La guerre au paranormal

icone Societe
Par Aude.Garachon
mercredi 9 février 2011
La guerre au paranormal
Crédit: Toma Iczkovits

«Pour examiner la vérité, il est besoin, une fois dans sa vie, de mettre toute chose en doute autant qu’il se peut. » Cette maxime de Descartes pourrait très bien servir de slogan à l’Association des Sceptiques du Québec. Rencontre avec leur président, Louis Dubé.

Rencontrer le président des Sceptiques du Québec dans un McDonald’s à 10 heures du matin peut s’avérer être une expérience très dépaysante. Ancien ingénieur aux Chemins de fers nationaux du Canada, Louis Dubé a pris sa retraite en 2000. Sceptique, il l’est depuis longtemps. Ses modèles ? Martin Gardner, l’un des fondateurs du scepticisme américain, ou encore Bertrand Russel et son ouvrage Why I Am Not a Christian. Il rejoint ainsi naturellement le mouvement sceptique du Québec en 1998 et en devient le président en 2003, « pour contribuer plus concrètement à ma mission d’améliorer l’esprit critique des membres et du public».

Les Sceptiques du Québec est une organisation à but non lucratif fondée en 1987. Ses objectifs ? Promouvoir la pensée critique et la rigueur scientifique. Il existe des organisations semblables aux États- Unis et en France avec l’observatoire Zététique. Ce type d’association a vu le jour en 1949 avec le Comité Para belge. Aujourd’hui, plus de 80 groupes de Sceptiques sont recensés à travers le monde.

Tout le monde y passe

Voyants, astrologues, guérisseurs, etc. Les principales cibles des Sceptiques ont rapport au paranormal. Afin de servir la pensée rationnelle, les Sceptiques s’appuient donc sur une méthode scientifique pour déterminer jusqu’à quel point un phénomène est justifié par les faits. Louis Dubé explique: «Un fait n’est jamais complètement justifié, mais il l’est de façon raisonnable quand les personnes peuvent reproduire une expérience semblable à plusieurs reprises.»

Ainsi, afin de tester les pouvoirs paranormaux de leurs compatriotes, les Sceptiques organisent des défis, où lesdits alchimistes et autres envoûteurs doivent prouver leurs dons devant un jury. Évidemment, peu de personnes ont le courage de tester leurs aptitudes. En effet, toute une procédure doit être suivie à la lettre, et être signée par les deux partis avant l’expérience. Ainsi, dernièrement, un rebouteux est venu tester ses pouvoirs. Louis Dubé lui présente une femme qui a une jambe plus longue que l’autre de deux centimètres. Le rebouteux prétend alors être en mesure de réduire cette différence. Une marque est inscrite au niveau des tibias de la patiente. Après l’action du guérisseur, la marque n’a pas changé d’un millimètre, mais celuici prétend que c’est au niveau des hanches que le changement a eu lieu.

Le 11 septembre

Aussi dans la ligne de mire des Sceptiques, les théories du complot en tout genre. Louis Dubé est d’ailleurs souvent questionné quant à la véracité des thèses relatives au 11 septembre 2001. Selon ces théories, ce ne serait pas les terroristes dans l’avion qui auraient fait tomber les tours. Des gens auraient fait dynamiter les tours de l’intérieur. Selon Louis Dubé, il est facile de contredire ces théories. «Il suffit de trouver un argument massue. En l’occurrence, tout le monde a vu les tours s’écrouler à partir de l’étage précis où l’avion les a frappées. On peut en conclure que l’effondrement des tours est la faute des avions. Quand on me pose la question, je reviens sur cet argument et seulement celui-là.»

Au sujet de la religion, là encore, pas de demi-mesure et de doutes possibles pour le président des Sceptiques. Selon lui, la religion n’amène à rien de plus que ce que les philosophes éthiques ont apporté à travers les âges. «La religion est une croyance, comme l’on croit que l’homéopathie peut guérir ou que l’acupuncture a des effets directs. » Louis Dubé invalide les thèses religieuses par de nombreux arguments : aucun fait n’a été prouvé ; plusieurs religions proposent des versions différentes, voire contradictoires ; enfin, ces religions proposent des règles de vie reposant sur des livres écrits il y a des milliers d’années.

Élémentaire, mon cher…

Pour Louis Dubé, le besoin de rationalité a toujours été là, et il est probablement aussi fort qu’auparavant. Seulement aujourd’hui, le problème principal pour les Sceptiques vient des médias. «Ils aiment le sensationnel. Par exemple, l’émission Rencontre paranormale met en scène un médium communiquant avec les morts. Or, les gens ont tendance à croire plus facilement les gens qui semblent savoir.»

Mais pourquoi ne pas laisser croire les gens ? Après tout, quel est le mal à penser que les ovnis existent ? Le risque est important, selon Louis Dubé. «Si l’on base nos décisions sur des croyances, sur des idées qui n’ont pas été vérifiées, on court le risque de faire des erreurs qui pourraient être très graves.»

Le mouvement Sceptique compte aujourd’hui environ 350 membres. Ceux-ci peuvent s’abonner à la revue mensuelle, assister à des conférences, participer aux défis organisés par l’association… et répandre le scepticisme autour d’eux.