La tour d’ivoire de Chilly Gonzales

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Par Etienne Galarneau
mardi 9 février 2016
La tour d’ivoire de Chilly Gonzales
Le compositeur et musicien Chilly Gonzales aime repousser les barrières de la musique Crédit photo: chilly gonzales_1 par sarahluv/ CC BY
Le compositeur et musicien Chilly Gonzales aime repousser les barrières de la musique Crédit photo: chilly gonzales_1 par sarahluv/ CC BY
L’artiste Chilly Gonzales a créé une véritable commotion chez les musiciens du milieu universitaire lors de son passage à l’émission Tout le monde en parle, le 1er février dernier. Le pianiste a présenté une vision très réductrice de la composition et de l’état de la musique contemporaine, décrivant aussi l’université comme une « tour d’ivoire ».

Au lendemain de son passage à Tout le monde en parle, Gonzales a été reçu par l’animatrice Catherine Perrin. À cette occasion, il s’est exprimé contre la musique du milieu universitaire, conçue, selon lui, uniquement pour les musiciens et les connaisseurs. Il est donc devenu nécessaire pour lui de se séparer de ce milieu pour « être un homme de son temps ».

Cette critique ressort à de nombreuses reprises et a même été au cœur d’un ouvrage important du sociologue français Pierre-Michel Menger, Le paradoxe du musicien, paru en 1983. Le problème ne repose pas tant dans ce grossissement des critiques déjà présentes dans certains discours universitaires que du discrédit lancé aux écoles d’enseignement supérieur de la musique et de la défense d’une vision occidentale de cet art que nous décortiquerons ici.

Chilly Gonzales a insisté sur le fait que la musique est constituée de douze notes lors de ses deux récentes sorties publiques. Selon lui, on peut trouver des filiations entre Beethoven et Daft Punk grâce à ce dénominateur commun. Catherine Perrin lui a demandé, à ce sujet, si un Papou de Nouvelle-Guinée aurait la même réponse émotive que nous face à ces musiques. Le célèbre pianiste a été incapable de répondre.

Bien que les réactions émotives des Papous face à la musique occidentale crée encore des guerres de clocher entre les champs de l’ethnomusicologie et de la musicologie comparée, il est erroné de dire qu’il n’y a pas de bonne réponse à cette question, comme le soutient Gonzales. Des travaux sur un sujet similaire ont d’ailleurs été menés par la professeure à l’UdeM, Nathalie Fernando, en Afrique centrale. En l’absence d’une réponse adéquate de la part de Gonzales, il semble que le pianiste met tous les enseignements musicaux  universitaires dans le même panier.

La présentatrice l’a talonné au sujet des musiques micro-tonales, explorées autant par les compositeurs issus de la « tour d’ivoire » que par les traditions musicales asiatiques. En refusant de répondre à ces questions, Gonzales évite de traiter des pratiques musicales utilisant plus de douze notes.  

Les critiques envers l’état de la musique contemporaine dans les classes de composition sont, telles que soulignées plus haut, valides et documentées depuis des années. Il apparaît cependant plus efficace de combattre cette stagnation en rendant la musique plus accessible.

La volonté de Chilly Gonzales de vulgariser la musique occidentale est admirable, mais il ne règle pas pour autant le phénomène de la « tour d’ivoire » en rejetant du revers de la main la création contemporaine telle qu’enseignée dans les conservatoires et les universités. Pour réussir à ramener la musique classique à son état de musique « populaire », comme le souhaite le pianiste et compositeur, il faut reconnaître le travail des universitaires, sensibiliser les gens à cet art et, surtout, le rendre accessible à un plus grand public  assoiffé de connaissances.