Culture

De gauche à droite, Louis-Philip Tremblay, Jean-Philippe Pilote et Myralie Roy, comédien·ne·s du TUM, en répétition pour la pièce Au bout du fil. Crédit : Lucas Sanniti.

Jouer quelqu’un d’autre pour mieux se connaître

Le TUM proposera les 23, 24 et 25 mars prochains la pièce Au bout du fil, écrite par la dramaturge et comédienne québécoise Évelyne de la Chenelière, au Centre d’essai du pavillon J.-A.-DeSève. À cheval entre un camp de vacances pour enfants et une résidence pour personnes âgées, celle-ci traite de thèmes comme la vieillesse, le mouvement perpétuel du temps et la place qu’occupent les aîné·e·s dans la société d’aujourd’hui.

C’est en 2022 que la metteuse en scène du TUM, Camille Messier, également étudiante à la maîtrise en théâtre à l’Université du Québec à Montréal et comédienne professionnelle, a décidé de soumettre cette pièce à la troupe. « Quand il y a eu la pandémie et que tout a éclaté dans les CHSLD et les RPA, j’ai repensé à cette pièce-là, puis je trouvais qu’elle devenait malheureusement très actuelle », explique-t-elle.

Dans les coulisses du TUM

Pour la metteuse en scène, les enjeux et le contenu d’Au bout du fil, bien qu’essentiels à la sélection de la pièce, n’étaient pas les seules raisons derrière son choix. En effet, la possibilité d’offrir à des comédien·ne·s amateur·rice·s une expérience de jeu dynamique regroupant une grande variété de personnages était tout aussi importante.

Les personnages sont ainsi tous en fin de vie, mais leur lutte avec la nostalgie et leurs souvenirs d’antan les pousse à s’exprimer comme des enfants. « Je trouvais que c’était un super beau défi pour les interprètes, de leur demander de jouer des personnes âgées tout en jouant comme des enfants, relate Camille Messier. Un grand défi de mise en scène pour moi aussi. »

Le TUM a ainsi cette particularité d’être ouvert à tous·tes les étudiant·e·s de l’UdeM qui voudraient se lancer dans le jeu. À l’exception des auditions qui ont lieu en octobre, aucun prérequis n’est exigé pour participer aux activités de la troupe. Les acteur·rice·s qui la composent viennent donc d’une grande variété de programmes d’études et n’ont pas nécessairement d’expérience de jeu préalable.

Selon la metteuse en scène, la différence entre les interprètes amateur·rice·s et professionnel·le·s se situe surtout au niveau de la technique, mais l’enthousiasme et la passion que les interprètes novices amènent au jeu sont tout aussi gratifiants. « Le plaisir qu’ils et elles ont à jouer et à être là, à être en gang, ça, c’est incroyable, souligne la metteuse en scène. C’est ça qui fait la force du théâtre amateur, selon moi. »

Une fois les auditions terminées et les interprètes sélectionné·e·s, la troupe se rencontre une fois par semaine pour des répétitions de trois heures. Les comédien·ne·s en herbe apprennent alors à apprivoiser les textes, à effectuer un travail de réflexion sur leurs personnages et à peaufiner leur technique de jeu. Autant d’heures d’exercices qui se décuplent hors des séances en groupe, seul·e·s à la maison.

Adunni Garber et Daniel Gog-Ciceu en train de peaufiner leur jeu en vue des représentations en fin mars au Centre d’essai de l’UdeM. Crédit : Lucas Sanniti.

Concilier scène et études

Pour plusieurs étudiant·e·s qui jonglent entre le travail, la vie sociale et les études à temps plein, l’idée de participer à une activité parascolaire peut sembler impensable. Pourtant, cette réalité n’empêche pas les plus téméraires de tenter le coup. L’étudiant à la majeure en sciences de la communication Jean-Philippe Pilote, qui fait partie de la distribution d’Au bout du fil, avoue lui aussi subir le stress lié à ce casse-tête.

Cependant, l’encadrement et le climat d’entraide qu’il retrouve au sein du TUM lui permettent d’aller de l’avant sans trop se soucier de cette charge de travail supplémentaire. « Nous, on a juste à se concentrer sur le jeu et le processus, mentionne-t-il. Le fait d’être avec plein d’étudiants qui sont dans la même situation que toi, ça dédramatise et c’est juste du fun. »

L’étudiante en deuxième année au baccalauréat en musicologie Jeanne Fontaine, comédienne du TUM pour la pièce Quand la pluie s’arrêtera, présentée fin février, partage aussi cette impression. Elle indique que le théâtre est pour elle un exutoire et une occasion de se départir des inquiétudes qui entourent ses nombreuses remises de travaux. « De mon point de vue, c’est quand même assez libérateur et ça enlève même du stress, révèle-t-elle. Des fois, quand tu es trop  »pognée » dans la même chose, trop concentrée, ça n’aide pas non plus. »

Pour Jeanne, assister aux répétitions chaque semaine représente une manière de rompre avec la redondance qu’elle retrouve dans ses études et est l’occasion d’explorer une passion de la scène qu’elle partage avec ses partenaires de jeu.

Pourquoi le théâtre ?

Le TUM n’est qu’un exemple d’activité parascolaire que la communauté étudiante peut retrouver sur les campus de l’Université de Montréal. Entre UdeM en spectacle, les concours de bande dessinée ou encore les ateliers de danse contemporaine, il y en a pour tous les goûts. Quelle est alors la motivation des membres de la troupe à se lancer dans le théâtre ?

Pour Jean-Philippe Pilote, la réponse à cette question se trouve moins dans la prouesse de son jeu que dans la constance de sa démarche créative. « Je pense que ce qui est intéressant dans le TUM, c’est le fait que le processus est vraiment important, explique-t-il. Le fait qu’on soit une gang et qu’on n’ait pas nécessairement à se concentrer sur la performance, mais plus sur le processus de création, c’est ce qui est intéressant. »

C’est d’ailleurs à l’intérieur de ce processus créatif que les aspirant·e·s acteur·rice·s peuvent apprendre à mieux se découvrir. Le dépassement des limites personnelles et la volonté d’oser amènent ainsi les étudiant·e·s à sortir de leur zone de confort. « Le théâtre, c’est ça que ça m’a apporté personnellement, affirme Jean-Philippe Pilote. Tu peux te mettre dans des situations qui sont peut-être un peu inconfortables, mais en même temps, ça te pousse à être toi-même et à te faire confiance. »

Jeanne Fontaine, quant à elle, note que l’envergure de la production théâtrale du TUM était une raison de plus de s’impliquer dans la troupe. « Ce n’est pas partout qu’on peut avoir accès à ces expériences aussi facilement », estime-t-elle. L’étudiante déplore d’ailleurs le fait que ce soit une occasion que manquent souvent ses collègues. « Ce n’est pas tout le monde qui est au courant de ces choses-là, poursuit-elle. Alors si les pièces peuvent montrer aux gens ce qu’on peut faire à l’université à part étudier, ce serait quand même plaisant. »

Hélas, comme le souligne la comédienne, plusieurs étudiant·e·s demeurent incertain·e·s face à l’idée de s’adonner aux activités culturelles offertes par l’UdeM. Camille Messier, qui a longtemps suivi son instinct dans son parcours professionnel, soutient qu’être à l’écoute de soi pour reconnaître les occasions qui se présentent est important. « À partir du moment où ton instinct te parle, ne pense pas plus loin et fais-le », conseille-t-elle de bon cœur à ceux et celles qui voudraient se lancer dans un nouveau passe-temps.

« Je sais c’est quoi d’avoir le sentiment qu’on est un imposteur, qu’on n’a peut-être pas assez d’expérience, qu’il n’y a peut-être pas de place pour nous, ajoute-t-elle. Mais finalement, à partir du moment où tu décides que toi, tu la veux, la place, elle est à toi, elle n’est à personne d’autre. »

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