de la langue] puisque le français est essentiel dans la pratique professionnelle. » - Marie-Christine Perron - Étudiante au baccalauréat en architecture de paysage
Crédit photo : Isabelle Bergeron
« C’est une grosse lacune de mon programme [de ne pas évaluer la qualité de la langue] puisque le français est essentiel dans la pratique professionnelle. » - Marie-Christine Perron - Étudiante au baccalauréat en architecture de paysage
Crédit photo : Isabelle Bergeron
La crainte de passer d’un A + à un B à cause de fautes de français peut encourager certains étudiants à ouvrir plus souvent leur dictionnaire lors de la rédaction de leurs travaux. Contrairement au cégep, ce n’est pas toutes les facultés de l’UdeM qui exigent de leurs professeurs d’évaluer la qualité de la langue des étudiants.
«Si on ne donne pas aux étudiants des signes précis qu’il est important de maîtriser la langue française, ils ne posséderont pas cette qualité, alors que c’est un outil qui leur permet d’être libres de leurs idées.»
Guy Ménard, Enseignant au Département de cinéma du Collège Ahuntsic et ancien professeur à l’UdeM

«L’université familiarise les étudiants à une méthode de travail qui les amène à être plus conscients de l’importance de la qualité de la langue française», juge le professeur de cinéma du Collège Ahuntsic Guy Ménard, qui a également enseigné à l’UdeM. Selon lui, les étudiants universitaires possèdent une meilleure maîtrise de la langue française que ceux du niveau collégial, même si ces derniers se voient retrancher beaucoup de points en raison de leurs fautes. Alors que la pondération varie entre 10 % et 30 % de la note finale au cégep, à l’université, le fait de retrancher des points pour la langue est généralement laissé à la discrétion du professeur.

L’étudiante au baccalauréat en architecture de paysage à l’UdeM, Marie-Christine Perron, avoue toutefois avoir vu la qualité de son français se détériorer depuis qu’elle a fait son entrée dans son nouveau programme universitaire. «J’écrivais mieux quand je faisais ma majeure en science politique ou en dernière année de cégep», soutient-elle. L’étudiante admet pourtant n’avoir jamais éprouvé de réelles difficultés à bien maîtriser la langue française.

«Les travaux écrits ne sont pas très nombreux dans mon programme, j’en ai fait cinq en trois années de baccalauréat environ , explique-t-elle . Nous devons plutôt créer des panneaux de présentation, et dans ce cas-là, il n’y a pas toujours de points alloués à la qualité du français.» Selon elle, le manque de pratique en écriture, jumelé à l’importance moins grande qui est accordée à la langue dans ses travaux, ont contribué à appauvrir ses aptitudes en français.

Maîtriser les codes de la langue française

«Si on ne donne pas aux étudiants des signes précis qu’il est important de maîtriser la langue française, ils ne posséderont pas cette qualité, alors que c’est un outil qui leur permet d’être libres de leurs idées» , soutient l’enseignant en cinéma Guy Ménard.

La conseillère en linguistique du centre de communication écrite de l’UdeM, Annie Desnoyers, affirme que les politiques linguistiques de l’université sont pourtant strictes. L’étudiant doit d’abord réussir l’épreuve uniforme de français du réseau collégial ou le Test de français d’admission (TFA). Certains programmes exigent aussi la réussite du test de français Laval-Montréal (TFLM), qui permet de vérifier les connaissances des étudiants sur la norme du français écrit. «Souvent, lorsque les facultés font passer de tels examens d’admission, elles vont également être sensibles à la qualité de la langue dans leurs cours» ,affirme la conseillère. L’absence de pondération n’est donc pas, selon elle, synonyme d’un désintérêt de l’enseignant par rapport à l’importance de la qualité du français.

De son côté, l’étudiante en architecture de paysage Marie-Christine Perron croit qu’une pondération accordée à la qualité de la langue aiderait les étudiants à mieux se préparer pour l’avenir.«C’est une grosse lacune de mon programme puisque le français est essentiel dans la pratique professionnelle, affirme l’étudiante. Je ne voudrais jamais rencontrer un client et lui présenter un projet avec plusieurs fautes ou avec des tournures de phrases douteuses.»

Annie Desnoyers croit plutôt que la pondération du français dans les travaux universitaires n’est qu’une méthode parmi d’autres que devraient privilégier les enseignants. «La majorité des étudiants qui viennent au Centre d’aide en français de l’UdeM ont été recommandés par leurs enseignants, souligne la conseillère. Ça montre que les enseignants se soucient quand même de la qualité de la langue, malgré l’absence de la pondération.»

Selon elle, un encadrement sous forme d’ateliers est une solution qui se veut plus permanente que de retrancher des points pour les fautes de français dans les évaluations.