La résilience communautaire comme porte de sortie à la pandémie

icone Societe
Par Audrey Jeanson
lundi 22 mars 2021
La résilience communautaire comme porte de sortie à la pandémie
Pour Valérie Harvey, la résilience de la société est essentielle afin de se préparer à l'éventualité d'une future crise en développant une "mémoire du risque". Crédit : Viki Mohamad via Unsplash.
Pour Valérie Harvey, la résilience de la société est essentielle afin de se préparer à l'éventualité d'une future crise en développant une "mémoire du risque". Crédit : Viki Mohamad via Unsplash.

Comment la société québécoise s’adapte-t-elle face à la crise sanitaire actuelle ? L’autrice et sociologue Valérie Harvey revient sur le principe de résilience communautaire et sur les effets bénéfiques de ce phénomène.

Quartier Libre (Q.L.) : Qu’est-ce que la résilience communautaire en temps de crise ?

Valérie Harvey (V.H.) : La pandémie nous a fait vivre un moment très difficile, mais ce sera peut-être encore plus difficile après, dans la réadaptation. La résilience communautaire, c’est rebondir, passer à travers les chocs.

Il s’agit de se mettre ensemble pour qu’il y ait le moins d’impact possible. Les sociétés les plus résilientes sont souvent celles qui ont expérimenté des épreuves ensemble, comme celles qui vivent beaucoup de catastrophes naturelles. Elles sont préparées, elles ont une mémoire du risque, elles vont se transmettre ce savoir. Nous, nous ne faisons pas encore partie de ces sociétés-là. La pandémie nous a pris de court, mais pour la prochaine crise, on devrait mieux savoir comment réagir.

Q.L. : Au Québec, avons-nous connu des événements qui ont forgé notre résilience communautaire ?

V.H. : Oui. Par exemple, lors du déluge du Saguenay en 1996, on a vu qu’il y avait un manque de soutien psychologique pour les résidents. Une équipe s’est alors formée pour apporter un soutien aux Saguenéens. C’est cette même équipe qui a servi deux ans plus tard, lors de la crise du verglas. À Montréal, on n’avait pas de soutien psychologique pour les crises, mais au Saguenay, on avait une mémoire du risque, on savait qu’il fallait s’organiser ensemble. C’est donc cette équipe du Saguenay qui s’est déplacée pour aller former une équipe similaire à Montréal.

Maintenant, lors d’événements malheureux, que ce soit une tuerie dans une école ou autre chose, on a ce service d’accompagnement, qui est bien implanté. C’est devenu un automatisme, parce qu’on en a fait l’expérience. On a vu que ça manquait et que c’était essentiel. C’est un bel exemple de résilience, on devient plus fort.

Q.L. : Qu’advient-il d’une société qui ne fait pas preuve de résilience ?

V.HCes sociétés deviennent des sociétés déséquilibrées. Si certains voient que dans la société, on ne se serre pas les coudes, ils vont s’assurer de ne pas être pris de cours lors d’un prochain événement dramatique. D’autres vont devenir survivalistes. Par exemple, ils vont mettre de l’argent de côté, prendre des assurances particulières ou acheter un chalet loin des centres.

Si les gens s’organisent pour s’en sortir seuls, tous les autres vont être livrés à eux-mêmes. À ce moment-là, c’est la loi de la jungle.

Q.L. : Quelles conditions pourraient favoriser la résilience au Québec ?

V.H. : D’abord, il faudra mettre l’accent sur ce qu’on a réussi à faire. On parle beaucoup de ce qu’on n’a pas réussi à faire, mais il faut mettre l’accent sur les gestes de solidarité. Certains ont commencé à faire du bénévolat, les inscriptions aux soins infirmiers viennent d’augmenter, etc. Derrière ça, il y a donc des gens qui veulent s’impliquer.

Ce qui va aussi nous aider à être résilients, c’est de faire un bilan. Par exemple, faire une enquête publique pour éviter de refaire les mêmes erreurs. Il va y avoir d’autres crises, il va y avoir d’autres chocs. Le fait de regarder ce qu’il s’est passé, d’apprendre et de dire qu’on ne veut plus jamais que ça arrive, je pense que ça permet un meilleur départ et d’être un peu plus solidaire.

Q.L. : Dans combien de temps pourra-t-on évaluer notre résilience face à cette pandémie ?

V.H. : Je dirais dans une bonne dizaine d’années, peut-être même dans quinze ou vingt ans.