La liberté universitaire encadrée par un nouveau projet de loi

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Par Paul Fontaine
lundi 11 avril 2022
La liberté universitaire encadrée par un nouveau projet de loi
Lors de l'adoption du projet de loi, les universités du Québec disposeront d'un an pour mettre en place une politique sur la liberté d'expression en contexte d'enseignement et de recherche. Photo : Edwin Andrade, unsplash.com.
Lors de l'adoption du projet de loi, les universités du Québec disposeront d'un an pour mettre en place une politique sur la liberté d'expression en contexte d'enseignement et de recherche. Photo : Edwin Andrade, unsplash.com.

La ministre québécoise de l’Enseignement supérieur, Danielle McCann, a déposé son projet de loi sur la liberté d’expression dans le milieu universitaire ce mercredi 6 avril. Cette première mouture législative compte certaines obligations envers les universités, qui pourraient mettre à mal leur principe d’autonomie institutionnelle.

Lors de la présentation du projet de loi 32, la ministre McCann a réitéré l’importance d’empêcher la censure et de permettre l’utilisation de tous les mots, même de ceux qui peuvent choquer, afin de favoriser les débats dans un contexte pédagogique. « La censure n’a pas sa place dans nos salles de classe », a-t-elle déclaré par voie de communiqué.

C’est pourquoi le texte de loi prévoit obliger les établissements d’enseignement à adopter une « politique portant exclusivement sur la liberté académique universitaire ». Celle-ci doit contenir des éléments édictés par le Ministère, dont la constitution d’un comité chargé de traiter des plaintes portant sur une atteinte au droit à la liberté universitaire.

De potentielles atteintes à l’autonomie des universités

Outre cette obligation, l’article 6 du projet de loi accorde à la ministre de l’Enseignement supérieur le pouvoir « d’ordonner à un établissement d’enseignement de prévoir dans sa politique tout élément qu’il indique ».

La Fédération nationale des enseignantes et des enseignants du Québec (FNEEQ-CSN), qui représente 85 % des chargé·e·s de cours des universités québécoises, estime que cette dernière disposition constitue « une menace sérieuse à l’autonomie et à la liberté universitaire ». Elle s’inquiète de la portée de ces pouvoirs que la ministre s’attribue. « Par exemple, la ministre disposerait-elle d’une forme de veto ou pourrait-elle dicter des correctifs à la politique d’un établissement qui ne serait pas conforme à ses valeurs ? », soulève-t-elle.

La position inchangée de l’UdeM

L’attachée de presse de l’UdeM, Julie Cordeau-Gazaille, rappelle que la position de l’Université n’a pas changé depuis son passage à la commission Cloutier. « Il n’est pas nécessaire ni opportun d’adopter un texte législatif par lequel le gouvernement détermine pour les universités le contenu de la liberté académique et les moyens par lesquels elle doit être protégée, souligne-t-elle. L’intervention législative pour imposer l’uniformité de traitement par rapport à un sujet qui est au cœur même de la vie académique de chaque université est un bien mauvais précédent. »

En juin 2021, l’assemblée universitaire de l’UdeM avait adopté à l’unanimité un énoncé de principes sur la liberté d’expression en milieu universitaire. « Nous sommes toujours d’avis que l’Université a en mains toutes les ressources pour protéger et promouvoir cette valeur fondamentale », soutient Mme Cordeau-Gazaille.