Jardin givré

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Par Pascaline David
mercredi 26 janvier 2011
Jardin givré

Igloofest semble étiqueté Liberté 25. Tout est là, pour ceux qui savent fêter : air frais,
espace, arts visuels, divertissement pour tous les sens. Ici, un nuage de haschich ; là-bas,
des personnages colorés ; à mes doigts, une cigarette allumée ; sur la scène, des Disc
Jockeys enflammés. De l’électro, beaucoup de fluo, et de la Sapporo.

Mer de monde givré / mer givrée de monde

Le premier vendredi de l’événement, du haut de la section VIP d’Igloofest, j’ai une vue imprenable sur les manoeuvres ambulancières se déployant devant les salles de bain. «C’est une femme d’environ 35 ou 40 ans, elle n’est plus très très lucide, elle a les yeux comme ça», m’informe un témoin, formant un X devant son visage avec ses mains. «C’est sûr qu’à force d’entrer et sortir, les changements de température exacerbent les effets de la drogue», commente un autre témoin, sans gestuelle pour sa part. «L’année dernière, un mec a décidé d’aller se soulager la vessie vers le fleuve Saint-Laurent, et, comme il n’y avait pas de clôture de ce côté-là, il est tombé et s’est fracturé le visage», raconte quelqu’un d’autre, en pointant vers le bas. Cette année, une clôture a été installée de ce côté. À Igloofest, les visiteurs tendent à s’exalter un peu trop, mais au final, ça ne fait qu’une chose de plus à gérer.

Voyons ce qu’il y a de si enivrant à danser dans le froid

« J’ai entendu parler d’Igloofest pour la première fois lorsque j’étais en Égypte», raconte le globe-trotter Mathieu Pichette, qui visite le site pour la première fois. C’est la cinquième année qu’Igloofest installe ses quartiers dans le Vieux-Port de Montréal et les Québécois ont toutes les raisons d’en être fiers – et d’en parler jusqu’au Moyen-Orient. Lors de sa deuxième fin de semaine de trois jours (du jeudi au samedi), Igloofest enregistrait quelque 20000 entrées à ses tourniquets: un nombre impressionnant, surtout à des températures oscillant autour de -20°C . Igloofest est un événement de grande envergure, il est surtout unique et presque parfait (à l’exception de la logistique liée au soulagement de la vessie. Des toilettes chimiques, ça ne pardonne pas.).

Génial : le porte-voix Guru dans lequel il est indiqué de hurler à pleins poumons afin de libérer le stress urbain accumulé.

Parfait : l’emplacement sur les rives du fleuve Saint-Laurent. Édifiants : les hauts murs construits sur un principe de récupération de vieux contenants de produits alimentaires liquides (cela coûte moins cher que de faire sculpter des murs de glace, dit-on) sur lesquels sont projetés différentes teintes de chaleureuse lumière. Génial : le porte-voix Guru dans lequel il est indiqué de hurler afin de lâcher le stress urbain accumulé, ce qui fait varier la couleur projetée sur les murs. Impeccable : la constellation de chapeaux de poils en défilé constant. Accompli : l’impressionnant équipement visuel assuré, dit-on, pour plus d’un million de dollars. Ingénieuse, : en cette circonstance ponctuelle, la vente de grosses canettes de Sapporo, qui permet de réduire l’achalandage aux bars. Plus-que-parfaits : le laisser-aller général et, sans contredit, l’accès à l’espace VIP.

Mon privilège VIP

Par défaut, les journalistes n’ont pas accès à la section VIP d’Igloofest, sans doute en raison de leur réputation peu flatteuse en termes de consommation d’alcool. Le saviez-vous ? Dans la section réservée d’Igloofest, sorte de mezzanine chauffée au-dessus de tout le monde, cafés alcoolisés et bières sont servis à volonté. Comment y accéder ? En franchissant les barrières ou en ayant un contact privilégié.

De quelque façon que ce soit, il vaut la peine de se risquer dans cette atmosphère décontractée meublée d’une dizaine de sofas sur lesquels il est indiqué de se délester de son équipement hivernal. La section VIP offre un regard d’ensemble sur la beauté de l’événement: gens qui font joyeusement la queue pour se faire prendre en photo avec leur attirail, filles qui se mettent en file pour se soulager la vessie, vue imprenable sur les visiteurs heureux et des planchers suintants de neige fondante. Deux écrans HD montrent une foule flamboyante sur le sol de danse hivernal, surfant sur des rythmes frénétiques, intoxiquée de grand air, et peut-être d’alcool fort.

Dans la salle de bain des filles, où règne étrangement une ambiance bon enfant, j’ai vu, sur le sol, une bouteille de Tequila Jimador.

Vraiment, à Igloofest, on se croit tout permis.