L’Université Stanford, aux États-Unis, a lancé en 2011 ce qui est maintenant reconnu comme le premier CLOM. Selon le dictionnaire Oxford, un CLOM se définit comme un cours offert en ligne gratuitement à un très large public. À l’UdeM, pour chaque tranche de 100 participants, 15 n’ont pas suivi d’études postsecondaires, informe le directeur académique du Centre de pédagogie universitaire de l’UdeM, Bruno Poellhuber.
« Le discours qu’on avait en 2012 sur les CLOM était trop enthousiaste, on pensait que ça allait révolutionner l’enseignement postsecondaire, raconte-t-il. Après ces grandes envolées, on s’est rendu compte que ce ne serait pas le cas. » Il explique qu’il s’agit plutôt d’un format parmis d’autres qui trouve actuellement sa place dans le paysage des cours en ligne.
Un autre type d’étudiant
Un des problèmes centraux des CLOM est le fort taux de décrochage, croit le titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les technologies de l’information et de la communication en éducation Thierry Karsenti. « Dans notre société actuelle, on manque de temps, se désole le professeur. Même dans les grandes universités, comme Harvard et MIT [Massachusetts Institute of Technology], on retrouve des taux de réussite inférieurs à 10 %. » Il ajoute qu’une piste de solution à ce problème est de développer des cursus plus courts.
« On n’a peut-être pas la bonne lunette quand on regarde les taux de diplomation et de réussite, nuance M. Poellhuber. Dans notre équipe de recherche, on n’appelle plus ceux qui s’inscrivent à des CLOM des étudiants. » Les analyses de son équipe ont démontré que la plus grande partie des participants ne se comportent pas comme tels.
En exemple, il expose qu’à l’UdeM, malgré un taux de réussite similaire aux autres universités, plus de la moitié des participants consultent le contenu jusqu’à la fin même s’ils n’obtiennent pas leur diplôme.
L’éducation gratuite comme bande-annonce
« Le principe de base [des CLOM] est très gentil, avance M. Karsenti. On veut offrir des cours gratuits à tout le monde. Mais les universités québécoises n’ont pas les moyens [financiers] de se lancer dans des missions philanthropiques comme ça. » Il explique que dans ce contexte, les CLOM servent entre autres de bande-annonce aux universités pour montrer ce qu’elles ont à offrir.
Le professeur donne l’exemple de l’Université de l’Alberta, qui a créé en 2013 un cours en ligne en lien avec son programme de paléontologie des dinosaures, qui était peu connu. « Qu’est-ce que les étudiants vont faire avec 20 heures de cours [gratuits] sur la paléontologie des dinosaures ? demande le professeur. Cela a fait connaître leur programme et ça a amené beaucoup d’étudiants à s’y inscrire. »
Pour l’étudiante au certificat en santé mentale à l’UdeM Jessica Thiffault, la participation à deux CLOM a permis une transition entre le marché du travail et les bancs d’école. « Je voulais évoluer en tant que personne et intervenante, et j’avais du temps, mais peu d’argent, explique celle qui travaille également comme éducatrice en centre jeunesse. Je pense que participer à des CLOM m’a motivée à me réinscrire à l’université après 14 ans pour terminer mon baccalauréat. »
Laboratoire de pédagogie
Selon M. Poellhuber, les CLOM se sont présentés à l’UdeM comme une terre promise pour introduire des pratiques pédagogiques innovantes. « Ce n’était pas parfaitement clair ce qu’on avait à l’esprit à ce moment-là, c’était plus quelque chose qu’on pressentait », admet-il. Celui qui a produit un cours de ce type soulève que les professeurs réutilisent souvent du matériel et des techniques acquis lors de la production et l’encadrement de CLOM dans leurs cours traditionnels.
« On permet à la fois à des professeurs et à des étudiants de s’exercer dans la formation à distance, avance M. Karsenti. On peut étudier la chose et voir ce qui fonctionne, et ce qui fonctionne moins bien. » Il précise qu’avec des milliers d’apprenants, il est possible et intéressant de tester de nouvelles stratégies d’apprentissage.
Valoriser la recherche
Pour M. Poellhuber, un des objectifs en lançant les CLOM à l’UdeM était de valoriser et d’internationaliser certaines recherches de la communauté universitaire. « On sentait qu’on pourrait identifier des créneaux, des personnes, des équipes faisant des choses extraordinaires, expose le directeur académique. On pourrait leur offrir une couverture médiatique importante à l’internationale, et faire connaître leurs travaux à un grand nombre de personnes. »
La directrice du Département de médecine de famille et de médecine d’urgence, Nathalie Caire Fon, a produit l’un des deux premiers CLOM de l’UdeM. « Cela a vraiment permis de faire rayonner la recherche, estime-t-elle. C’est un excellent outil de transfert de connaissances. »
La professeure note que son cours sur la modélisation du raisonnement clinique a eu un effet beaucoup plus large que s’il n’avait bénéficié que d’une publication scientifique. Elle se réjouit de voir que le CLOM a permis de vulgariser son propos et de le rendre accessible à des gens l’appliquant « sur le terrain », dans les milieux d’enseignement.