Le capitaine Breton ne perd pas le nord

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Par Charles Lecavalier
mardi 31 août 2010
Le capitaine Breton ne perd pas le nord

Ohé! Du bateau ! Guy Breton, radiologue de profession, vice-recteur exécutif sous l’ère Vinet, prendra la barre du navire udemien. Quartier Libre, fidèle vigie, a rencontré l’Homme. Déterminé, sans langue (ni jambe) de bois, le nouveau recteur s’est exprimé sur une pléiade de sujets. Le capitaine nous mènera-t-il à bon port? Pour trouver le Cap Breton, suivez la carte au trésor !

Le capitaine Breton doit gérer les rations

«Je crois qu’il y a trop de bureaucratie, trop de remises en question perpétuelles alors qu’il faut prendre des décisions à un moment donné. Il y a 83 comités autour du Conseil de l’Université (CU) et de l’Assemblée universitaire (AU). Je ne crois pas que 83 comités sont requis pour bien veiller aux bons intérêts de la collectivité. Mon objectif : simplifier ça ! Lorsque je me suis présenté comme candidat, j’ai dit qu’on pourrait réduire de 5 % par année le nombre de comités et d’étapes. Faut-il trois vérifications tout le temps ? Faut-il toujours trois exemplaires ? Il y a moyen de faire mieux.»

L’UdeM mal gérée ? «Non, l’UdeM est globalement bien gérée, mais cela ne doit pas être statique. Les choses changent, les moyens changent, les besoins changent.

La mise en place d’un progiciel de gestion intégré (PGI) va avoir un impact. Cela va nous permettre de mieux suivre notre économie interne et de faire des constats que l’on ne pouvait faire avant. Le PGI devrait simplifier et diminuer la bureaucratie dans la mesure ou l’on accepte que ce que nous faisons depuis 20 ans ne soit pas la meilleure chose. L’avantage du progiciel est de nous comparer à 250 universités américaines, et de voir comment eux font pour faire cheminer des décisions.»

Le capitaine Breton n’est pas seul:

six matelots l’accompagnent dans son périple Du changement chez les sous-officiers : un nouvel état-major Hélène David, vice-rectrice aux affaires académiques et rectrice suppléante Joseph Hubert, vice-recteur à la recherche et aux relations internationales Louise Béliveau, vice-rectrice aux affaires étudiantes et au développement durable Anne-Marie Boisvert, vice-rectrice aux ressources humaines et à la planification Éric Filteau, vice-recteur aux finances et aux infrastructures Donat J. Taddeo, vice-recteur au développement et aux relations avec les diplômés

On rafistole le rafiot, on ne le vend pas

«Le 1420 Mont-Royal est un dossier réglé, c’est vendu, c’est fini. Par contre, il est faux de dire que le pavillon Vincent-d’Indy sera vendu. Ceux qui disent cela sont démagogues. Cela ne veut pas dire que la Faculté de musique restera nécessairement dans le pavillon Vincent-d’Indy. Nous allons garder le local, mais il pourrait servir à autre chose, comme des activités administratives. On pourrait décider qu’il est plus approprié de déplacer la Faculté de musique dans de nouveaux locaux et salles de concert, à la gare de triage d’Outremont. Lorsque je dis garder le patrimoine, cela ne veut pas forcément dire garder la vocation qu’il a actuellement.

Ce que nous occupons, au sud d’Édouard-Montpetit, à l’est de Decelles, à l’ouest de Mont-Royal, fait partie de notre patrimoine bâti. Nous avons la chance d’être sur un campus exceptionnel, que l’UdeM, depuis 2005, s’est engagée à protéger. On a de beaux bâtiments. Les tours en cuivre du pavillon Roger-Gaudry ont été refaites. Elles nous ont coûté la peau des fesses. Cela aurait été moins coûteux de le faire en goudron, mais ce n’est pas ce que l’on veut. On souhaite maintenir notre actif.

En ce qui concerne le patrimoine naturel du mont Royal, on ne veut plus construire. Il n’y a pas une brindille de gazon qui va disparaître tant que je vais être ici ! On construira sur l’asphalte qui existe ou sur les stationnements s’il le faut.»

«Pour les cinq années qui viennent, le capitaine c’est moi. Mais le capitaine veut travailler avec les 59 999 personnes qui l’entourent. » GUY BRETON

Pas de brume à l’horizon

Si les étudiants doivent payer plus, vont-ils savoir où va leur argent ?

«Oui, bien sûr. Que les étudiants sachent où vont les sous additionnels qu’ils vont mettre, c’est tout à fait normal et souhaitable. Nous sommes en déficit courant, et il va falloir faire des choix. Le budget n’est pas illimité, et les ressources non plus. Quelles sont nos priorités ? Met-on plus d’argent dans le soutien psychologique ou dans les activités culturelles ? Les étudiants, qui sont les utilisateurs des services, peuvent nous aider à faire les bons choix.

Pour y arriver, il y a le formel et l’informel. Il y a déjà des structures comme l’AU, qui nous permettent d’exposer les réalités financières de façon statutaire. Mais l’AU est un peu formalisée et très parlementaire. Le format classique n’est peut-être pas le meilleur outil de transparence dans toutes les situations. Trouvons les lieux qui nous permettent un meilleur échange. Il y a quelques semaines, j’ai rencontré les associations étudiantes. Ce genre de réunion se prête mieux à la discussion lorsqu’on est une quinzaine autour d’une table que dans une AU avec 100 personnes et un recteur assis en bas !»

Le capitaine Breton ne regarde pas en arrière

Est-ce que l’Université de Montréal doit se spécialiser et abandonner des champs de recherche ?

«Une chose qu’il faut oublier, c’est que demain sera comme hier. Je pense que cela évolue et que chaque département et chaque faculté devront faire une analyse et un plan d’affaires, qui seront soumis à approbation par les autorités compétentes. En pratique, chaque département et chaque faculté devront s’interroger. Par exemple, les études médiévales, y a-t-il un besoin, un intérêt ? Quel est le plan ? Si, à l’analyse, on voit qu’il y a un besoin, qu’on est capable de recruter et de faire quelque chose, alors on le fera.

Nous ne sommes pas juste une juxtaposition d’écoles professionnelles. L’UdeM est le pôle universitaire le plus complet en Amérique francophone, et c’est une valeur. Mais onne peut pas laisser à la dérive des unités qui n’ont pas de pérennité.»

La terre promise d’Outremont

«Le nouveau campus, situé sur l’actuelle gare de triage d’Outremont, sera prêt quatre ans après les autorisations de procéder à la construction. Ces autorisations pourraient prendre aussi peu qu’un an ou aussi longtemps que vous pourriez vous amuser à projeter. On ne parle pas d’un dossier trivial : c’est complexe. Ce sont des laboratoires qui coûtent très cher et qui vont nous permettre de rester concurrentiels.

Présentement, nous avons des départements de sciences qui ont une valeur plus muséologique que scientifique. C’est difficile pour moi de dire ça : je veux aussi attirer les étudiants. Nous avons le meilleur département de chimie au Canada, mais il est logé dans un site épouvantable. Le gouvernement du Québec doit dire : on va mettre X millions là-dedans pour construire des laboratoires haut de gamme qui vont servir de pépinières aux cerveaux scientifiques dont le Québec a besoin.»

Pas de mutinerie à bord

Dans un scrutin tenu par le syndicat des professeurs (SGPUM) en novembre 2009, M. Breton avait obtenu 9 voix, contre 116 pour Marc Renaud, candidat écarté au profit du radiologue de profession. Qu’en estil, 10 mois plus tard ?

«Premièrement, il faut toujours distinguer le corps professoral et les officiers du Syndicat [SGPUM]. Je pense que je suis moins connu, étant donné que je viens du secteur clinique de médecine. Notre environnement n’est peut-être pas le plus propice à bien faire connaître les gens qui ne sont pas dans le core. Est-ce que mes relations sont mauvaises avec les professeurs ? Certainement pas.»

L’équipage veut une nouvelle convention

La convention collective des professeurs doit être renégociée. Les étudiants ont un souvenir douloureux de la grève des chargés de cours de l’hiver dernier. Est-ce que la direction de l’Université va modifier son approche quant aux négociations ?

«Nous avons une nouvelle équipe de direction, et il y a eu du changement à la direction de l’exécutif du SGPUM. Cela va se jouer entre les individus. Mais il y a une donne qui ne change pas, c’est notre contexte financier. Personne ne tire avantage à ce qu’il y ait une grève : pas plus les employés que la direction ou les étudiants. Une fois que j’ai dit cela, je n’ai pas 20 millions de plus… »