La jeunesse s’active au municipal

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Par Marie-Ève Buisson
mercredi 3 novembre 2021
La jeunesse s'active au municipal
Soir de débat au campus MIL. Photo : Marie-Ève Buisson
Soir de débat au campus MIL. Photo : Marie-Ève Buisson
La politique municipale souffre d’un manque de popularité chez les personnes âgées de 18 à 35 ans. Certaines d’entre elles développent néanmoins un goût pour la vie démocratique au municipal. Que ce soit en intégrant des groupes jeunesse, des simulations politiques ou l’organisation d’événements, leur but est le même : inciter les jeunes à voter et demander aux élus de prendre en compte leurs besoins.
« La politique municipale souffre de la comparaison avec la politique fédérale et provinciale. »
Benjamin Herrera, président du CjM et étudiant à la maîtrise en droit à l’UdeM.

Environ 30 % des jeunes âgés de 18 à 35 ans ont voté aux dernières élections municipales de Montréal, selon Élections Montréal. Si le taux de participation chez les personnes dans cette tranche d’âge était faible, plusieurs d’entre elles trouvent néanmoins une façon de participer activement à la vie politique municipale. S’impliquer d’une manière non partisane pourrait, d’après des groupes jeunesse, encourager les partis politiques à prendre en compte les besoins des jeunes et de la communauté étudiante.

Au cours d’une entrevue avec Quartier Libre dans le Vieux-Montréal, le président du Conseil jeunesse de Montréal (CjM), Benjamin Herrera, également étudiant à la maîtrise en droit à l’UdeM, explique qu’écouter les propositions de la jeunesse montréalaise est essentiel. Le CjM est une instance composée de 15 membres de 16 à 30 ans qui conseillent la Ville sur les préoccupations des jeunes. À travers des études, des recommandations ou encore l’organisation d’événements, il suggère des solutions au parti au pouvoir.

Benjamin Herrera, président du CjM et étudiant à la maîtrise en droit à l’UdeM. Photo : Marie-Ève Buisson.

« Non seulement nous savons que les recommandations sont lues, mais, en plus, il y a une obligation de répondre aux avis qui est prévue dans notre règlement, précise M. Herrera. Le conseil municipal est obligé de répondre. » La participation des membres se veut non partisane afin de rester neutre face aux partis. « Nous devons nous assurer de maintenir cette balance de non-partisanerie parce que nous ne pouvons pas nous permettre en tant que conseil de brûler nos ponts avec un des deux partis majeurs ou des élus indépendants », ajoute-t-il.

Simuler pour mieux comprendre

Pour la membre du Comité de la direction au Jeune Conseil de Montréal (JCM) Claire Duclos, titulaire d’un baccalauréat en droit obtenu à l’UdeM en 2019, les simulations parlementaires sont par ailleurs de bonnes écoles pour mieux comprendre le pouvoir municipal. Le JCM rassemble des jeunes de 18 à 30 ans qui reproduisent le fonctionnement du conseil municipal de Montréal.

« La majorité des personnes qui participent connaissent très peu le milieu municipal, souligne Mme Duclos. Moi-même, en m’inscrivant, je ne connaissais pas tant ce milieu. » Cette simulation, qui se déroule pendant trois jours à l’hôtel de ville, permet non seulement aux jeunes de comprendre la politique municipale, mais aussi d’avoir des contacts avec les élus. « Ils n’assistent pas à nos débats, mais nous pouvons discuter avec eux durant les pauses et échanger sur la politique », nuance-t-elle.

Une politique méconnue des jeunes

Parmi les étudiants et étudiantes qui s’impliquent dans la vie politique municipale, plusieurs croient que le désintérêt des jeunes pour la vie démocratique s’explique par une faible connaissance des instances municipales. « La politique municipale est moins rapportée dans les médias, avance M. Herrera. Entre une annonce de François Legault et une annonce de la mairesse de Montréal, les médias priorisent ce qui se passe au provincial. La politique municipale souffre de la comparaison avec la politique fédérale et provinciale. »

Pour Mme Duclos, qui incarne la mairesse lors des simulations, la politique municipale est, en effet, moins populaire chez les jeunes en raison d’un manque de médiatisation. « La politique municipale est moins présente dans les médias et elle peut sembler moins attrayante que la politique provinciale et fédérale », estime-t-elle.

Fatima Hariri, étudiante en première année au baccalauréat en criminologie et participante au JCM. Photo : Marie-Ève Buisson.

L’étudiante en première année au baccalauréat en criminologie Fatima Hariri partage le même avis et affirme qu’elle ne connaissait pas la politique municipale avant d’intégrer le JCM en 2020. Grâce aux simulations, elle comprend aujourd’hui l’importance de participer à la vie démocratique. « Maintenant, quand on me parle du conseil de ville, je sais ce que ça veut dire parce que je l’ai « expérimenté », explique-t-elle. Dans la simulation, il y a des sujets qui n’ont aucun rapport avec le fédéral et le provincial, et qui touchent un aspect de la municipalité. »

Maintenant qu’elle a fait l’expérience de cette simulation parlementaire municipale, Fatima encourage ses camarades à s’intéresser aux élections municipales. « Ça me tient vraiment à coeur maintenant, s’exclame-t-elle. Aux personnes de mon entourage qui ne savent pas [que nous sommes en élection], je leur dis : « Non, non, non, allez voter pour le municipal ! » »

Une politique du quotidien

Claire Duclos, administratrice au Comité de direction du JCM et bachelière en droit de l’UdeM. Photo : Courtoisie JCM.

Selon l’étudiant à la maîtrise en administration des affaires à HEC Montréal et ancien membre du CjM Omid Danesh, la politique municipale est celle qui est la plus facile d’approche. « C’est la politique la plus simple et la plus honnête qui te touche, résume-t-il. Tu n’as pas besoin d’avoir un baccalauréat en économie, c’est accessible et c’est simple à comprendre. »

Le coordonnateur de recherche à l’Institut du journalisme d’enquête de l’Université Concordia, Michael Wrobel, également membre du CjM, partage l’opinion d’Omid Danesh. « Je dirais que c’est la mairesse ou le maire de la ville de Montréal qui représente le plus les Montréalais, affirme-t-il. Il ou elle a le mandat le plus concret, le plus solide parmi tous les élus. […] La personne à ce poste a vraiment un pouvoir de représentativité important pour défendre nos intérêts. »

C’est la raison pour laquelle Mme Duclos pense que les jeunes doivent participer à la vie municipale. « Je crois effectivement que des initiatives comme le Conseil jeunesse ou des simulations parlementaires, qui sont des endroits où des jeunes peuvent se faire entendre et s’exprimer sur des enjeux qui les touchent, les met en contact avec la réalité de la Ville », précise-t-elle.

Les priorités jeunesse aux débats municipaux

Dans cette optique, plusieurs étudiants, étudiantes et jeunes se sont rassemblés le 12 octobre dernier au campus MIL afin d’assister à un débat municipal qui leur était dédié. L’événement, qui affichait complet, était organisé par six organismes jeunesse impatients d’entendre discourir certains candidats à la mairie de Montréal : Valérie Plante, Denis Coderre, Balarama Holness et Gilbert Thibodeau.

Soir de débat au campus MIL. Photo : Marie-Ève Buisson.

Les organisateurs, parmi lesquels le CjM, le Forum jeunesse de l’île de Montréal et la FAÉCUM, désiraient offrir une place à des enjeux liés à la jeunesse et parfois ignorés des débats municipaux. Les personnes candidates à la mairie ont ainsi répondu à des questions portant sur l’inclusion, le logement, les transports, l’environnement et la place des jeunes. « Les questions ont à la fois été soumises par des jeunes et par nos membres, se réjouit Benjamin Herrera. Je pense que c’est vraiment un bel événement pour la jeunesse montréalaise. »

Le recteur de l’Université de Montréal, Daniel Jutras, se dit touché de voir la communauté udemienne coordonner un événement d’une telle ampleur. « Les jeunes que je croise veulent avoir de l’influence, veulent s’investir dans la vie politique, veulent surtout offrir de nouvelles solutions aux grands enjeux de notre temps, a-t-il déclaré devant la foule au début du débat municipal. C’est en posant des questions, évidemment, que l’on obtient des réponses et qu’on a de l’influence. »

De toute évidence, la jeunesse montréalaise a ses chefs de file, qui tiennent à ce que les élus municipaux soient à son écoute, comme l’a mentionné le président du Forum jeunesse de l’île de Montréal, Powen-Alexandre Morin, également étudiant au doctorat en communication à l’UQAM, à l’occasion du discours d’ouverture. « Nous espérons que les personnes candidates à la mairie et la personne qui sera ultimement le maire ou la mairesse verront cet événement comme l’ouverture d’un dialogue avec les jeunes, a-t-il annoncé. Un dialogue qui devra se poursuivre tout au long de son mandat, afin de s’assurer que les jeunes soient au coeur des prises de décision. »

 

Note de la rédaction : Une citation de Fatima Hariri (celle débutant pas « Les personnes de mon entourage […] ») a mal été rapportée dans la version papier. Les propos suggéraient faussement que personne dans l’entourage de Fatima Hariri ne savait que des élections municipales ont lieu. De plus, dans la version papier, il est indiqué que le Jeune Conseil de Montréal a organisé le Débat municipal. C’est une erreur. Nous avons apporté les corrections nécessaires dans la présente version.