Campus

La voiture électrique, une solution viable ?

« Investir dans l’achat de véhicules électriques est une fausse bonne idée », affirme la professeure à l’École Polytechnique

Photo : Jacob Côté.
Photo : Jacob Côté.

Catherine Morency. Présente à la conférence sur la mobilité, cette dernière pense qu’encourager la possession de ce type de véhicule ne réglera pas les problèmes des émissions de gaz à effet de serre (GES).

« Quand des gens affirment que la voiture électrique n’est pas  » la  » solution, ils ont raison, mais de dire que ce n’est pas  » une  » solution, là, ils ont tort, souligne de son côté le porte-parole de l’Association des véhicules électriques du Québec (AVÉQ), Daniel Breton. La voiture électrique fait partie de la panoplie de solutions pour diminuer les émissions de GES, la pollution atmosphérique et la dépendance au pétrole. » Il revient également sur certaines idées préconçues autour de la voiture électrique.

Le coût environnemental d’une voiture électrique

« Nous avons mis une étiquette  » verte  » au véhicule électrique, mais nous oublions la pollution que génère sa production en termes de quantité d’eau et d’émissions de gaz à effet de serre », affirme Mme Morency, qui est également titulaire de la Chaire Mobilité et de la Chaire de recherche du Canada sur la mobilité des personnes. Elle rappelle qu’il faut parcourir plus de 35 000 kilomètres [NDLR : Entre 29 000 km et 85 300 km, selon l’étude du CIRAIG1] avant de « compenser » les gaz à effet de serre émis lors de la construction.

D’après M. Breton, la voiture électrique est rentabilisée beaucoup plus rapidement que ce que pensent les gens. « Là où le véhicule électrique présente un avantage extraordinaire par rapport à celui à essence, c’est que même si son coût de fabrication est élevé, sa batterie est recyclable jusqu’à 95 % », explique-t-il. D’après lui, cette étude du CIRAIG portant sur le coût environnemental d’une voiture électrique est en partie erronée. « C’est faux, parce que les chercheurs calculent ça en considérant que quand la voiture n’est plus bonne, la batterie ne l’est plus, ce qui est une erreur », déplore-t-il. M. Breton rappelle que les gens ont tendance à oublier que la batterie est réutilisable et recyclable. Selon le porte-parole de l’AVÉQ, la durée de vie de ces batteries va compenser les gaz à effet de serre produits lors de sa construction.

La voiture et son utilisation

9Selon Mme Morency, l’utilisation de la voiture électrique n’est pas une solution, parce qu’elle ne prend pas en compte tous les objectifs liés à la réduction des GES tels qu’améliorer la qualité de vie et la santé publique, limiter les accidents, s’attaquer aux inégalités ou encore repenser l’utilisation de l’espace. « Il faut penser à une évaluation holistique des solutions », affirme-t-elle. Limiter les GES, c’est également réduire les déplacements et les kilomètres parcourus. « Ensuite, si on veut que l’auto émette moins, c’est à ce moment-là que la voiture électrique prend place, explique-t-elle. Pour moi, l’électrification, c’est une possibilité, mais ce n’est pas la première solution. »

D’après M. Breton, il faut différencier la voiture de son utilisation. Lorsqu’il était responsable de la stratégie gouvernementale de l’électrification des transports, son rôle était de décourager l’utilisation de la voiture personnelle et d’encourager l’utilisation de la voiture électrique de manière « intelligente », par le biais du transport collectif comme l’autopartage et le covoiturage. « C’est totalement utopique de penser que demain matin, on va se débarrasser des voitures », énonce-t-il. Il estime que ce mode de pensée est une vision très urbaine, et qu’en région rurale, il est compliqué, voire impossible, de se déplacer en transports collectifs.

Le financement du gouvernement

« Si on continue à soutenir l’industrie automobile comme on le fait en finançant l’acquisition de véhicules électriques, ce n’est pas le public qui en bénéficie, mais le constructeur automobile », détaille Catherine Morency. La professeure réagit aux compensations gouvernementales offertes aux particuliers à l’achat d’une voiture électrique. « Une personne qui se démotorise, on ne l’encourage pas, tout comme on ne donne pas d’incitatif financier à quelqu’un qui ne possède pas d’auto et qui prend le métro », réagit-elle. Mme Morency estime qu’il faudrait davantage financer les transports en commun et les véhicules partagés étant donné que leur utilisation est largement plus élevée.

Lorsque M. Breton fait référence à l’électrification des transports, il ne parle pas seulement des voitures, mais des autobus, des métros, des camions, des bateaux ou encore des vélos. « L’idée, c’est d’avoir un gouvernement qui met en place des mesures pour encourager le transport électrique sous toutes ses formes et décourager l’auto solo, développe-t-il. Si tout le monde se promène en voiture électrique seul dans sa voiture, on ne règle rien. » D’après lui, encourager une utilisation « intelligente » du véhicule électrique permettra de régler les problèmes de congestion routière et de réduire les émissions de GES et de pollution atmosphérique.

 

1. CIRAIG (2016), « Analyse du cycle de vie comparative des impacts environnementaux potentiels du véhicule électrique et du véhicule conventionnel dans un contexte d’utilisation québécois », rapport technique préparé pour Hydro-Québec.

Partager cet article