Volume 21

image : courtoisie cahm.nbed.nb.ca/

Le buffet

De nos jours, est-il raisonnable de penser qu’internet nous permet enfin de réaliser un vieux rêve de l’humanité, celui de rendre le savoir accessible à tous et partout? N’est-ce pas ce qu’ont réussi à faire à leur façon les fondateurs de Wikipédia, sans qui nous ne pourrions avoir le dernier mot lorsque l’on s’obstine avec un ami à propos de tout et de rien ? Bien entendu, la démocratisation du savoir, ça ne se limite pas à consulter frénétiquement une encyclopédie qui a réponse à toutes vos questions.

Depuis quelques années, de plus en plus d’universités se joignent à la danse des cours en ligne ouverts et massifs (CLOM), et ce sera le cas de l’UdeM dès l’automne prochain. Des professeurs issus des quatre coins du monde offrent la possibilité de suivre un cours en ligne gratuitement sur des plateformes comme Udacity, Coursera et edX. On peut étancher sa soif de connaissances sur la paléo-biologie des dinosaures, étudier les sonates de Mozart ou encore la planification des villes africaines. Tout ça pour le prix que vous coûte un verre d’eau du robinet.

Une révolution?

Les cours ouverts constituent une petite révolution. S’ils continuent de se propager, ils n’entraîneront rien de moins qu’une remise en question fondamentale du modèle de transmission du savoir qui a cours dans les universités actuellement. Qui aura envie d’être à l’université physiquement, cloisonné dans un auditorium dépourvu de fenêtres, lorsque le savoir se trouve à un clic de souris ? On doit toutefois se demander si l’acquisition des connaissances se fait aussi bien en ligne que dans une classe traditionnelle. Les étudiants qui suivent leur cours sur une tablette ou sur leur téléphone intelligent seront-ils aussi concentrés ? Se sentiront-ils aussi interpellés ? Poser la question, c’est y répondre. Si le contact avec le professeur est moins important dans un amphithéâtre que dans les groupes plus restreints, que penser de ces cours donnés par un professeur qui se trouve sur un autre continent et auquel des milliers de personnes assistent simultanément ?

Les cours ouverts pour quelle raison?

Plus important encore, le buffet de connaissances auquel nous convient les cours ouverts en ligne ne semble pas attirer les gens pour les raisons que l’on souhaiterait. Une étude publiée en janvier dernier et réalisée par le Massachussets Institute of Technology et l’Université Harvard nous apprend que l’immense majorité (environ 95 %) des personnes inscrites ne terminent pas leurs cours et ne décrochent aucune certification. En outre, un peu plus de la moitié des inscrits consultent moins de la moitié des unités d’un cours. Pas étonnant que l’un des pionniers des cours ouverts, le fondateur de la plateforme Udacity, Sebastian Thrun, ait affirmé en décembre dernier que «les espoirs fondés sur cette nouvelle technologie avaient été démesurés» et que les CLOM le décevaient.

On aimerait voir les CLOM comme une passerelle menant à l’ascenseur social. La dématérialisation du savoir donnerait à quiconque voulant faire l’effort de s’instruire la possibilité de se hisser au sommet. Or, pour l’instant, les gens qui sont attirés par ces cours se comportent comme des consommateurs dans un centre commercial. Ils magasinent le savoir et abandonnent rapidement un cours qui ne les intéresse plus. Comme Wikipédia, les CLOM semblent répondre aux besoins des gens pour qui le savoir est plus un plaisir qu’une panacée.

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