Intimidation, des séquelles à l’université

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Par Dylan Allouche
vendredi 23 septembre 2016
Intimidation, des séquelles à l’université
Si un étudiant a subi de l’intimidation durant sa scolarité, l’arrivée à l’université peut avoir un effet bénéfique sur sa santé mentale. Crédit photo : Maude Auberson-Lavoie
Si un étudiant a subi de l’intimidation durant sa scolarité, l’arrivée à l’université peut avoir un effet bénéfique sur sa santé mentale. Crédit photo : Maude Auberson-Lavoie
Selon une étude dévoilée par le journal Social Psychology of Education en août dernier, l’intimidation vécue durant l’enfance influe sur le façonnement social du jeune adulte jusque dans son cursus universitaire. Des séquelles qui peuvent altérer les résultats scolaires et même mener au décrochage.
« L'étudiant peut notamment perdre sa motivation et développer des troubles de concentration de mémoire. » Rémi Côté, psychologue scolaire.

Dans les cours d’université, prendre la parole semble relever de l’impossible pour l’étudiante au baccalauréat en enseignement primaire et préscolaire Myriam Boulet, victime d’intimidation tout au long de son primaire. « En me dirigeant vers le tableau, je me mets à faire des crises de panique ; il m’arrive de faire de l’hyperventilation ou même parfois de pleurer », témoigne-t-elle.

Le cas de Myriam n’est pas isolé, car les séquelles de l’intimidation vécue pendant l’enfance peuvent se traduire par des troubles de l’apprentissage et, dans certains cas, provoquer le décrochage scolaire, selon le psychologue scolaire Rémi Côté. « L’étudiant peut notamment perdre sa motivation et développer des troubles de concentration, de mémoire, avance-t-il. Des troubles mentaux comme un état psychotique peuvent provoquer des difficultés au point que l’étudiant lâche ses études. »

L’étudiante à la mineure en arts et sciences Faustine Malaisé ressent également une anxiété marquée dans ses cours. « Les oraux me stressent énormément, j’ai peur de me couvrir de ridicule, révèle-t-elle. Dans les travaux de groupe, je n’arrive pas à prendre ma place, chaque fois que j’essaie d’ouvrir la bouche pour parler, quelqu’un parle plus fort que moi alors je me tais. » Elle reconnaît que l’intimidation dont elle a souffert au cours de sa scolarité a toujours une influence sur ses travaux.

Myriam a, pour sa part, toujours peur du rejet. « Il est évident que ça me suit encore aujourd’hui à l’université et dans ma vie sociale en général, révèle-t-elle. J’ai toujours peur que l’on rie de moi donc, bien souvent, je ne vais pas m’orienter vers les autres pour leur parler. »

Le professeur au Département de psychologie à l’UdeM Stéphane Cantin confirme que l’intimidation a des conséquences, comme le développement de sentiments dépressifs et d’anxiété, des difficultés résultant de problèmes intériorisés, par exemple un sentiment de détresse psychologique ou de solitude. « Cela a une influence sur l’estime de soi, sur les sentiments de compétence et de contrôle, mais cela peut aussi nuire à la santé de la personne » indique-t-il.

Espoir de résilience

Selon Stéphane Cantin, la résilience est toutefois toujours possible. « L’université peut aussi être un facteur protecteur compte tenu de la dynamique de groupe qui diffère régulièrement, ajoute-t-il. Tous les étudiants n’ont pas les mêmes cours ou les mêmes horaires, ce qui permet ainsi de limiter ce drame social. »

Myriam avoue avoir fait des efforts pour aller parler aux autres élèves et se faire des amis, s’étonnant elle-même de ses progrès. « Au fil du temps, les gens de mon programme ont commencé à me féliciter d’avoir réussi à parler devant la classe, commente-t-elle. Les gens sont assez compréhensifs.»

M. Côté concède que se fondre dans la masse peut parfois être une solution. « Dans le cas où il ne semble n’y avoir aucune issue, adopter un profil bas peut en représenter une », croit-il. Par ailleurs, le psychologue suggère la thérapie, voire l’hypnose, afin de pallier ces symptômes, lorsque l’étudiant est isolé. « En vieillissant, l’étudiant développe des mécanismes de défense de la personnalité qui lui servent de bouclier », affirme-t-il.

Depuis qu’elle a terminé le secondaire, Faustine s’est en effet créé une carapace. « [Aujourd’hui] je me fous de ce que les autres peuvent penser de moi, je sais ce que je suis et ce que je vaux », déclare-t-elle. Pour sa part, Myriam se réjouit d’enseigner bientôt aux enfants, voulant faire une différence dans leur vie et empêcher que ses élèves se fassent intimider à leur tour.