Au début de sa carrière, Jérémy a été marqué par un numéro de l’humoriste québéco-marocain Rachid Badouri, que celui-ci a interprété au festival Juste pour rire, le premier du genre, dont il a un souvenir inoubliable. Pourtant, il révèle ne plus être réceptif à son style d’humour aujourd’hui. Crédit photo : Coraline Jullien

Jérémy Chhor : humour, humilité et honnêteté

Jérémy Chhor est un humoriste avec la tête sur les épaules. Après avoir déjà remporté deux championnats artistiques grâce à son humour, il mise aujourd’hui sur la création d’un club d’humour à l’Université de Montréal (UdeM). Rencontre avec un jeune homme éclectique et sensible.

« Je n’ai pas l’air de quelqu’un qui parle dans un micro, mais plus de quelqu’un qui fabrique le micro. » Cette blague a été la toute première de Jérémy Chhor devant une foule, au Collège Bois-de-Boulogne, en mars 2022. Une quête de soi et une tentative de plaire à un public novice se cachaient en réalité derrière cette désinvolture. Sur scène, le jeune humoriste cherchait alors son assurance et tentait difficilement de trouver sa voie, dans un milieu où l’enjeu principal est de séduire son public.

Originaire de Montréal-Nord, Jérémy démontre énormément de respect pour l’art du stand-up, car, selon lui, il repose sur « la permission d’avoir tort et de faire des erreurs », ce qui rend cette forme d’art très humaine. Sa relation avec le monde de l’humour s’est toutefois construite lentement.

Lorsqu’il a découvert cet univers, le jeune humoriste trouvait étrange le concept de monter sur scène et de faire rire un public. « Je ne comprenais pas trop pourquoi les gens faisaient ça », confie-t-il. Son intérêt pour cet art s’est peu à peu développé, malgré les questionnements. Sa passion grandissante pour l’humour a fait naître, de manière connexe, un amour de la langue française, de la littérature et de l’écriture. Cet intérêt pour le français se reflète aujourd’hui dans son cheminement universitaire, car Jérémy effectue actuellement un baccalauréat en enseignement du français au secondaire. 

Aujourd’hui, il cite l’humoriste Dave Chappelle comme source d’inspiration. « J’ai réalisé en le regardant que tu n’avais pas nécessairement besoin d’avoir raison pour exprimer ton point de vue », explique-t-il. Cette liberté d’expression, affranchie de culpabilité, a renforcé sa confiance en lui.

Jérémy décrit son style comme « honnête, parsemé d’humour noir et d’exagération ». Selon lui, « les gens aiment entendre » ce type d’humour. Le jeune humoriste se fraye ainsi, avec assurance, un chemin dans ce milieu. 

Débuts sur scène

Les humoristes ne peuvent se passer de la présence du public. L’isolement imposé par la pandémie de la COVID-19 a donc soulevé plusieurs défis pour les artistes qui œuvraient sur scène au cours de cette période. Pour Jérémy, celle-ci a constitué un tournant. Il révèle avoir écrit des montagnes de pages à l’époque, des pages qu’il n’utilisera jamais, car « c’est vraiment mauvais », selon lui. 

Il a plongé dans le grand bain de la scène après cette période d’écriture et de croissance personnelle. Après une première participation à la 44e édition du concours provincial Cégeps en spectacle pour représenter le Collège Bois-de-Boulogne, où il n’est pas parvenu à se distinguer, il a retenté sa chance l’année suivante et en est sorti vainqueur. 

Aujourd’hui, à 22 ans et après avoir remporté le premier prix au concours UdeM en spectacle en 2023 ainsi que celui de « Coup de cœur du public » au concours interuniversitaire U en spectacle en mars 2024, Jérémy témoigne de son évolution sur scène, affirmant même avoir développé une nouvelle aisance auprès du public. La clé a été de cesser de chercher ses mots, une crainte que même les plus habiles doivent affronter.

L’humoriste se préoccupe peu du nombre de personnes qui assistent à ses numéros. Il privilégie la connexion avec le public avant toute chose. Il se souvient de l’accueil triomphal que celui-ci lui avait réservé lors de sa première participation à Cégeps en spectacle. Une jeune spectatrice lui avait même révélé que ses parents avaient reproduit son numéro sur le trajet du retour. « Ça, c’était un moment plus puissant que gagner n’importe quel prix », avoue-t-il, le sourire aux lèvres.

Exploration artistique

Jérémy prépare aujourd’hui plusieurs projets ambitieux. Il travaille notamment à la création d’un club d’humour à l’UdeM pour réunir les adeptes de la discipline et espère commencer prochainement le recrutement officiel pour être en mesure d’organiser une scène ouverte d’ici la fin de l’année. Il souhaite ainsi mettre en avant l’aspect artistique de l’humour dans un milieu souvent perçu comme « une business en premier ».

Est-ce qu’il se voit vivre de l’humour un jour ? « Je ne me vois pas faire ça le reste de ma vie », répond-il. Il souhaite d’abord terminer ses études, puis potentiellement devenir enseignant, tout en se consacrant à l’humour à temps partiel. Il pourrait ensuite envisager une carrière à temps plein pendant quelques années, mais ne semble pas pressé pour le moment. 

Cette volonté se reflète également dans ses choix professionnels. Après la victoire de Jérémy à Cégeps en spectacle, l’humoriste Arnaud Soly, qui y était membre du jury, lui avait suggéré de s’inscrire à l’École nationale de l’humour. Jérémy a choisi de ne pas suivre ce conseil, en raison des sacrifices financiers et sociaux que cette voie aurait impliqués, et parce qu’il se considère encore « en phase d’exploration ». De plus, il souhaite maintenir sa voix humoristique dans ce milieu très compétitif.

Le jeune humoriste continue donc son exploration artistique par le biais de différents médias. Il tente, par exemple, de nouveaux formats, plus sérieux et plus réfléchis, sur sa chaîne YouTube. « Bienvenue pour un nouvel épisode de “Personne n’a demandé mon f*cking avis” », lance-t-il dans l’une de ses vidéos de vulgarisation intitulée « La cohésion sociale et des bêtises ». Ces vidéos constituent des projets additionnels, en plus d’être l’occasion d’aborder des sujets profonds en toute liberté et autonomie.  

En 2025, l’humour est un art qui se définit par la possibilité de s’explorer et de se découvrir à travers la comédie. « C’est important de se donner la permission d’essayer et c’est notre responsabilité de prendre des critiques », estime Jérémy.

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