La pilule de trop

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Par Thomas Martin
lundi 22 janvier 2018
La pilule de trop
Chaque jour, 21 Canadiens sur 1 000 prennent des antibiotiques. (Illustration : Jèsybèle Cyr)
Chaque jour, 21 Canadiens sur 1 000 prennent des antibiotiques. (Illustration : Jèsybèle Cyr)
Les professionnels de la santé s’inquiètent de la prise trop fréquente d’antibiotiques chez les patients canadiens. Pour solutionner ce problème, des initiatives se mettent en place.

L’Association des étudiants en pharmacie de l’UdeM (AÉPUM) certifie que les étudiants sont préoccupés par cet enjeu. « Dans nos cours, que ce soit en infectiologie, en dermatologie ou autres, la problématique de la surconsommation d’antibiotiques est présente et nous en sommes conscients et sensibilisés », assure l’exécutif de l’Association.

L’AÉPUM soutient qu’il s’agit d’un problème concernant tous les professionnels de la santé, mais que certains efforts pourraient être faits. « Les pharmaciens collaborent avec les médecins et pourraient même le faire davantage afin de s’assurer que le traitement est adéquat et nécessaire pour les patients », reconnaît l’Association. Les pharmaciens ont également un rôle de triage à jouer lorsqu’un patient se présente en pharmacie pour des conseils de santé, ajoute l’exécutif.

Des étudiants sensibilisés

« Je suis très impliqué dans l’enseignement et la pratique clinique, et l’intérêt dont mes étudiants font preuve est formidable par rapport à ce défi-là, se réjouit le professeur à la Faculté de pharmacie de l’UdeM Daniel Thirion. Parfois, les étudiants de premier cycle sont même tellement intéressés qu’ils vont en avant des interventions, font des choix un peu moins réfléchis et les fruits ne sont pas ceux qu’ils espèrent. »

Le professeur assure que les étudiants sont bien préparés à affronter cette problématique. « Selon moi, les étudiants que nous formons sont très compétents, confie-t-il. On leur donne les outils pour qu’ils puissent continuer à apprendre dans leur vie professionnelle. Ils ont des connaissances et certaines aptitudes quand ils graduent et, par la suite, ils vont continuer à apprendre au contact des patients. »

Des cours pour tous les programmes

Certains cours du programme de baccalauréat en sciences pharmaceutiques évoquent cette problématique, d’après M. Thirion. « Les étudiants ont quelques heures de cours sur la pharmacologie des antibiotiques, expliquetil. Un des objectifs d’apprentissage est la résistance aux antibiotiques et ses conséquences. Ils apprennent à innover face aux défis que l’humanité rencontre. »

« Le programme de maîtrise en pratique pharmaceutique, destiné aux étudiants qui veulent travailler dans les établissements de santé, dispose également de cours sur la résistance », poursuit le professeur.

Pour les futurs pharmaciens qui effectuent un doctorat en pharmacie, le sujet est également couvert, selon M. Thirion. « Neuf crédits sont alloués au traitement des infections, avec des objectifs d’apprentissage portant sur l’usage approprié des antimicrobiens, détaille-t-il. Dans ces cours, ils ont l’opportunité d’apprendre comment utiliser les antibiotiques de manière adéquate », ajoute-t-il.

Une initiative nationale

L’initiative Choisir avec soin est récemment née du fruit de la collaboration de professionnels de la santé. Cette campagne nationale devrait être lancée en avril prochain, selon le médecin responsable de la gestion des antimicrobiens et directeur médical du contrôle et de la prévention des infections au Centre des sciences de la santé Sunnybrook, à Toronto, le Dr Jérôme Leis. « On constate l’émergence de la résistance aux antibiotiques et c’est un problème majeur de santé publique, s’inquiète-t-il. Le changement dans la pratique n’a pas encore été effectué. Dans certains cas, les praticiens ne sont pas à jour sur les recherches, mais ce n’est pas le facteur principal. » D’après lui, c’est avant tout auprès des patients qu’il faut agir pour changer les mentalités.

Pour le Dr Leis, il faut que les praticiens et les patients soient mieux sensibilisés à cet enjeu, et doivent offrir différents types de traitements. Il estime que les pharmaciens ont un rôle à jouer dans ce processus. « Des programmes ont été mis en place dans les hôpitaux canadiens pour surveiller la prise d’antibiotiques, afin d’optimiser leur utilisation, expliquetil. Les pharmaciens jouent un rôle principal dans ce programme. »

Quant à l’opportunité d’incorporer des étudiants au projet, le médecin-chef pense que l’idée est bonne, mais la campagne n’en étant qu’à ses débuts, rien n’a encore été prévu de ce côté.