L’écrivaine biélorusse a écrit son roman à partir de témoignages de citoyen·ne·s des anciennes républiques de l’URSS, récoltés après la chute de celle-ci en 1991. À travers ces entrevues, elle a tenté de comprendre ce qui restait de « l’Homo sovieticus ».
Une architecte survivante des camps et des orphelinats sibériens, un ancien soldat ayant combattu en Afghanistan devenu marchand, une publicitaire ayant vécu la chute de l’URSS comme une libération et le fils d’un héros de guerre : quatre récits bouleversants sont interprétés sur scène et mettent en lumière la façon dont les destins des Soviétiques ont été conditionnés par le mode de vie communiste pendant plus de soixante ans. Ils permettent également d’entrevoir les conséquences que le passage abrupt au système capitaliste et individualiste a pu avoir sur la vie de ceux qui n’avaient connu rien d’autre. « Nous sommes tous des pauvres, toute ma génération. Nous, les anciens Soviétiques… Nous n’avons pas de comptes en banque ni de biens immobiliers, dévoile l’architecte Anna Maïa, interprétée par Dominique Quesnel. Tout ce que nous possédons est soviétique, ça ne vaut pas un kopeck. Notre seul capital, c’est [sic] nos souffrances, ce que nous avons vécu. »
Catherine de Léan, qui signe sa première mise en scène, a confié à la journaliste Stéphanie Morin dans La Presse en février dernier que La fin de l’homme rouge était une façon de découvrir comment les changements politiques en URSS ont bouleversé le tissu social. « Les gens ordinaires ont vécu des changements extraordinaires, constate la metteuse en scène. Ils étaient tous menés par un idéal. »
Le passé sous un autre angle
Alors que la guerre en Ukraine entame sa troisième année, les tensions politiques ont fait apparaître une nouvelle géopolitique des blocs rappelant l’époque de l’URSS. Svetlana Alexievitch, également journaliste et récipiendaire du prix Nobel de littérature en 2015 pour « son œuvre polyphonique, mémorial de la souffrance et du courage à notre époque », offre une autre lecture des évènements. « L’Histoire ne s’intéresse qu’aux faits; les émotions, elles, restent toujours en marge, confie l’autrice. Moi, je regarde le monde avec les yeux d’une littéraire et non d’une historienne. »
Mme de Léan constate que les récits partagés dans le roman et dans la pièce racontent l’Histoire « dans un autre paradigme que celui des gagnants et des perdants ». Elle explique d’ailleurs à La Presse qu’avant de tomber par hasard sur le récit de Svetlana Alexievitch, elle en connaissait peu sur les anciennes républiques de l’Union soviétique.
Pour elle, la porte d’entrée vers ces pays, c’est l’art. « Ce sont de grands auteurs à l’imaginaire foudroyant », souligne-t-elle.
La fin de l’homme rouge Adaptation théâtrale du roman de Svetlana Alexievitch, mis en scène par Catherine de Léan Du 27 février au 23 mars 2024 au Théâtre de Quat’Sous Tarif : 43 $ |