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La question de genre : un intérêt grandissant

À l’automne 2017, Joëlle Rouleau est embauchée comme professeure au Département d’histoire de l’art et d’études cinématographiques de l’UdeM. Son objectif est d’enseigner la question de genre, dans des cours de cinéma offerts à l’Université, notamment celui intitulé Cinéma, genre et sexualité ou le séminaire de maîtrise Sexualités, genres et cinémas. Les étudiant·e·s, de plus en plus intéressé·e·s par cette question, auraient alors rapidement
démontré leur intérêt.

L’étudiante en première année au baccalauréat en cinéma Amy Rioux ne s’identifie pas aux personnages féminins dans les films et souhaiterait ne plus voir les femmes dans leurs représentations qu’elle juge typiques.
Crédit photo : Mathis Harpham

Un enjeu essentiel en 2022

Cinq ans plus tard, pour l’étudiante en première année au baccalauréat en cinéma Amy Rioux, discuter de la question de genre dans le cadre de son programme est plus que jamais important. Le concept de genre se réfère aux rôles sociaux assignés aux hommes et aux femmes, à leurs comportements, à leurs traits de caractère, aux relations entre ces genres et aux occasions qui se présentent pour chacun d’eux.

Selon Amy Rioux, ce concept est abordé dans certains cours. Le cinéma est un domaine artistique dans lequel il importe, pour elle, de « bâtir une ouverture d’esprit ».

Titulaire d’un baccalauréat en études cinéma-tographiques et littérature comparée obtenu à l’UdeM en 2007, Philippe Grégoire, réalisateur du film Le bruit des moteurs, sorti en février 2022, se souvient que la question de genre n’était pas abordée lorsqu’il était étudiant. « C’est important que l’on soit sensible à cela, et de s’assurer que les gens soient à l’écran, autant les femmes que les minorités visibles et les personnes qui ne s’associent pas comme homme ni femme, estime-t-il. Nous avons besoin de nouvelles histoires qui sont sous-représentées et qui n’ont pas été suffisamment présentes. »

Amy Rioux aimerait aujourd’hui ne plus voir les femmes dans leurs représentations qu’elle juge typiques : prises dans un triangle amoureux, portant systématiquement une robe ou ayant nécessairement des enfants. « Je ne m’identifie pas à ces personnages », déclare-t-elle. En parler est primordial, selon elle, car les étudiant·e·s en apprennent plus sur les questions de genre seulement s’ils ou elles s’y intéressent. Autrement, d’après elle, ces enjeux ne sont pas compris en profondeur.

Des débats en classe

Le chargé de cours Thomas Carrier-Lafleur a invité, dans le cadre de son cours Critique cinématographique, la professeure de littérature de l’Université du Québec à Montréal et essayiste féministe Martine Delvaux. Selon l’étudiante en première année au baccalauréat en cinéma Amy Fiona Ouellette, la conférencière a donné des exemples de la problématique de la représentation des femmes au cinéma qui lui ont ouvert les yeux. « Je pensais que ce n’était pas si pire dans les films », affirme l’étudiante.

Même si, d’après elle, la majorité des enseignant·e·s de première année semblent moins parler de la question de genre, M. Carrier-Lafleur l’aborde régulièrement. Ses cours, Critique cinématographique et Adaptation cinématographique, demeurent toutefois optionnels.

Le conseiller en programme d’études et chargé de cours au Département d’histoire de l’art et d’études cinématographiques de l’UdeM Sébastien Lévesque fait pourtant remarquer que si certains cours reliés directement à la
question de genre sont optionnels à l’UdeM, ceux-ci ne sont pas limités à un nombre d’étudiant·e·s maximal par session. Si, lors d’une session, le nombre de demandes pour assister à l’un d’eux dépasse la capacité du local réservé, il fait une demande pour que le quota soit réévalué afin d’admettre le plus de personnes possible.

Amy Fiona Ouellette et Amy Rioux affirment toutes deux avoir remarqué un intérêt chez la grande majorité de leurs collègues sur la question de genre et de la représentation des femmes. « Dans les cours qui abordent la question de genre, je vois qu’il y a beaucoup de débats, beaucoup de questions et de réactions », constate la première. Bien que les connaissances sur le genre varient d’une personne à l’autre, le sujet se trouverait ainsi au cœur des discussions quand les cours le permettent.

Une question qui s’installe à l’UdeM

Titulaire d’un doctorat en études cinématographiques de l’UdeM, la chargée de cours Julie Ravary-Pilon, qui donne à la session d’hiver le cours Cinéma, genre et sexualité, en alternance avec Mme Rouleau qui le donne à l’automne, se souvient de l’absence de séminaires abordant la question de genre quand elle était encore étudiante, de 2012 à 2017. « J’ai dû faire mon séminaire à McGill, à l’Institute for Gender, Sexuality and Feminist Studies, parce qu’il n’y avait pas de séminaire en études supérieures à l’Université de Montréal en 2014 », précise-t-elle.

Selon elle, ce sujet doit explorer tous les aspects de la représentation de la femme au cinéma devant et derrière la caméra, et ainsi également aborder les réalisatrices, les directrices photo et les productrices.

Depuis 2016, Mme Ravary-Pilon donne aussi le cours Cinéma québécois à l’UdeM et constate des changements chez ses collègues du Département en matière de genre. À travers le choix de films et d’œuvres littéraires, elle affirme que les enseignant·e·s semblent présenter une plus grande parité dans leur plan de cours.

De nouveaux cours

Depuis la session d’hiver 2022, Mme Rouleau offre un nouveau cours optionnel intitulé Le queer et les séries télé. Cette requête daterait d’ailleurs de 2017, au moment de son recrutement à l’UdeM.

Sachant que les questions de genre intéressent selon eux beaucoup d’étudiant·e·s, M. Lévesque et Mme Rouleau annoncent qu’un nouveau cours sera au programme du baccalauréat en cinéma en 2023. « Ce cours s’intéressera aux cinémas dominants et à ceux produits en marge dans une perspective critique et réflexive sur les rapports de pouvoir intrinsèque à la construction d’un langage altérisant », explique Mme Rouleau. « C’est en discussion de rendre
ce cours obligatoire », ajoute son collègue.

Selon la coordonnatrice du Ciné-campus Annie Jussaume-Lavigne, promouvoir et valoriser les femmes au cinéma est au coeur de ses choix dans la programmation du Ciné-campus.
Crédit photo : Mathis Harpham

LA REPRÉSENTATION DES FEMMES AU CINÉ-CAMPUS

En dehors des cours, qu’en est-il du concept de genre au cinéma, et en particulier au Ciné-Campus de l’UdeM ? La coordonnatrice de celui-ci, Annie Jussaume-Lavigne, déclare choisir les films en fonction de thématiques précises et d’événements d’actualité. Le film à l’affiche lors de la semaine de la Journée internationale des droits des femmes ne fait pas écho à cette thématique.

La coordonnatrice du Ciné-Campus garde toutefois en tête l’atteinte de la parité au moment d’effectuer la programmation. Elle affirme choisir des films avec des protagonistes féminines ou réalisés par des femmes. Promouvoir les femmes au cinéma et les valoriser sont, selon elle, au cœur de ses choix pour la programmation du Ciné-Campus. Ayant étudié elle-même dans un programme de cinéma, Mme Jussaume-Lavigne connaît le test de Bechdel, sans pour autant le maîtriser parfaitement. Créé en 1985 par la dessinatrice américaine Alison Bechdel, celui-ci évalue la représentation des femmes dans une œuvre cinématographique. Il repose sur trois critères : le film présente deux femmes nommées (nom et prénom), celles-ci parlent ensemble et leur sujet de discussion n’est pas en lien avec les hommes.

 

 

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