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La communauté marocaine de l’UdeM réagit

La communauté marocaine de l’UdeM se classe en troisième position en termes de nombre d’étudiant·e·s étranger·ère·s par pays de provenance.

Le jour fatidique, l’étudiante de première année au baccalauréat en psychologie Hiba El Asli anticipe une journée comme les autres. L’appel qu’elle reçoit de sa mère au Maroc en sortant du métro vient changer la donne : un séisme de magnitude 7 a frappé son pays.

Ébranlée par les événements, elle met du temps à réaliser ce qu’il s’est passé. « Au début, je ne me suis pas rendu compte, j’étais sous le choc », témoigne-t-elle. Elle comprend rapidement l’impact de la catastrophe en consultant les vidéos que sa mère lui envoie et celles qui envahissent les réseaux sociaux. Craignant qu’une seconde secousse ne survienne, ses parents décident de dormir dans leur voiture. « Ça m’a vraiment impactée, je n’ai même pas pu dormir la nuit par peur de manquer un appel de ma mère, j’avais le cœur qui battait vite, confie l’étudiante. Mon premier réflexe, c’est de demander à ma mère de rester en contact avec moi. »

Hiba El Asli passe donc toute la nuit du 8 septembre au téléphone avec ses parents et ses proches, qui habitent à Casablanca, ville située à plus de 200 kilomètres de l’épicentre du séisme. Elle appelle également sa meilleure amie, enceinte de six mois et partie rejoindre sa famille pour les vacances la veille du drame. Celle-ci la rassure, l’informant qu’elle se trouve également à Casablanca.

L’étudiant de première année au baccalauréat en sciences biomédicales Youssef Baydzar Koulali-Kerdoudi apprend quant à lui la nouvelle grâce à un message de sa cousine, présente à Marrakech, à environ 71 km de l’épicentre, au moment de la catastrophe. La catastrophe survenant en pleine rentrée universitaire, l’étudiant se sent dépassé par les événements, qui ajoutent une pression mentale supplémentaire. « Je voulais bien commencer les choses, c’était ma première année au baccalauréat en biomédecine, déclare-t-il. J’avais un long week-end, je me suis dit :“tiens, je vais commencer à étudier, je ne vais pas prendre de retard”, et là, ça a pris un bon deux jours sans rien faire, sans avoir la force ni l’envie. ».

Comme Hiba El Asli, il a du mal à assimiler l’information. « Je ne savais pas quoi dire, j’étais tétanisé, j’étais choqué, se souvient-il. Il y a ce moment de choc, et il y a ce moment d’incompréhension, tu te demandes d’abord si c’est un petit ou énorme séisme, tu découvres ensuite les vidéos et les images, et tu es abasourdi. »

Plein d’émotions

Pour le docteur Nicolas Bergeron, psychiatre au Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM) et professeur adjoint de clinique au Département de psychiatrie et d’addictologie de l’UdeM, les étudiant·e·s marocain·e·s sont exposé·e·s à plusieurs degrés d’émotions. L’immédiateté de la nouvelle reçue par les étudiant·e·s créerait d’abord des émotions vives et intenses. Après s’être assuré·e·s que leurs proches sont en sécurité et hors de danger, les étudiant·e·s font ensuite face à une dynamique de récupération émotionnelle et se détachent graduellement de la détresse et de l’incompréhension qu’ils ressentent dans les premières minutes, selon le psychiatre.

« Je pense qu’il y a un lien intime entre l’intensité et la détresse, dépendamment de ce qui se passe avec nos proches, explique-t-il. La détresse est une émotion qui s’inscrit dans la perception qu’on fait de l’événement et selon le degré de danger auquel nos proches ont été exposés. » Des facteurs tels que la proximité de leurs proches avec l’épicentre pourraient alors agir sur l’intensité des émotions ressenties par les étudiant·e·s marocain·e·s.

Entre impuissance et injustice

Pour Hiba El Asli et Youssef Baydzar Koulali-Kerdoudi, les jours suivants le séisme sont très éprouvants mentalement. Les informations qui circulent sur leurs réseaux sociaux respectifs et le bilan de la mortalité en constante augmentation ne font qu’exacerber leurs inquiétudes. Le séisme est lourd de conséquences pour ces deux étudiant·e·s marocain·e·s séparé·e·s de leurs familles et de leurs proches par plusieurs milliers de kilomètres.

L’étudiante en psychologie envoie des dons à certains organismes pour la solidarité et l’entraide au Maroc, qui ne réussissent toutefois pas à combler le sentiment d’impuissance qu’elle ressent. «Je ne peux pas être avec eux et les réconforter», regrette-t-elle.

Youssef Baydzar Koulali-Kerdoudi, étudiant à l’UdeM d’origine maroco-arménienne. Crédit photo: Juliette Diallo

« L’impuissance, c’est l’incapacité de générer une action ou d’amener un peu de pouvoir collectif dans le système, et je pense que c’est tout à fait naturel », estime M. Bergeron. L’éloignement géographique des étudiant·e·s avec leurs familles et leurs proches renforce davantage cette impuissance, puisque ces dernier·ère·s sont incapables de leur apporter de l’aide et du soutien psychologique. « Quand on est loin, je pense que naturellement, on se demande : “quelle action je pourrais faire pour aider les autres, mais aussi pour apaiser ma propre détresse ? », précise-t-il.

En plus de ce sentiment d’impuissance, c’est également un sentiment d’injustice qui s’empare de Youssef Baydzar Koulali-Kerdoudi. L’étudiant admet qu’il aurait préféré vivre le séisme avec le reste de sa famille à Marrakech. La nature imprévisible d’une catastrophe naturelle renforce davantage ce sentiment-là. « Le fait de se dire qu’eux le vivent et que toi, tu es ici, en sécurité, tu te dis que tu n’as pas vécu le même degré de douleur, une forme d’injustice se crée et tu te poses la question : “pourquoi eux et pourquoi pas moi ?” », s’indigne-t-il.

« Je pense que ce sont des sentiments de réactions universelles qui accompagnent la détresse », détaille M. Bergeron en faisant référence aux sentiments d’injustice et d’impuissance.

L’UdeM au service de ses étudiant·e·s marocain·e·s

Le 13 septembre dernier, la tour du pavillon Roger-Gaudry s’est illuminée aux couleurs du drapeau marocain, en rouge et en vert, en signe de soutien et de solidarité envers la communauté marocaine.

À la suite du séisme, plusieurs étudiant·e·s internationaux·les au Québec ont dû faire face à ces mêmes épreuves psychologiques. Les universités mettent à la disposition de leurs étudiant·e·s traversant des moments difficiles des guides de soutiens psychologiques auprès de leurs étudiant·e·s traversant des moments difficiles.

RESSOURCES UTILES

Les Services à la vie étudiante de l’UdeM (SAÉ) proposent des consultations psychologiques
dans la journée pour intervenir dans une situation de crise. Les étudiant·e·s sont tenu·e·s de
remplir un formulaire, et la première consultation est sans frais.

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