Culture

Ilrick Duhamel et Audrey-Anne Leblanc dans les studios de CISM 89,3 FM. (Crédit photo : Juliette Diallo)

La relève arrive !

Le 5 octobre dernier, ICI Radio-Canada Télé a diffusé le premier épisode de l’émission Les stagiaires. 24 candidat·e·s aux profils  variés sont réuni·e·s dans les nouveaux locaux de Radio-Canada pour tenter d’obtenir un stage de huit semaines au sein du média et d’y apprendre les rouages du métier de journaliste.

Sous l’œil attentif de deux journalistes bien connu·e·s du public, le chef d’antenne Patrice  Roy et l’animatrice Isabelle Richer, les aspirant·e·s stagiaires sont soumis·e·s à des tests  pour mettre en valeur leurs aptitudes journalistiques. Parmi les épreuves à traverser : une dictée, un test de connaissances générales et une  entrevue avec les deux évaluateur·ice·s. À la fin de l’épisode, les juges doivent choisir seulement six candidat·e·s pour faire partie de la cohorte.

Quatre étudiant·e·s de l’Université de Montréal ont su se démarquer et se tailler une place dans le groupe : Ilrick Duhamel et Sacha-Wilky Merazil, âgés de 28 ans, Audrey-Anne Leblanc, 30 ans et Julia Pagé, 24 ans. Dans les épisodes  suivants, les stagiaires explorent le journalisme sous toutes ses facettes, épaulé·e·s par  différentes têtes d’affiche du diffuseur public comme Gérald Fillion ou Alexis De Lancer. Au programme : production d’un sujet économique, couverture de l’actualité judiciaire et  création d’un grand reportage international.

DES CRAINTES DISSIPÉES

L’émission Les Stagiaires était diffusée tous les jeudis à 20 heures sur ICI Radio-Canada Télé. (Crédit photo : Juliette Diallo)

Audrey-Anne et Sacha admettent avoir fait face à un léger syndrome de l’imposteur en arrivant au camp de sélection. « J’avais peur d’arriver au stage et de réaliser que tous les stagiaires étaient des journalistes, et que je sois le seul à n’avoir jamais travaillé pour un média », avoue Sacha. Malgré quelques expériences médiatiques comme recherchiste au sein de la station  de radio 98,5 FM, Les stagiaires représente sa première expérience en tant que journaliste.

Ses craintes se sont très vite dissipées lorsqu’il  a constaté la diversité des profils des 24 aspirant·e·s stagiaires : un anthropologue-médecin, deux avocates ou encore une sexologue. Les candidat·e·s n’ont en effet pas tous·tes fréquenté les écoles de journalisme, bien au  contraire. 

Audrey-Anne craignait que son manque d’expérience journalistique ne puisse représenter un  obstacle pour elle durant le stage. Elle n’avait jamais travaillé pour un média avant de faire son entrée à Radio-Canada, mais elle éprouvait de l’intérêt pour la communication scientifique. Microbiologiste judiciaire de formation, elle a eu l’occasion de mettre à profit ses aptitudes en communication en produisant des vidéos de vulgarisation scientifique sur TikTok durant le confinement imposé par la pandémie de la COVID-19.

Bien qu’elle étudie à la maîtrise en sciences  politiques et consacre son mémoire au journalisme, Julia Pagé raconte quant à elle avoir  postulé au stage « avec beaucoup de naïveté ». « Je n’avais pas le temps de penser à ce que ça impliquait, et tant mieux », explique celle qui ne s’est rendu compte de l’importance du programme seulement une fois sur place. C’est finalement « la volonté de transparence » de la production vis-à-vis du fonctionnement d’une entreprise médiatique qui l’a convaincue de se lancer réellement dans l’aventure.

Audrey-Anne et Ilrick s’accordent à dire que leur inexpérience a fait d’eux des stagiaires plus candides et ouverts d’esprit lorsqu’est venu le temps de relever certains défis de l’émission. « On ne savait rien, donc on posait toutes les questions qui nous venaient », témoigne Ilrick, qui commençait un doctorat en génie industriel au moment du tournage. « On avait la chance de se pratiquer dans un contexte où on avait le droit de se planter, et ça, c’est rare dans la vie », poursuit-il.

DÉMYSTIFIER LE JOURNALISME

Selon les stagiaires, l’émission va aider le grand public à mieux comprendre les rouages du métier de journaliste. « Il y a de la recherche, il y a de la rigueur, les journalistes parlent longuement à des experts avant d’arriver à un topo de  deux minutes », résume Audrey-Anne. En comprenant mieux la réalité du métier de journaliste,  le public sera en mesure de « mieux critiquer les informations et les sources qu’il reçoit ». Pour Ilrick, le programme pourrait également servir à mieux faire connaître les métiers de l’ombre du journalisme, comme ceux de recherchiste, d’aiguilleur·euse et de chef·fe  de pupitre, ou encore les professions tech- niques comme celle de cadreur·se·s et d’in- génieur·e du son.

Alors que beaucoup de  jeunes se tournent vers les réseaux sociaux et les influenceur·se·s pour s’informer, Sacha croit qu’une émission comme Les stagiaires est  d’autant plus importante dans un contexte de crise des médias. Tous·te·s espèrent que leur passage à l’émission  aidera le public à prendre conscience que le journalisme est un métier accessible à n’importe qui. « Les médias m’ont toujours intrigué, j’aimais la radio, mais dans ma tête, c’était inatteignable sans passer par le cursus régulier de journalisme  ou de communication », confie Ilrick, qui poursuit actuellement ses études à Polytechnique  Montréal.

« C’était d’une intensité folle, ajoute Julia, on a eu accès à un monde parallèle où tout était possible. » Elle retient notamment de son expérience « un avant-goût de ce que le métier de journaliste pourra être quand on aura plus d’expérience », car plusieurs des missions  confiées aux stagiaires ne le sont normalement pas à des débutant·e·s. Sacha pense que les salles de nouvelles en 2023 ont pour intérêt de représenter l’ensemble de la population. « Le fait d’avoir des personnes avec des parcours différents, c’est vraiment  rafraîchissant, explique-t-il. Ça permet d’apporter des nouvelles qui auraient échappé à  certains journalistes ou recherchistes. »

ENTRER DANS LE MOULE MÉDIATIQUE

Le stage a donné aux quatre étudiant·e·s de l’UdeM l’occasion de découvrir le potentiel,  mais aussi les limites des médias dits traditionnels. Habituée des réseaux sociaux, Audrey-Anne craignait les codes quelque peu « rigides » des médias classiques que sont la radio, la télévision et la presse écrite. « C’est justement pour ça que j’ai adoré la semaine  qu’on a faite à RAD [le laboratoire de journalisme de Radio-Canada] », précise-t-elle.

Au cours de celle-ci, les six stagiaires du programme ont pu expérimenter des formats plus  adaptés aux réseaux sociaux : vidéo verticale, stories, montage plus dynamique, etc. Les réseaux sociaux offrent un cadre dans lequel Audrey-Anne se sent plus libre et créative. Par  exemple, sur TikTok, elle peut parler naturellement, sans devoir adopter une voix neutre  comme celle des journalistes de Radio-Canada lorsqu’ils narrent leurs reportages. Elle ne croit pas être en mesure de maîtriser un jour le ton de voix radio-canadien typique.  Ilrick, quant à lui, assume son « petit attachement à la tradition » et croit que le cadre  imposé par les médias traditionnels « est un guide, et qu’on peut s’amuser là-dedans sans trop de problèmes ».

« Ce stage-là m’a ouvert les yeux sur le fait que le journalisme en 2023, ce n’est pas que de l’écrit », souligne-t-il. Il dit s’être découvert un intérêt marqué pour le format vidéo pendant son passage à l’émission. Pour Patrice Roy, impressionné par le niveau des candidat·e·s, que le constat est simple : « la relève est assurée ». « C’est très étonnant, parce que j’ai toujours l’impression que le journalisme est en train de mourir, et visiblement, je  me trompe. », renchérit Isabelle Richer.

Sacha a bon espoir qu’une émission comme Les stagiaires puisse permettre à des jeunes de se lancer dans le journalisme. « Le fait que des jeunes soient dans les salles de nouvelles, ça permettra à la nouvelle génération de voir des gens comme eux aborder des sujets qui les touchent et qui leur parlent », estime-t-il. « J’aurais aimé voir ce genre d’émission quand j’étais adolescent, poursuit Ilrick. Tu réalises que c’est un métier qui est fait pour tout le monde et qu’il n’y a pas qu’un seul chemin pour s’y rendre.« 

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