La machine éditoriale France-Québec

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vendredi 1 avril 2016
La machine éditoriale France-Québec
La librairie québécoise à Paris. (photo : courtoisie Michel Altman)
La librairie québécoise à Paris. (photo : courtoisie Michel Altman)
Les maisons d’édition ont longtemps souffert de leur réputation : hermétiques aux nouvelles venues, leurs restrictions ont entraîné la perte de milliers de manuscrits, précipités dans les poubelles des éditeurs. Cette réalité, néanmoins, sévit surtout en France. Qu'en est-il du Québec ?

Ce n’est plus un secret, les éditions françaises pâtissent de leur sévérité, et ceci au péril des écrivains de l’ombre qui, faute d’être lus un jour, ne verront jamais leur livre publié. Encore aujourd’hui, la machine éditoriale française boude les premiers romans, de peur, sans doute, d’un échec marketing. Alors elle se rabat sur les habitués de la maison, ces vedettes du Goncourt qui, par amour des codes et du livre « bien fait », nous tricotent des phrases à rallonge. Très heureusement pour nous, les avocats du livre sont là. Et par là, je veux dire le Québec, grand défenseur des droits et plus spécialement de la langue française.

De pratique flexible, l’édition québécoise accueille les nouveaux talents sans crâner, une belle récompense pour ces jeunes auteurs francophones. Et pour cause ! La maison éditoriale ne fait pas état de leur parcours : plume experte ou novice, grand patron ou enfant de province, peu importe, tant que le talent est là.

Cet esprit d’ouverture transparaît notamment aux remises des prix littéraires. Cette année, le Grand prix littéraire Archambault 2015 a été décerné à David Goudreault, un jeune auteur québécois qui publiait son premier roman, La bête à sa mère. En France néanmoins, les sélections se font religieusement et les prix sont souvent attribués à de grands noms, comme Delphine de Vigan qui recevait, la même année, le Goncourt des lycéens pour son livre D’après une histoire vraie.  

Le Québec se démarque par son esprit d’ouverture et son fort engagement pour la littérature française. On y retrouve des livres avant-gardistes et une grande collection de genres, allant du livre fantastique à celui de science-fiction. La Belle Province n’a pas peur d’investir dans ce qui est nouveau ni de verser dans la diversité littéraire. Ceci, malheureusement, ne fait pas toujours écho en Europe. En France, en Suisse ou en Belgique, la littérature québécoise demeure sous-représentée. Ceux-là préfèrent s’en remettre à leurs auteurs et empocher les succès mondiaux, laissant le Québec dans l’ombre. Paresse de libraire ou mépris nationaliste ? La sanction est sévère : en France, une seule librairie parisienne, La librairie du Québec, se consacre au livre québécois (et seulement au livre québécois).

La publication au Québec néanmoins, comme partout ailleurs, cache aussi ses travers et peut faire appel à d’étonnantes pratiques. Certains écrivains, par exemple, épuisent leur porte-monnaie à des fins de publication. Christine Labrecque, auteure de Sarah, fille de dragon (2013), fait partie de ceux-là : pour que son rêve se réalise enfin, elle fut contrainte d’écouler elle-même les 400 premiers exemplaires de son livre pour couvrir les frais de son éditeur. Une pratique largement contestable et pouvant vite tourner à l’escroquerie.

Mais le Québec n’a pas dit son dernier mot ! Malgré une exportation lente, la littérature québécoise se fraye de plus un plus un chemin jusqu’à l’étranger, défiant les stéréotypes et offrant un regard neuf sur sa culture. Bien plus qu’une littérature de terroir, son ouverture sur le monde témoigne d’une littérature richement engagée, reconnue pour sa qualité et son bon français.

Un bel avenir qui s’annonce, donc, pour le Québec et les auteurs qui souhaiteraient, peut-être un jour, se faire publier !