L’étudiante en psychologie à l’UQAM Marie-Soleil Carrier s’est tournée vers la RASM (voir encadré) lorsqu’on lui a diagnostiqué des troubles de panique. « J’ai commencé à en écouter pour me « grounder » dans le présent, quand j’avais des attaques de panique ou encore pour les prévenir quand mes pensées partaient dans tous les sens », se souvient-elle.
Des étudiants bercés
Adepte de cette approche, l’étudiante à l’UdeM Cécilia Talavera souligne le calme que ces sons lui apportent. Durant une période marquée par des soucis familiaux et des problèmes de santé, elle a éprouvé de la difficulté à s’endormir. « J’étais capable de passer des nuits blanches et je ne savais pas quoi faire, note l’étudiante. J’avais essayé des plantes et d’autres trucs, mais sans résultat. L’ASMR, c’est finalement devenu le seul moyen pour que j’arrive à dormir. » Aujourd’hui, Cécilia peut s’en passer, mais elle n’hésite pas à s’en servir lors de périodes de stress.
Certains y ont recouru dans un contexte universitaire. « C’est pour avoir un bruit de fond agréable et me permettre de me concentrer quand je fais mes devoirs, fait remarquer l’étudiante en mathématiques et physique à l’UdeM Selin Tuquet, qui privilégie les vidéos de sons aux chansons. Je préfère l’ASMR à la musique dans ces cas, car les paroles dans les chansons me déconcentrent beaucoup ! »
D’après le professeur de psychologie de l’Université d’Ottawa Jean-Philippe Thivierge, l’effet est amplifié lorsque ces vidéos, présentant des personnes faisant toutes sortes de bruits, sont enregistrées tout près d’un microphone. « Cette proximité par rapport au sujet donne l’impression d’avoir un sentiment d’intimité, explique-t-il. Il y a peut-être quelque chose là-dedans que viennent chercher certains auditeurs. »
Effet placébo ?
La capacité de la RASM à renforcer la concentration et la mémorisation des étudiants reste toutefois à démontrer, selon M. Thivierge. « Cependant, si ça peut aider à passer une bonne nuit de sommeil, cela peut permettre de consolider la mémoire durant la journée », nuance-t-il.
Il est possible que la RASM agisse comme un effet placébo, rapporte le professeur. « Croire aux bienfaits des vidéos peut en soi susciter des réactions positives, note-t-il. Mais c’est aussi possible que ça soit une réaction légitime et que la vidéo apporte des bienfaits concrets. »
D’après M. Thivierge, l’écart entre les expériences positives rapportées et les études scientifiques menées sur le sujet est démesuré. « J’ai l’impression qu’on voulait peut-être donner une apparence de pseudoscience à ce phénomène, s’exclame-t-il. En sciences, aucun terme ne décrit ce phénomène-là. »
Le professeur n’a pu repérer qu’une seule recherche en neurosciences sur les effets de la RASM, datée de 2018, qui a étudié le cerveau d’adeptes par imagerie cérébrale. Lors des visionnements, il en ressort que des zones préfrontales derrière les yeux, associées aux fonctions exécutives des tâches quotidiennes, sont désactivées chez certaines personnes. Le professeur de psychologie explique que cela peut générer une forme d’apaisement. Chez d’autres en revanche, les zones plus actives sont celles associées au sentiment de récompense. Cela peut agir sur une personne au même titre que quelqu’un qui mangerait du chocolat pour se faire plaisir.
« L’ASMR n’est pas pour tout le monde, mais ça vaut la peine d’essayer, estime M. Thivierge. D’autant plus qu’il ne semble pas y avoir d’effets négatifs. » Il souligne néanmoins la pertinence de développer des études plus sérieuses sur le sujet, compte tenu de la popularité du phénomène.