Le 30 novembre dernier, le journaliste Alexis Gacon a rapporté dans un article de Radio-Canada que les bibliothèques des cégeps ne pouvaient plus acheter de livres : plutôt que de découvrir les nouveautés littéraires d’ici et d’ailleurs, les étudiant·e·s de ces établissements doivent désormais se contenter des trouvailles des années précédentes et des grands classiques.
Le journaliste Jérôme Labbé a indiqué le 5 septembre dernier dans un article de Radio-Canada qu’au cours de l’été, les cégeps du Québec ont reçu une directive du ministère de l’Enseignement supérieur pour réduire les dépenses liées à la réfection des bâtiments et à l’achat de matériel.
Un budget considérablement réduit
Tandis que les établissements collégiaux composaient déjà avec un budget réduit, ils doivent désormais choisir eux-mêmes quelles sont les dépenses prioritaires pour compenser ces restrictions budgétaires.
Selon la présidente de la Fédération des cégeps, Marie Montpetit, les conseils d’administration de certains établissements ont baissé de moitié, voire plus, le montant du budget approuvé au préalable, alors même que la rentrée a connu une hausse « historique » jamais vue en 25 ans.
Radio-Canada a aussi rapporté que la Fédération nationale des enseignantes et enseignants du Québec (FNEEQ), après avoir mené un sondage auprès de ses membres, a constaté que d’autres cégeps ne pouvaient plus du tout acheter de livres.
Par exemple, l’enseignante en littérature au Cégep de Saint-Hyacinthe Daphné Lajoie a assuré à Radio-Canada que, les années précédentes, les derniers prix littéraires et les nouveautés, très prisés des élèves, garnissaient les rayons de la bibliothèque.
Cette année, dans celle de l’établissement, les livres en rayon datent au moins de l’année passée.
Une autre enseignante du Cégep, Florence Tétreault, a indiqué devoir pour sa part aller emprunter certains ouvrages dans une bibliothèque de Montréal pour les faire étudier à ses élèves.
Le budget d’achat d’ouvrages au Cégep de Saint-Hyacinthe, qui était de 20 000 dollars en 2023, devait en effet passer à 31 000 dollars cette année, compte tenu de la hausse du prix des livres. Il s’est toutefois monté à moins de 5 400 dollars pour 2024. Actuellement, seuls 3 000 dollars restent dans les caisses pour finir l’année scolaire.
Combien de livres est-il possible d’acheter avec 5400 dollars ? Le Bilan Gaspard du marché du livre au Québec indique qu’en 2021, le prix moyen du livre francophone d’édition canadienne était de 17,86 $, tandis qu’en 2024, il est de 21,22 $. Un montant de 5 400 dollars permet donc d’acheter 254 livres en moyenne. Le nombre de nouveautés publiées au Québec recensées en 2022 s’élevait quant à lui à 36 060 livres, dont 4 511 étaient des nouveautés québécoises.
Un coup dur sur plusieurs plans
En plus des conséquences sur les bibliothèques des cégeps, cette restriction budgétaire se répercute sur tout l’écosystème du livre. Radio-Canada indique qu’à Saint-Hyacinthe, la copropriétaire de la librairie L’Intrigue Louise Desautels a appris cet automne que le Cégep annulait une commande dont le coût se situait entre 5 000 et 6 000 dollars.
Les journalistes Zacharie Goudreault et Catherine Lalonde ont révélé le 3 décembre dernier dans un article du Devoir que l’effet des coupures avait été « drastique » sur les ventes à la librairie Zone Libre, dans le centre-ville de Montréal, selon sa propriétaire, Mireille Frenette. Le Cégep du Vieux Montréal, son « plus gros client » du réseau collégial, a par exemple complètement cessé de lui acheter des livres pendant plusieurs mois.
Le magasin, qui tire habituellement 30 % de son revenu institutionnel des établissements collégiaux, a donc mis sur pause toute nouvelle embauche, d’après Le Devoir.
Ces coupes budgétaires risquent d’avoir également des conséquences sur la diffusion de la culture québécoise.
« En ce moment, on parle beaucoup de préservation de l’identité québécoise, de nos jeunes qui sont soumis à l’influence des médias de masse anglo-saxons », a souligné le vice-président responsable du regroupement cégep à la Fédération nationale des enseignantes et des enseignants du Québec, Yves de Repentigny, le 2 décembre dernier au Devoir. Il a assuré que les bibliothèques comptent parmi les rares endroits où les jeunes ont accès à la culture francophone, et que cette réduction du budget est problématique pour répondre à cet enjeu.
Emprunter un livre surprise à l’UdeM. Jusqu’au 23 décembre 2024, la Bibliothèque de la santé, située au 6e étage du pavillon Roger-Gaudry, invite les étudiant·e·s à emprunter un « livre mystère » à lire durant le congé des Fêtes. Près du sapin, installé à l’étage de la Bibliothèque, se trouve une sélection de livres emballés, « des titres qui vous feront rire, découvrir un sujet ou réfléchir », d’après le site Web de l’UdeM. Sur chaque livre se trouve une étiquette qui indique le sujet et le type de document (par exemple, documentaire ou bande dessinée). Une fois l’ouvrage terminé, les étudiant·e·s doivent indiquer leur avis dans le signet fourni avec le livre, avant de le rapporter à la Bibliothèque de la santé en janvier 2025.