La journaliste Marianne Drolet-Paré a accepté d’être la 31e. La 31e à écrire un texte inspiré du Solo 30×30 présenté dans l’Espace Georges-Émile Lapalme de la Place des Arts. Stylo en main, elle s’est jointe, aux trente écrivains d’ici invités par Paul-André Fortier et le Festival international de la littérature (FIL) pour célébrer les trente ans de sa compagnie de création. Anonyme, elle s’est discrètement placée dans la foule le jour de la première, et nous livre ici La valse des pieds pressés.
Je m’assois et j’étire mes jambes. J’aperçois des gens, mais je les oublie aussitôt. Je pianote un texto insignifiant que ma mémoire a déjà échappé. Mon genou sautille comme par magie et ma montre continue ses tics. Je suis prête pour la danse.
Un lourd silence collectif nous oppresse.
Tel un chef d’orchestre, les mouvements de ton corps évoquent un code secret.Une langue étrangère dans un corps familier.
D’un côté, un point d’interrogation.
De l’autre, un point d’exclamation.
Au centre, une phrase dansée à peine audible. Un geste égal à un mot.
J’essaie de saisir le monologue.
Soudain, j’entends une musique. Mon corps devient prisonnier de cette chanson urbaine et d’un coup je me laisse emporter par une valse saccadée.
Un rythme sourd m’entoure.
Suivi des va-et-vient d’un concert souterrain;
les pas des passants,
les talons hauts qui se battent.
les clics-clacs d’une symphonie de sacs,
les verres clinquant au refrain des tchin-tchin et des cheers,
le grondement extérieur des chauffeurs impuissants
les grognements des gens mécontents, et une toux en canon.
Les battements de mon coeur accélèrent la cadence
Et mon genou trépigne toujours, avec la chanson en tête.
Le solo prend fin pour laisser place à la cacophonie habituelle.
Entre en scène un cortège d’inconnus, qui marchent au pas l’un derrière l’autre, sans jamais regarder en arrière.