Société-Monde

La cure minceur de l’université coréenne

Deuxième volet d’une série d’analyses internationales avec le cas de la Corée du Sud, où les manifestants contre la hausse des frais de scolarité ont obtenu gain de cause en contrepartie d’une profonde refonte du système d’éducation.

Depuis que les frais de scolarité ont commencé à augmenter, les étudiants sud-coréens manifestent chaque année.

Ils sont épaulés par les associations de parents et des centaines d’organisations civiles. Les frais de scolarité et la privatisation de plusieurs universités sont des enjeux de première importance pour les Sud-Coréens puisqu’après leur secondaire, 80 % d’entre eux poursuivent des études supérieures. Les frais annuels demandés par les universités publiques en Corée du Sud, qui ont doublé depuis 2001, s’élèvent en moyenne à 5315 USD, les plus hauts au monde après ceux des États-Unis.

Cette année, les étudiants ont commencé leur cycle de manifestations à la mi-mai. À la mi-juin, l’annonce par le gouvernement de l’abandon de sa promesse électorale de 2007 de réduire de 50 % les frais de scolarité a mené les manifestations à leur point culminant : les fréquentes manifestations sur les campus ont pris une ampleur inhabituelle, débordant dans les rues, avec l’appui de plus de 500 organisations civiles.

Le gouvernement a cédé le 23 juin en annonçant que les frais seraient réduits de 30 % d’ici 2014. En contrepartie, il a amorcé un programme de coupes draconiennes dans le système universitaire.

Des étudiants qui se tiennent debout : sit-in à Séoul à l'été 2009. Crédit Edmundeo/flickr.com

La démographie impose la restructuration

Public et privé confondus, la Corée du Sud possède plus de 300 établissements d’éducation supérieure, et plusieurs peineront bientôt à remplir leurs quotas d’admissions. La natalité du pays, la plus basse au monde (8,5 naissances pour 1 000 habitants et 1,1 enfant par femme), sapera d’ici cinq ans le nombre d’inscriptions. Depuis 2004 déjà, pour combler les places vides, le gouvernement coréen facilite l’accès à l’hébergement, aux emplois et à l’assurance médicale pour les étudiants étrangers. Mais ceux-ci ne représentent en fin de compte qu’environ 3 % de la clientèle.

C’est donc en perspective d’un budget et d’une clientèle réduits qu’une évaluation nationale des établissements universitaires a été entamée en juillet. Le gouvernement coréen a prévenu que les institutions les moins performantes seraient fermées ou fusionnées, et que seulement les plus compétitives seraient admissibles à des subventions de l’État. Le 8 septembre, 43 universités privées ont perdu leur admissibilité, et au moins six des 40 universités publiques seront sujettes à une « restructuration » – c’est-à-dire une fermeture ou une fusion avec un autre établissement.

Avec moins d’argent versé par les étudiants, les trop nombreuses institutions d’éducation supérieure, qui peinent déjà à remplir leurs classes, auront de la difficulté à joindre les deux bouts à moins de devenir plus efficaces et plus économes.

Affluence universitaire

Au Québec, les demandes d’admission ne connaîtront pas une telle baisse, au contraire: le taux de natalité entre 1980 et 2000 a chuté bien moins fortement qu’en Corée (de 15 à 9,8 naissances pour 1000 habitants au Québec, contre 22 à 13 en Corée du Sud). La tendance s’est même inversée depuis 2000, jusqu’à remonter à 11,3 naissances pour 1000 et 1,74 enfant par femme en 2008.

Le décalage entre l’offre et la demande en termes de place à l’université est aussi sensiblement différent.

En 2009, le nombre moyen d’étudiants par université sud-coréenne était de 10 992, environ 3200 étudiants de moins que les établissements de la province. De plus, le réseau universitaire québécois dessert plus de 24 500 étudiants étrangers, soit environ 9 % de sa clientèle, un chiffre en constante augmentation.

Poussée par la démographie et par la popularité des établissements québécois à l’international, la population universitaire québécoise s’accroît donc régulièrement, de 256000 en 2003 à plus de 269000 en 2009 selon le dernier recensement de Statistique Canada disponible.

Réduire les frais de scolarité en diminuant la taille du système universitaire n’est donc pas une option envisageable au Québec. En revanche, les étudiants québécois qui s’apprêtent à manifester le 10 novembre auraient intérêt à s’inspirer de la mobilisation exceptionnelle des Sud-Coréens.

Le rapport de l’OCDE Regards sur l’Éducation 2011

Il met en perspective le poids financier qui pèse sur les étudiants autour du monde: compte tenu de la parité de pouvoir d’achat, les frais de scolarité annuels moyens des universités publiques coréennes s’élèvent à 5315 USD, les plus hauts au monde après ceux des États-Unis (6312 USD). Au canada,  la moyenne est de 3774 USD, tout juste derrière le japon, le Royaume-Uni et l’Australie.

 

 

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