Inverser la classe

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Par Katy Larouche
mercredi 11 février 2015
Inverser la classe
Cette pratique aiderait les étudiants à oser prendre la parole en classe et à faire preuve de plus de créativité dansleurs prises de position.
Cette pratique aiderait les étudiants à oser prendre la parole en classe et à faire preuve de plus de créativité dansleurs prises de position.
Les premiers étudiants qui ont été touchés par la mise en place de la réforme de l’éducation au secondaire complèteront cette année leur troisième année universitaire. Entre temps, les méthodes pédagogiques des professeurs de l’UdeM ont parfois bien peu changé. Selon certains experts, la méthode d’apprentissage durant les cours magistraux mériterait pourtant d’être modifiée de manière à conserver l’attention de ces étudiants.
« Je ne veux pas former des étudiants qui répètent bêtement ce que je dis en classe. »
André J. Bélanger, Professeur au Département de science politique

«L es élèves de la réforme ont été habitués à travailler ensemble, à avoir des interactions en classe, donc dans les cours magistraux leur motivation est souvent en baisse », estime la professeure adjointe à la Faculté d’enseignement de l’UdeM Mélanie Paré. Celle qui forme les enseignants qui travailleront avec les élèves du primaire et du secondaire croit que l’arrivée des nouvelles technologies peut faciliter le passage vers une nouvelle façon d’enseigner, soit en inversant la classe.

« Dans la pédagogie inversée, l’étudiant s’approprie de façon individuelle la matière à la maison avec une vidéo par exemple, puis il l’approfondit en classe avec l’aide de l’enseignant et des autres étudiants », explique Mme Paré. L’un des bénéfices est la meilleure adaptation au niveau de chacun des étudiants lors du retour sur la matière en classe.

Différenciation pédagogique

Tout juste diplômée du baccalauréat en éducation préscolaire et primaire à l’UdeM, l’enseignante Kristel Akouri a décidé de tenter le coup avec sa première classe à l’école primaire Jean-Grou dans l’arrondissement Saint-Laurent à l’automne 2013. Tout au long de l’année, les élèves de Kristel ont eu comme principaux devoirs à la maison l’écoute d’une vidéo dans laquelle la matière à étudier était expliquée. « De retour en classe, des groupes se formaient ; certains élèves plus avancés faisaient des exercices, d’autres réécoutaient la vidéo pour mieux saisir certaines parties, ce qui me laissait plus de temps pour accompagner les élèves qui étaient vraiment en difficulté », raconte-t-elle.

Selon Mélanie Paré, le principe de différenciation pédagogique qui est exploité dans la classe inversée peut aussi bénéficier aux étudiants universitaires. « Dans certains cours, je laisse les étudiants discuter et analyser des vidéos d’enseignants à l’œuvre qu’ils ont visionnées à la maison, indique la professeure adjointe. Je circule parmi les groupes et en écoutant les étudiants s’exprimer, je peux rapidement déceler et rectifier certaines notions qui n’auraient pas bien été comprises. » Les étudiants qui ont besoin de soutien supplémentaire peuvent rapidement être pris en charge, alors qu’il est possible de proposer de nouveaux défis à ceux qui ont plus de facilité, comme la participation à des congrès.

Une méthode classique

Bien que la pédagogie inversée ait été popularisée par l’arrivée des nouvelles technologies, le professeur au Département de science politique André J. Bélanger enseigne de cette façon depuis plus de 50 ans à ses étudiants de l’UdeM. Au début des années 2000, il a complètement cessé de donner des cours magistraux. « Le fait d’apprendre par soi-même à travers des lectures est une pratique très classique, ça date de la Grèce Antique », explique-t-il. Dans son cours, les étudiants doivent lire plusieurs ouvrages avant d’analyser et de prendre position à l’écrit sur les concepts qui sont abordés par les différents auteurs. En classe, une semaine sur deux ou sur trois, les étudiants débattent de ces questions alors que M. Bélanger rectifie certaines notions.

L’étudiant au baccalauréat en philosophie et politique Samuel Fourtina, qui a suivi l’un des cours de M. Bélanger à la session d’automne, admet que la méthode d’apprentissage est ardue, mais très satisfaisante. « Lorsque je fais des lectures en vue de cours magistraux, je me dis que même si je ne comprends pas certaines idées, j’aurai de toute façon l’explication en cours, explique-t-il. Avec le cours d’André J. Bélanger, je devais absolument tout comprendre avant la séance suivante. »

Selon M. Bélanger, cette façon de faire pousse les étudiants à développer leurs sens critique, mais aussi leur confiance en eux. « Ils n’ont pas besoin de moi pour leur dire ce qu’il faut retenir, ils apprennent à trouver par eux-même les idées qui sont importantes dans le texte, explique le professeur. Je leur dis constamment qu’ils sont des professionnels et je les traite comme des égaux dans les cours. »

Cette pratique aiderait les étudiants à oser prendre la parole en classe et à faire preuve de plus de créativité dans leurs prises de position. « Je ne veux pas former des étudiants qui répètent bêtement ce que je dis en classe, explique M. Bélanger . Je souhaite qu’ils apprennent à penser par eux-mêmes. »

La professeure adjointe Mélanie Paré estime elle aussi que la pédagogie inversée contribue à rendre les étudiants plus autonomes. « Ils apprennent à collaborer ensemble et à résoudre des problèmes complexes par eux-mêmes », juge-t-elle.Selon elle, la classe inversée donne plus d’outils aux étudiants pour qu’ils poursuivent leur apprentissage tout au long de leur vie.