Volume 25

Insécurité sur les campus

« Ça peut sembler triste à dire, mais ça ne m’étonne vraiment pas que les personnes trans courent plus de risques », déplore la personne qui endosse la fonction de porte-parole du Groupe d’action trans de l’UdeM (GATUM) et qui étudie à la mineure en études féministes, Hélio*, à propos de l’étude.

Parmi les femmes cisgenres, celles faisant partie de la minorité sexuelle queer ont quatre fois plus de risques de subir de la coercition sexuelle. C’est une population qui est marginalisée, alors forcément, elle subit plus de violences, qu’elles soient sexuelles, verbales ou psychologiques », dénonce l’étudiante au baccalauréat en droit et présidente de l’Alternative, un regroupement pour les personnes LGBTQIA+ de l’UdeM, Claire Duclos.

Enquête de 2016

Pour réaliser cette étude, les chercheuses, dont la professeure au Département de psychoéducation Alexa Martin-Storey, ont utilisé des données diffusées dans le rapport de l’étude « Enquête Sexualité, Sécurité et Interactions en Milieu Universitaire » (ESSIMU) réalisée en 2016. Ces données regroupent plus de 4 200 personnes d’universités québécoises**, âgées de 18 à 25 ans.

Le rapport ESSIMU révèle que près de 40 % des répondants ont subi une forme de violence sexuelle depuis leur entrée à l’université. Ces formes de violence vont des remarques à connotation sexuelle aux agressions sexuelles, en passant par le harcèlement.

Pour cette nouvelle étude, les chercheuses ont dû classer les répondants de l’ESSIMU selon leur genre et leur orientation sexuelle. « Avec cette mine d’informations, on a dû reformuler notre question et différencier les répondants, explique Mme Martin-Storey, spécialisée dans les facteurs de risque et de résilience chez les jeunes de minorités sexuelles. Partant de là, on a pu prouver qu’il existe une vulnérabilité aux violences sexuelles chez les minorités sexuelles et de genre sur les campus. »

Le cas de l’UdeM

Selon les représentants de l’Alternative et du GATUM, aucune personne trans n’est venue les voir pour chercher de l’aide face à des violences sexuelles. « Quand une personne subit des violences, elle a souvent honte et garde ça pour elle », explique Claire. La non-reconnaissance du genre par l’Université et le peu de visibilité des groupes destinés aux minorités sexuelles et de genre dans l’établissement favoriseraient ce silence face aux violences sexuelles, selon Hélio.

L’UdeM est la seule université à Montréal qui ne possède pas de lieu dédié à ces minorités. « Au GATUM, un groupe dédié aux personnes trans, on est seulement dix, indique Hélio. Pourtant, ça m’étonnerait qu’il n’y ait que nous dans toute l’université. »

Du côté de l’UdeM, l’heure n’est pas encore à une séparation des genres pour les statistiques. « Aucune donnée liée au genre, à l’identité ou à l’orientation sexuelle dans les statistiques des violences sexuelles, n’est disponible à l’Université », indique le conseiller au Bureau d’intervention en matière de harcèlement de l’UdeM (BIMH), Alain Vienneau.

Pistes de prévention

« On a besoin de savoir où les violences sexuelles se déroulent pour les prévenir, souligne Mme Martin-Storey. Dans cette étude, on a déterminé des contextes propices à de telles violences. » D’après les résultats, les contextes sportifs et les activités de bénévolat seraient des situations plus risquées pour les personnes trans. Le harcèlement envers ces dernières proviendrait aussi davantage des supérieurs hiérarchiques.

Pour prévenir ces violences, la chercheuse préconise de brèves interventions auprès des minorités et du personnel des universités pour les sensibiliser à ces enjeux. « Cette approche réduirait les préjugés fondés sur l’identité de genre, poursuit-elle. C’est une première étape importante dans l’amélioration des climats universitaires. »

Le GATUM, qui organise régulièrement des kiosques pour les étudiants, se dit prêt à faire de la sensibilisation auprès du personnel de l’UdeM. « On commencerait par intervenir auprès de ceux qui sont les plus susceptibles d’être confrontés à ces questions, comme le personnel du Bureau d’intervention en matière de harcèlement », propose Hélio.

Des effets sur la santé mentale

Mme Martin-Storey indique qu’elles ont décidé de poursuivre leurs recherches. « Cette fois-ci, on va essayer d’identifier les conséquences de ces violences sexuelles sur la santé mentale et sur le parcours académique des victimes », précise-t-elle. Leurs recherches préliminaires démontrent que ces personnes présentent des symptômes de trauma et peuvent parfois vivre du décrochage scolaire, qui se manifeste par une baisse des notes où tout simplement un changement de programme.

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* La personne agissant à titre de porte-parole n’a pas souhaité donner son nom ni son genre pour assurer sa sécurité et son anonymat.

 
** Les universités incluses dans l’étude ESSIMU sont l’Université du Québec à Montréal (UQAM), l’UdeM, l’Université Laval, l’UdeS, l’Université du Québec en Outaouais (UQO) et l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC).

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