La neutralité des chercheurs sur la 5G

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Par Edouard Ampuy
vendredi 6 mars 2020
La neutralité des chercheurs sur la 5G
Les États-Unis ont exclu l’entreprise Huawei du déploiement de la 5G sur leur sol, invoquant des risques d’espionnage, et ils tentent de convaincre leurs alliés de suivre leur exemple. Image par ADMC de Pixabay
Les États-Unis ont exclu l’entreprise Huawei du déploiement de la 5G sur leur sol, invoquant des risques d’espionnage, et ils tentent de convaincre leurs alliés de suivre leur exemple. Image par ADMC de Pixabay
Allégations d’espionnage et possible danger pour la sécurité nationale, pour la santé ou pour l’environnement, la 5G soulève de nombreuses questions. Face au bruit médiatique, des chercheurs de Polytechnique Montréal, qui explorent les réseaux mobiles de cinquième génération, expliquent vouloir rester loin des discussions politisées et se concentrer sur leurs recherches.

Contrairement aux États-Unis, à la Nouvelle-Zélande ou à l’Australie, qui ont décidé de bannir Huawei de leur déploiement national du réseau 5G, le Canada est encore hésitant et devrait prendre une décision sur le sujet d’ici la fin de l’année. Selon un sondage de l’institut Angus Reid publié en février, 56 % des Canadiens estiment que le Canada devrait interdire une participation de l’entreprise chinoise dans ce déploiement technologique.

La Chaire de recherche industrielle sur les technologies sans fil de l’avenir CRSNG/Huawei de Polytechnique Montréal, créée en 2016, a reçu en 2017 un investissement de 2,45 millions de dollars offert par le Centre de recherche de Huawei Canada.

Le titulaire de la Chaire, Ke Wu, explique que si le Canada venait à couper les liens avec l’entreprise chinoise, son programme de recherche ne sera pas affecté. « La Chaire sert à appuyer mes activités de recherches, détaille-t-il. Si elle se termine, mes activités continuent, juste avec d’autres fonds. »

 

Trouver une alternative

Wu précise que si ce scénario se réalise et que le Canada exclut Huawei, le problème des chercheurs dans le domaine sera de trouver une alternative pour le financement de la recherche. « Imaginons que le gouvernement arrête de collaborer avec Huawei, si à ce moment-là, un autre partenaire se manifeste, il sera le bienvenu pour travailler avec nous », indique-t-il.

Le titulaire de la Chaire rappelle que les chercheurs travaillent à développer l’éducation des étudiants, à acquérir des connaissances et à publier tous les résultats afin qu’ils soient accessibles. « Nous travaillons uniquement sur l’aspect fondamental, nous ne développons pas un produit, précise M. Wu. On crée de la connaissance, qui peut ensuite être utilisée par tous. »

 

Avis sur les controverses

L’étudiant au doctorat et assistant de recherche à Polytechnique Montréal Amir Afshani préfère voir les conflits internationaux autour de la 5G d’une manière positive. « Je n’appellerais pas ça des conflits, mais plutôt une course* », révèle-t-il.

Il compare la situation actuelle à la course à l’espace entre les États-Unis et l’URSS lors de la Guerre froide. « Au final, cela a apporté beaucoup d’avantages technologiques, car les chercheurs et les scientifiques ont pu travailler au meilleur de leurs capacités », affirme le doctorant.

Les États-Unis ont exclu l’entreprise Huawei du déploiement de la 5G sur leur sol, invoquant des risques d’espionnage, et ils tentent de convaincre leurs alliés de suivre leur exemple. M. Wu et Amir restent neutres face à ces allégations envers l’entreprise chinoise, soutenant qu’il n’existe pas de preuve qui permette de porter ces accusations. « Nous, les universitaires, nous sommes neutres, déclare M. Wu. Je ne veux pas que la politique rentre dans le programme de recherche, sinon, ce n’est plus de la recherche. »

 

5G, santé et environnement

En 2017, plus de 180 scientifiques et médecins de 36 pays ont lancé un appel à l’Union européenne pour mettre en garde contre les potentiels dangers de la 5G, qui pourraient entraîner une augmentation massive de l’exposition involontaire aux rayonnements électromagnétiques.

Selon M. Wu, ces constats ne se basent sur aucun fait scientifique. « Il y a trop d’imagination sur les dangers de la 5G, avance-t-il. Avant la 5 G, on avait déjà la 1 G, puis on a eu jusqu’à la 4 G, et est-ce que ça a affecté la santé ? »

Amir ajoute que ces débats sont fréquents avec les nouvelles avancées technologiques. « Ce type de débats n’entourent pas que la 5G, mais la technologie en général, concède-t-il. Il y a, par exemple, le même genre de question avec l’évolution de l’I.A. »

M. Wu fait un parallèle avec Internet en rappelant que ce progrès n’apporte pas que du bon, mais que la société l’a adopté. Pour Amir, les avantages qui découleront de cette technologie, tels qu’un meilleur accès aux soins ou des voitures autonomes, sont supérieurs aux inconvénients.

 

*Traduit de l’anglais

ENCADRE 01 : Le débat national

Le mémoire de la Ville de Montréal sur L’Examen des services sans fil mobiles indique qu’en 2017, des citoyens canadiens ont interpellé Santé Canada par le biais d’une pétition, pour l’interroger sur les conséquences possibles de la 5 G et sur les règles actuelles qui balisent son utilisation. « L’organisme fédéral a répondu que selon les études qu’il a consultées pour établir les normes en vigueur, les Canadiens n’ont pas à s’inquiéter, peut-on lire. Santé Canada s’appuyait alors sur une large revue de la littérature scientifique sur ce sujet. »

Les municipalités rappellent qu’en 2019, Bruxelles est devenue la première grande ville à interrompre la 5 G en raison de ses potentiels risques sur la santé. Elles interpellent Santé Canada sur cette propagation prochaine des ondes millimétriques et demandent si l’organisme est appuyé par un rapport ou une étude scientifique pour affirmer que les Canadiens ne doivent pas s’inquiéter.