L’œuvre de l’étudiante au baccalauréat en musiques numériques Léa Boudreau repose sur le circuit bending (ou « déviation expérimentale de circuits », voir encadré), une technique où le son émane de circuits imprimés. Dans son cas, il provient de peluches Elmo rouges. « Le but est de prendre le son de jouets électroniques et de le traiter ou de créer de nouvelles connexions directement sur le circuit, déclare-t-elle. On cherche d’autres résultats sonores. »
Il est important pour l’étudiante que le visuel ne soit qu’un soutien à la musique. Elle a ainsi choisi, pour sa troisième participation au concert, de ne pas ajouter de projections d’images ou de vidéos. « L’image prend beaucoup le dessus, justifie-t-elle. On est plus facilement influencé par une image que par un son. »
Donner du sens
L’enseignant en musique visuelle de l’UdeM Patrick Saint-Denis tente d’expliquer cette prépondérance de l’image sur le son. « On vit dans un monde dominé par le sens, déclare-t-il. La musique est la discipline artistique la plus abstraite. Le sens lui colle moins, alors qu’il colle aux images. Elles le véhiculent plus facilement que la musique. »
Pour le professeur, l’idée de lier la musique à un support visuel, tel que des lumières, des images ou des vidéos, n’est pas nouvelle. « Ça fait très longtemps qu’en musique, il y a une recherche au niveau de la correspondance des sens entre le son et l’image », note M. Saint-Denis. Il ajoute que si les liens entre le son et la lumière remontent jusqu’aux pythagoriciens (500 av. J.-C.), ce n’est qu’avec l’arrivée de l’électricité qu’une réelle articulation a pu s’expérimenter.
Il indique également qu’à la fin du 19e siècle, le peintre Alexander Rimington a présenté son « Orgue à couleurs », et que dans les années 1940, le réalisateur allemand Oskar Fischinger a inventé le « Lumigraph », deux créations qui ont permis d’accompagner la musique en jouant avec la lumière. « La musique visuelle est une cohabitation entre l’image et le son, mais qui n’est pas au service d’une narration, comme ça peut l’être au cinéma », précise M. Saint-Denis. Cette correspondance de formes musicales et visuelles se nomme isomorphie.
Les Constellations dynamiques
En 2005, l’artiste interdisciplinaire Johnny Ranger a élaboré le projet des Constellations dynamiques. Sa création interdisciplinaire et multimédia a allié danse, musique en direct et vidéo. Le tout devait suivre le rythme narratif non linéaire des images projetées. « La chorégraphie s’adaptait au visuel, les musiciens aussi, se souvient-il. J’apprécie d’avoir une esthétique, un langage [visuel] qui peut se marier à la musique. Je trouve ça très fort. » L’artiste apprécie le mélange de l’abstraction et de la figuration, qui créé pour lui un langage subtil et poétique.
Une nouvelle série de concerts Ultrasons aura lieu à la fin du mois d’avril 2019. « C’est très important, parce que ça nous permet de présenter ce sur quoi nous avons travaillé avec acharnement pendant une session », explique Léa à propos de l’évènement. Une occasion pour les étudiants comme les spectateurs de continuer à explorer les différentes relations entre le son et l’image.