L’art écologique pour mieux dénoncer ?

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Par Guillaume Mazoyer
lundi 5 octobre 2015
L'art écologique pour mieux dénoncer ?
La Spiral Jetty de Robert Smithson a été réalisée en 1970 au bord du Grand Lac Salé en Utah aux États-Unis. Elle est visible hors de l'eau par temps de sécheresse. Crédit : Wikipedia / Creative Commons
La Spiral Jetty de Robert Smithson a été réalisée en 1970 au bord du Grand Lac Salé en Utah aux États-Unis. Elle est visible hors de l'eau par temps de sécheresse. Crédit : Wikipedia / Creative Commons
Lors de la COP21 en décembre, l’art écologique s’invitera à la table des discussions sous la forme d’une manifestation artistique baptisée l’ARTCOP21*, qui cherche à développer une culture du changement écologique. Hormis les discours politiques, les idées écologiques peuvent également être véhiculées dans l’art. Lumière sur le courant de l’art écologique, qui gagne en intensité à l’approche de la conférence

Propos recueillis par Guillaume Mazoyer en collaboration avec Dominique Caron

Entrevue avec l’artiste et professeur au Département d’histoire de l’art de l’UdeM, Peter Krausz

Quartier Libre : Qu’est-ce qu’englobe le terme « art écologique » ?

Peter Krausz : Pour l’art écologique, on trouve une multitude de tendances. On peut inclure d’après moi des artistes qui depuis longtemps travaillent avec des objets de récupération. L’artiste montréalais Gilles Mihalcean chez nous est un exemple, avec ses installations faites en partie avec des meubles récupérés, ou l’artiste sud-coréen Nam June Paik avec ses assemblages de téléviseurs.

D’autres artistes comme la Montréalaise Isabelle Hayeur ou le Torontois Edward Burtinski, avec leurs grandes photographies couleur, sont à inclure. Ils réalisent des œuvres photographiques décriant la destruction de l’environnement et la pollution.

Q.L. : Est-ce la même chose que l’art environnemental ?

P. K. : Non, il y a une assez grande différence entre l’art environnemental et l’art écologique. Le premier comprend entre autres le land art, avec des interventions assez brutales. C’est un art critiqué par certains : on peut citer la Spiral Jetty, jetée en spirale en français, du sculpteur américain Robert Smithson, ou les divers emballages du couple d’artistes américains Christo Vladimiroff Javacheff et Jeanne-Claude Denat de Guillebon, appelé simplement Christo.

[NDLR : La Spiral Jetty de Robert Smithson a été réalisée en 1970 au bord du Grand Lac Salé en Utah aux États-Unis. C’est une jetée de roches et de terre de plus de 450 mètres qui s’enroule sur elle-même. Elle est visible hors de l’eau par temps de sécheresse.

Les emballages du couple d’artistes Christo sont des œuvres où les artistes recouvrent des bâtiments ou monuments architecturaux entièrement de polyester. Ils l’ont fait, notamment, sur le Pont Neuf à Paris en 1985.]

Pour d’autres façons de dialoguer avec la nature, on peut regarder les interventions de l’artiste britannique Andy Goldsworthy ou l’artiste-plasticien allemand Nils-Udo, qui réalisent de belles œuvres d’art en utilisant des branches, des pétales et des pierres et les laissent retourner à la nature.

[…] Il y a bien sûr beaucoup d’autres artistes qui se situent entre ces deux courants, comme le plasticien américain Walter De Maria avec son Lightning Field en 1977 ou l’artiste allemand Joseph Beuys qui a planté 7 000 chênes dans la ville de Kassel en Allemagne.

[NDLR : Le Lightning Field, le champ d’éclairs en français, est un terrain d’environ un kilomètre carré situé au Nouveau-Mexique aux États-Unis où 400 poteaux en acier inoxydable sont plantés. L’œuvre est conçue pour recevoir des éclairs.

L’œuvre 7 000 oaks, soit 7 000 chênes en français, a été créée en 1982. 7 000 blocs de basalte ont été déposés dans la ville de Kassel. Pendant cinq ans, chacun de ses blocs de basalte a été déplacé à la condition qu’un individu finance la plantation d’un arbre. Ce travail survit bien après la mort de l’artiste, en 1986, car les chênes sont toujours dans la ville allemande.]

Q. L. : L’art est-il un moyen efficace pour véhiculer des idées écologiques ?

P. K. : Dans les exemples que je donne, c’est l’œuvre d’art qui est l’aboutissement des préoccupations environnementales des artistes. L’art est-il un moyen efficace pour véhiculer des idées écologiques ? Oui, mais pas nécessairement pour entraîner le grand public !

On peut aussi penser à d’autres façons d’approcher le sujet : une collaboration plus étroite entre architectes, paysagistes et artistes, dans la création des parcs, des toits verts, des murs et des jardins par exemple.

Q. L. : Y a-t-il autant d’intérêt pour l’art écologique au Québec qu’ailleurs dans le monde ?

P. K. : On peut voir qu’en Europe, aux États-Unis et en Colombie Britannique particulièrement, il y a beaucoup plus d’intérêt et d’implication des artistes dans l’art écologique qu’au Québec.

* http://www.artcop21.com/fr