Interpréter de vrais mensonges

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Par Anh Khoi Do
jeudi 6 octobre 2011
Interpréter de vrais mensonges

 

 

Les acteurs de Just fake it

 

La metteure en scène Catherine Bourgeois concilie le vrai et le faux et contribue par ses créations théâtrales à une exploration artistique et humaine hors norme. Sa nouvelle pièce Just Fake It questionne le monde des apparences et des faux-semblants avec une distribution comprenant une actrice atteinte de trisomie 21, auxquels s’ajoutent un acteur atteint de déficience intellectuelle légère, un acteur et une danseuse professionnels. Conversation avec celle qui aura l’honneur d’inaugurer le Théâtre Aux Écuries le 14 octobre.

 

Q.L. : Qu’est-ce que cela ajoute à votre démarche de donner une voix à des personnes déficientes intellectuellement ?
C.B. : Je voulais mêler à la fois le vrai et le faux, ce qui revient à faire du théâtre performatif. Jean-Pascal Fournier et moi – qui avons eu l’idée de la pièce – voulions que les acteurs mettent, d’une façon romancée, un peu de leurs expériences de vie personnelle dans l’écriture des personnages. Je demandais aux acteurs de penser à divers moments où ils ont vraiment menti. Après, ils improvisaient et l’on gardait les meilleurs moments. Le texte est principalement écrit par les quatre acteurs de Just Fake It. En plus, les personnages portent le prénom des acteurs de la pièce.

 

Q.L. : Quels sont les défis que vous avez rencontrés lorsque vous travailliez avec Geneviève Morin-Dupont et Michael Nimbley ?
C.B.: Je tenais vraiment à avoir dans la pièce des déficients intellectuels. Lors des répétitions, je dois me retrousser les manches pour roder la diction de Geneviève et Michael. C’est un travail intense. Ça implique surtout plus de reprises de texte, et il faut être patient. Ils n’arriveront pas au même niveau de diction qu’un lecteur de nouvelles. L’important, c’est que Geneviève et Michael soient compris du public.

 

Q. L. : Quelles sont vos sources d’inspiration?
C.B. : Je m’inspire des metteurs en scène italiens Romeo Castellucci et Pippo Delbono, qui ont intégré des déficients intellectuels dans leurs pièces de théâtre. C’est pendant mes années de maîtrise à la Central School of Speech and Drama de Londres que j’ai vu des pièces avec des déficients intellectuels. Cette pratique est très répandue en Europe, mais pas vraiment au Québec. Je veux donner une voix à des gens que nous ne voyons pas habituellement au théâtre.

 

Q.L. : Est-ce que c’est la première fois que la pièce va être jouée ?
C.B. : L’écriture a commencé en 2009. Après maintes improvisations effectuées en répétition, nous avions voulu donner un avant-goût de Just Fake It au public. Par exemple, l’année dernière, on a présenté un extrait d’au moins quarante minutes de la pièce au Carrefour international du théâtre à Québec et à l’OFFTA, à Montréal. En général, la réception du public a été bonne.

 

Geneviève Morin-Dupont et Michael Nimbley, atteints respectivement de trisomie 21 et de déficience intellectuelle légère, en sont à leur troisième et deuxième collaboration théâtrale avec Catherine Bourgeois et sa compagnie Joe Jack et John. Celle-ci travaille à la fois avec des acteurs «normaux» et des déficients intellectuels. Catherine Bourgeois les a connus en visitant l’école Les Muses, un centre de formation en théâtre, en chant et en danse pour les déficients intellectuels.

 

Le titre Just Fake It est une modification du slogan Just Do It de la multi-nationale sportive Nike. «Les quatre personnages font semblant d’être heureux», dit Mme Bourgeois. Un homme porte des vêtements griffés contrefaits. Une immigrante américaine feint la compréhension du français. Une trisomique prétend être malade pour demeurer chez elle. Un homme avec une légère déficience intellectuelle évoque un malaise pour éviter les tâches contrariantes.