Jouer comme un pro

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Par Lisa Vokatch
lundi 21 novembre 2016
Jouer comme un pro
Le match d’impro de la LUDIC le 7 novembre dernier à la Brunante. Crédit photo : Mathieu Gauvin.
Le match d’impro de la LUDIC le 7 novembre dernier à la Brunante. Crédit photo : Mathieu Gauvin.
Le 20 octobre dernier, la Ligue Nationale d’Improvisation (LNI) a publié un manifeste* signé par 146 représentants culturels et politiques de la scène québécoise pour faire reconnaître l’improvisation comme discipline artistique. De nombreux étudiants confirment la nécessité de pratiquer cet art en respectant ses codes.

L’improvisation doit avoir une place reconnue, selon le président de la LUDIC, Ligue universitaire d’improvisation créative de l’UdeM, Étienne Blard. « Je suis content du manifeste, mais il est absurde et étrange que ça n’arrive qu’en 2016, alors que la pratique des matchs d’improvisation a été créée en 1977 », s’exclame-t-il. La pratique est très répandue au Québec et fait partie intégrante de l’éducation, car beaucoup d’écoles secondaires possèdent des équipes d’improvisation.

Membre de la LUDIC depuis la rentrée d’automne, l’étudiante au baccalauréat en psychoéducation Amélie Nadeau confirme l’importance de promouvoir cette pratique et de reconnaître la discipline. « Je souhaiterais que l’improvisation soit un cours optionnel au même titre que la danse, la musique et les arts plastiques à l’école et au cégep, affirme-t-elle. J’aimerais également voir l’improvisation intégrée à mon futur emploi. »

Une forme de théâtre à part entière

L’instantanéité est principalement ce qui différencie le théâtre classique et l’improvisation, selon l’étudiante à la maîtrise en gestion des opérations à HEC et membre de la LICHE, Ligue d’improvisation de HEC Montréal, Maud Gruau. Elle soulève la distinction entre le rôle de comédien et d’improvisateur, qui ne requièrent pas les mêmes habiletés. « Un bon comédien n’est pas forcément bon improvisateur et vice versa », croit-elle. L’improvisateur est en effet tout à la fois : auteur, acteur, metteur en scène et scénographe.

Étienne pense que l’improvisation s’éloigne du théâtre classique également par son décorum, généralement sobre, mais aussi par ses thèmes contemporains. « L’improvisation est une discipline à part parce qu’elle a ses codes, son espace, ses maîtres et ses amateurs », pense-t-il.

Pour le professeur d’improvisation aux services d’activités culturelles de l’UdeM et diplômé de l’École supérieure de théâtre de l’UQAM, Simon Fleury, l’improvisation est l’art de raconter une histoire avec un minimum de préparation. « Certes, il y a des règles en improvisation, mais à l’intérieur de celles-ci on peut se laisser aller comme on veut, déclare-t-il. C’est très libérateur ». Même si pour lui les deux disciplines théâtrales sont très différentes, il trouve qu’en mélangeant l’improvisation et le théâtre en atelier de pratique, le résultat est plus complet.

Un mode de vie

« L’improvisation est la vie, on en a besoin dans tous les aspects de notre existence », affirme le diplômé en administration des affaires à HEC et coach de la LICHE, Armand du Verdier, signataire du manifeste. La pratique de l’improvisation est, selon lui, un réel outil de développement personnel et un fort lien social. Il souhaite en faire un outil de communication et d’expression pour les employés des entreprises et les entrepreneurs.

La comédienne et professeure à la LNI Sophie Caron utilise l’improvisation entres autres comme une thérapie pour les personnes victimes de traumatismes crâniens. Cet art change la vie, d’après elle, et apporte confiance et joie de vivre à ses patients. « Il y a un côté extrêmement humain et un caractère social extraordinaire dans cette pratique, note-t-elle. Elle aide à la prise de conscience et de confiance en soi, à la prise de parole. » Elle travaille également avec de jeunes décrocheurs qui souhaitent revenir au monde du travail ou retourner à l’école.

L’avenir de l’impro

Le président de la LUDIC espère qu’une plus grande reconnaissance de la discipline va faire mieux connaître l’improvisation, même si cela aura peu d’impact sur la pratique de sa ligue. « Dans ma tête, l’improvisation est légitimée depuis longtemps », dit-il. Étienne souhaite que la LUDIC demeure amateure et accessible pour tout étudiant.

La LICHE, elle, souhaite faire des liens entre le monde des affaires et l’improvisation. « Au final, dans quelque milieu que l’on soit, l’improvisation permet de passer la barrière de la honte, assumer ce qu’on fait, avoir de l’imagination et de la créativité et s’amuser sur scène », avance Maud. La ligue vise entres autres à créer plus de partenariats et de développer des activités de team building [NDLR : création des compétences de groupe] pour des associations étudiantes, par exemple.

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